28/08/07 (B410) REUTERS : Procès par défaut pour deux proches du président djiboutien (Info lectrice)

Deux hauts responsables djiboutiens, proches du président de ce pays, ne viendront pas à leur procès pour "subornation de témoins" ordonné le 20 août dernier par un juge d’instruction de Versailles en marge du dossier visant la mort du magistrat Bernard Borrel, a annoncé leur avocat Me Francis Szpiner.

Djama Souleiman Ali et Hassan Saïd Khaireh, respectivement procureur général et chef des services secrets de Djibouti, seront donc jugés en leur absence devant le tribunal correctionnel de Versailles, dans les prochains mois.

"Bien entendu, ni le procureur général, ni le conseiller à la sécurité nationale ne déféreront à cette convocation, parce qu’ils ont expliqué que la coopération judiciaire entre les deux pays étant suspendue, ils ne recevront pas l’autorisation de se rendre", a dit sur France info Me Szpiner.

Les deux hommes font l’objet depuis octobre 2006 de mandats d’arrêt internationaux pour "subornation de témoin", délivrés après leur refus de répondre aux convocations du juge d’instruction.

"Je rappelle que la France est l’ancienne puissance coloniale, et que Djibouti est un Etat indépendant depuis trente ans désormais. On ne peut pas être dans une situation de dépendance et j’allais dire de condescendance. Donc naturellement, ils ne viendront pas mais tout le monde pourra se faire une idée du dossier", a ajouté Me Szpiner.

Dans ce dossier, le procureur général de Djibouti se voit reprocher d’avoir fait pression sur Mohammed Alhoumekani, ancien militaire djiboutien et témoin de l’enquête sur la mort de Bernard Borrel.

Ce témoin a mis en cause l’actuel président de Djibouti Ismaël Omar Guelleh. Le chef des services secrets djiboutiens aurait lui fait pression sur un autre témoin, Ali Iftin, lié au premier.

"VICTOIRE" POUR LA VEUVE BORREL

"Ce qui constitue une première victoire judiciaire pour Mme Borrel c’est que derrière le renvoi de ces dignitaires djiboutiens proches du pouvoir, la justice française pointe du doigt la responsabilité de l’actuel président de la République de Djibouti" Ismaël Omar Guelleh, a déclaré de son côté à Reuters l’avocat d’Elisabeth Borrel, Me Olivier Morice.

Selon lui, alors que "les autorités djiboutiennes dénonçaient une manipulation de Mme Borrel, on voit que la justice française considère que cette manipulation se situe au plus haut niveau du pouvoir djiboutien".

Le magistrat Bernard Borrel, coopérant français et conseiller technique auprès du ministère djiboutien de la Justice, a été tué dans ce pays en 1995.

La thèse du suicide avait d’abord été retenue mais le scénario d’un assassinat est désormais retenu par la justice qui s’appuie sur des expertises médico-légales.

Le témoin Mohammed Alhoumekani assure avoir assisté à une conversation entre Ismaël Omar Guelleh et plusieurs autres hommes dans les locaux de la présidence djiboutienne, le soir des faits, où aurait été évoqué le meurtre du magistrat.

La validité de ce témoignage est mise en doute par Djibouti qui souligne qu’au moins un des hommes censé être présent lors de cette réunion a pu prouver le contraire, et que d’autres étaient en prison à ce moment.

Le dossier Borrel est à l’origine de vives tensions entre Paris et Djibouti, siège de la principale base militaire en Afrique. Le 20juin dernier, le président Sarkozy a reçu à l’Elysée la veuve du magistrat, un tournant car la présidence Chirac s’y était toujours refusé. Dans un troisième dossier judiciaire ouvert pour "pressions sur la justice", deux juges ont tenté en vain de perquisitionner l’Elysée le 2 mai.