05/10/07 (B415) L’HUMANITE : L’OPA africaine du gouvernement Bush (Info lectrice)

Afrique . Washington met en place un centre de commandement militaire sur un continent où ses prises d’intérêt vont s’élargissant.

En ce début octobre, se déroule dans la plus grande discrétion un événement révélateur de la volonté hégémonique du gouvernement Bush sur l’ensemble de la planète, le coup d’envoi à Stuttgart d’Africom (United States Africa Command), initiative annoncée par le boutefeu de la Maison-Blanche en février dernier. Clé de voûte opérationnelle, un certain général William Ward, qui devra, début 2008, abandonner son quartier général, d’où il gère aujourd’hui depuis l’Europe les forces US d’ores et déjà présentes en Afrique, pour se trouver un point de chute dans l’un des pays concernés.

Premier sujet d’étonnement pour Washington, à une exception près (le Liberia) les capitales africaines ne se bousculent pas au portillon pour accueillir le futur centre de commandement militaire américain sur le continent. Le 16 août passé, les quatorze pays du SADC (Communauté pour le développement de l’Afrique australe), auxquels s’était jointe la Zambie, se sont même payé le luxe d’un refus d’abriter une telle installation, adjurant les autres nations africaines de suivre leur exemple. Du Zimbabwéen Robert Mugabe à l’Angolais José Eduardo dos Santos, en passant par le Sud-Africain Thabo Mbeki.

À l’autre bout du continent, les gouvernements algérien et marocain, dont une rumeur assurait qu’ils avaient été pressentis, faisaient savoir qu’ils ne sauraient donner leur accord pour ce qui concerne leur propre territoire. Restent des gouvernements nrien à refuser aux desiderata de l’Oncle Sam, l’Éthiopie ou le Kenya entre autres exemples possibles.

Cette initiative doit être resituée dans le contexte d’un continent livré à une paupérisation absolue, orchestrée par les institutions financières internationales (FMI, Banque mondiale) pour le seul profit des pays du « Nord », et aux conflits qui lui sont liés. L’ONU consacre désormais l’essentiel de son budget militaire et de ses casques bleus à des opérations en Afrique.

Sur le plan international, on assiste à une certaine redistribution des cartes. Empêtré dans sa gestion catastrophique de la crise ivoirienne, Paris s’efforce de ne plus apparaître comme « gendarme de l’Afrique » par vocation, mettant en place l’opération « Recamp » (équiper et former, à partir de ses bases prépositionnées, dans chacune des grandes régions, Ouest, Centre, Est, un bataillon africain auquel il sera possible de passer le relais pour telle ou telle opération d’interposition). Surtout, les cinq dernières années ont vu le Pentagone multiplier les accords avec les pays formant un arc stratégique allant de la Mauritanie à l’extrémité de la Corne de l’Afrique.

Au nom de la « lutte contre le terrorisme », Washington mettait en place, à partir de 2003, le programme TSCI (Trans-Sahara Counterterrorism) et instaurait, à l’est, la TF-150, force navale internationale s’arrogeant un droit de contrôle sur le trafic maritime de la mer Rouge au Golfe. Djibouti est passé du statut de « porte-avions français » à celui de « porte-avions multinational » sous commandement américain et lieutenance française.

Sur le plan économique, ce contexte est celui tissé par le nouvel intérêt porté par le monde des affaires américain aux matières premières africaines, et d’abord au pétrole du golfe de Guinée (Angola, Nigeria, Congo, Guinée-Équatoriale). Les échanges États-Unis-Afrique sont passés d’une trentaine de milliards de dollars en 2003 à une centaine en 2006. À la jonction de ces deux mouvements, l’installation de stations radars de portée continentale dans l’archipel de Sao Tomé, une micro-nation d’importance stratégique de par son emplacement géographique, et qui, autre avantage évident, vient d’entrer dans le cercle fermé des pays producteurs de pétrole.

Jean Chatain