24/10/07 (B418-B) LE MONDE Des proches d’un témoin clef dans l’affaire Borrel expulsés de Djibouti (Info lectrice)

Sept membres de la famille de Mohammed Saleh Aloumekani, un témoin clef dans l’enquête sur la mort du juge français Bernard Borrel à Djibouti en 1995, ont été expulsés mardi de Djibouti vers le Yémen, a-t-on appris auprès de la justice djiboutienne et de l’avocat de M. Aloumekani.

La famille de M. Alhoumekani a été expulsée de Djibouti par avion vers le Yémen lundi après-midi, après avoir été placée pendant 24 heures en garde à vue dans le centre de transit de Nagad, situé à une dizaine de km de la capitale djiboutienne, selon une source judiciaire.

Réfugié en Belgique, où il a acquis la nationalité belge, cet ex-officier de la garde présidentielle djiboutienne a mis directement en cause le président Ismaël Omar Guelleh dans l’enquête sur la mort du juge.

Il avait affirmé en décembre 1996 avoir entendu, le jour de la mort de Bernard Borrel, cinq hommes déclarer à l’actuel président djiboutien, alors directeur de cabinet de son prédécesseur, que le « juge fouineur est mort » et qu' »il n’y a pas de trace ».

La mère de M. Aloumekani, quatre frères, une soeur et la femme du frère aîné ont fait l’objet d’une procédure de bannissement de la part des autorités djiboutiennes qui leur ont confisqué leur passeport et les ont expulsés mardi matin vers le Yémen, a indiqué l’avocat Mohammed Saleh Aloumekani, Me Luc Cambier, du barreau de Bruxelles, joint par téléphone.

Le procureur général de Djibouti, Djama Souleiman, a déclaré mardi à l’AFP que cette famille avait été expulsée « pour comportement outrageant et mensonger, violation des lois du pays et atteinte à sa souveraineté ».

« C’est la famille Alhoumekani elle-même qui a demandé son expulsion vers le Yémen et non pas le gouvernement djiboutien », a ajouté le procureur général.

« Des agents de la police nationale, à bord de plusieurs camions, ont débarqué (lundi) vers 15 heures locales (12h00 GMT) sur les lieux et ont emmené toute la famille. Il y a eu des larmes. C’était déchirant », a rapporté de son côté à l’AFP mardi sous couvert d’anonymat un habitant du quartier où vivait la famille.

« Ces mesures de bannissement sont liées au témoignage de mon client et aux pressions qui subsistent pour qu’il le retire », a estimé pour sa part Me Cambier. Il a expliqué qu’il était en train de chercher une solution pour permettre aux proches de M. Aloumekani de trouver refuge en Belgique ou en France.

De son côté, Me Olivier Morice, l’avocat de la veuve de Bernard Borrel, a jugé ces expulsions « très graves. On franchit un pas supplémentaire dans l’intimidation ».

Les relations entre la France et la République de Djibouti – ex-colonie française qui abrite la principale base militaire française en Afrique – sont empoisonnées depuis des années par l’affaire de la mort du juge français Bernard Borrel en 1995 à Djibouti.

Djibouti a conclu à un suicide dans cette affaire, mais l’enquête française privilégie la thèse d’un assassinat.

Fin août, le procureur général de Djibouti et le chef des services secrets, Hassan Saïd ont été renvoyés pour la première fois devant la justice française dans ce dossier. L’audience devrait se tenir le 13 mars 2008.

Samedi et dimanche, des manifestations, les plus importantes depuis l’éclatement de l’affaire ont été organisées dans la capitale Djibouti et dans le sud du pays pour protester contre l’enquête de la justice française.

Le juge Bernard Borrel avait été retrouvé mort, le corps à demi-calciné, en 1995 à Djibouti, où il travaillait dans le cadre de la coopération, auprès du ministre de la Justice.