14/11/07 (B421) RUE 89 : Pour les autorités du Puntland, les candidats à l’exil n’existent pas

Par Stéphanie Braquehais (Journaliste)

A Bossasso, ville portuaire au nord de la Somalie, des centaines de personnes s’enrichissent grâce au trafic de migrants. Venus d’Ethiopie ou de Somalie, plus de 30000 personnes ont risqué leur vie en 2006 pour atteindre les côtes yéménites. Aujourd’hui, troisisème volet du récit de Stéphanie Braquehais: tentative de contact avec les autorités du Puntland.

Le gouvernorat est un bâtiment vétuste qui date des années 70. Dans la cour, devant l’entrée principale, le gouverneur est occupé à discuter avec des « elders » (sages). Assis sur des chaises en plastique, ils s’animent, parlementent, entourés de policiers armés, tous vêtus de treillis différents.

On me fait entrer dans le bureau du gouverneur. Une grande salle haut de plafond, des murs recouverts de vieux rideaux rouge vif, un climatiseur qui tombe en ruine et soufflant avec régularité de la poussière et une persistante odeur de moisi, qui vous prend à la gorge. Le gouverneur entre au bout d’une heure, s’assoit sur son fauteuil en cuir décati et me contemple avec circonspection.

Il prend ma carte de visite sans la regarder, la pose sur la table et me demande de quelle organisation je dépends. Je lui réponds que je suis journaliste indépendante et que je suis à Bossasso pour couvrir différents sujets, notamment les migrants qui partent au Yémen.

Il hausse les sourcils et me demande une autorisation de circuler et de faire mon travail de journaliste, qui, bien entendu, n’existe pas, personne ne m’a jamais demandé un tel document, et d’ailleurs, aucun département n’existe à ce sujet au Puntland. Au bout de quelques minutes d’un dialogue de sourds plutôt animé, il m’invite d’un geste à quitter son bureau.

Persistant dans l’idée qu’une voix officielle serait intéressante à entendre sur la question, je m’adresse au commandant de la police, qui me donne rendez vous pour le jour suivant. Le quartier général de la police ressemble à une cour des miracles, où n’importe quel jeune détenant un AK47 semble autorisé à passer ses journées.

J’attends deux heures dans la cour, sous le regard étonné et railleur des mêmes individus. Le commandant de la police me fait appeler. Mon traducteur entreprend de lui expliquer le but de ma visite.

Le commandant, promu colonel tout récemment, a devant lui posés deux téléphones portables qui ne cessent de sonner. Une demi douzaine d’employés entrent et sortent de son bureau, en courbant l’échine et en ne cessant de s’excuser, pour lui faire signer des fatras de papiers officiels. Le commandant les signe d’une main, renvoie les gens de l’autre main, lorsqu’il n’est pas en train de répondre sur l’un de ses deux téléphones mobiles.

A peine mon traducteur a-t-il fini d’exposer ma requête, que le tout puissant chef de la police fronce les sourcils et pour tout réponse, déclare: « Bakh! Bakh », un équivalent somali de « Foutez-moi le camp ». Il dit qu’il ne parle pas de ces choses là, que c’est la première fois qu’il voit une journaliste qui a le culot de s’adresser à lui de la sorte.

Nous repartons penauds.