24/01/08 (B431-B) AFP : Affaire Borrel: Paris réfute les accusations de Djibouti devant la Cour internationale de justice

LA HAYE (AFP) — La France a rejeté jeudi, devant la Cour internationale de justice (CIJ), les accusations de violations en matière de coopération judiciaire dont l’accuse Djibouti dans l’affaire de la mort du juge Borrel, et demandé aux juges de déclarer la requête irrecevable.

Paris "prie la Cour de constater son incompétence et l’irrecevabilité de la requête", a déclaré le professeur Alain Pellet, qui défend les intérêt de la France.

Il a rappelé que Paris, qui n’y était pas tenue, avait accepté de se soumettre à la CIJ à la condition que la requête de Djibouti se limite strictement aux questions de coopération judiciaire dans le dossier Borrel.

Or, selon le conseil, Djibouti "élargit l’étendue (de sa requête) subrepticement mais clairement".

Dans une requête déposée en janvier 2006, Djibouti accuse la France d’avoir violé ses obligations de coopération judiciaire en ne lui transmettant pas les éléments de son enquête sur la mort du juge d’instruction Bernard Borrel.

Le corps calciné du magistrat avait été retrouvé en 1995 dans un ravin à Djibouti, où il travaillait dans le cadre de la coopération judiciaire bilatérale.

L’enquête djiboutienne a conclu au suicide, mais la France a privilégié la thèse de l’assassinat, plongeant les deux pays dans un imbroglio politique, diplomatique et judiciaire.

Djibouti accuse également la France d’avoir violé ses obligations internationales en lançant des mandats d’arrêt contre deux hauts responsables djiboutiens, et en convoquant le président de ce pays, Ismaïl Omar Guelleh, pour témoigner.

La république africaine se fonde sur deux traités bilatéraux de 1976 et 1986.

Djibouti "généralise" l’affaire, dépassant les limites posées par la France pour se soumettre à la Cour, a insisté l’agent de la France, Edwige Belliard, directrice des affaires juridiques au ministère des Affaires étrangères.

Pour Paris, la convocation du président djiboutien est en effet "dénuée de lien avec l’affaire Borrel", et l’immunité des deux responsables visés par les mandats d’arrêt est invalide au regard du droit international.

Ces mandats d’arrêt et convocation à témoigner ont été émis dans le cadre d’une procédure "contre X pour assassinat" lancée devant la justice française par la veuve du magistrat.

Selon les représentants de la France, "aucun des griefs évoqués (par Djibouti) ne peut être établi". Paris "les réfutera" car ils ne sont "pas avérés", a précisé Mme Belliard.

La responsable a justifié le refus de la France de transmettre à Djibouti son enquête par "les intérêts fondamentaux de la France", une dérogation qui figure dans les traités bilatéraux.

Selon Mme Borrel, son mari enquêtait sur des trafics d’armes et des attentats dans lesquels le président Guelleh aurait été impliqué. D’autres pistes, telles que des "produits dangereux" et "l’uranium enrichi", ont été évoqués par son avocat.

A l’issue de son plaidoyer, mardi, l’agent de Djibouti devant la CIJ, l’ambassadeur Siad Mohamed Doualeh, avait demandé aux juges de contraindre Paris de lui "transmettre le dossier Borrel (…) immédiatement après le jugement", et d’annuler les mandats d’arrêt et la convocation à témoigner.

Paris continuera de s’expliquer vendredi. Djibouti et la France auront une dernière fois la parole, respectivement lundi et mardi prochain.

La CIJ est la plus haute instance judiciaire des Nations unies et siège à La Haye. Elle juge les différends entre les Etats.