24/01/08 (B431-B) Le Télégramme de Brest / Affaire Borrel. Paris en position inconfortable (Info lectrice)

Le différend juridico-diplomatique entre Djibouti et la France sur la mort mystérieuse du juge français Bernard Borrel, en 1995, se retrouve à partir d’aujourd’hui devant la Cour internationale de justice. Une procédure qui met Paris en position inconfortable, car la France veut aussi sauvegarder des intérêts stratégiques dans cette ancienne colonie.

La mort du juge Borrel , en 1995 à Djibouti , empoisonne depuis près de quinze ans les relations qu’entretient Paris avec son ancienne colonie de la C orne de l’Afrique .

Des intérêts de premier ordre

Les liens étroits entre la France et Djibouti se sont tendus en 2004 quand la justice française a abandonné l’hypothèse du suicide de Bernard Borrel pour privilégier celle de l’assassinat, dans lequel, selon des témoins, le président Ismaël Omar Guelleh serait impliqué.

L’affaire judiciaire est alors devenue une affaire d’Etat embarrassante pour la France qui conserve à Djibouti, indépendante depuis 1977, des intérêts de tout premier ordre. Paris maintient en effet sa plus importante garnison outre-mer, soit 2.800 soldats des trois armes, dans ce micro-Etat qui occupe une position stratégique sur les rives du g olfe d’Aden.

« Cette base a permis d’assurer la sécurité des approvisionnements pétroliers pendant la première guerre du Golfe, de stabiliser la région lors du conflit entre l’Ethiopie et l’Erythrée, comme elle permet aujourd’hui de contrôler le trafic maritime en direction de l’Europe, via le golfe d’Aden et la mer Rouge » , fait valoir l’état-major des armées françaises.

Djibouti et ses étendues désertiques sont aussi utilisés comme terrain d’entraînement pour des unités militaires françaises. « C’est véritablement une des sentinelles de la C orne de l’Afrique » , souligne de son c ô té le chercheur Philippe Hugon. Une position stratégique dont la France n’a cependant plus le monopole, les Américains y ayant déployé 1.500 soldats dans le cadre de leur dispositif de lutte contre le terrorisme après le 11-septembre.

Une concurrence appréciée par Djibouti qui a ainsi desserré le lien de dépendance qui l’unit à son ancienne puissance coloniale et a pu ainsi exiger une hausse du loyer de la base française, qui s’établit désormais à 30 millions d’euros par an. Par ailleurs, ces dernières années, Djibouti s’est tourné vers les pays du Golfe pour devenir un centre de transit régional de marchandises et varier ses sources de revenus.

Des pressions politiques

Pour autant, Paris reste le premier partenaire commercial de Djibouti et tient à maintenir des liens « étroits et constants » avec ce pays. Ces intérêts stratégiques sont l’une des raisons pour lesquelles, selon Elisabeth Borrel, la veuve du juge, les autorités françaises ont opéré « des pressions politiques incontestables » sur la justice.

D’après des documents saisis au ministère des Affaires étrangères et au ministère de la Justice, il semble que Paris a, en effet, tout fait pour essayer de répondre aux exigences de Djibouti, notamment sur la transmission du dossier Borrel refusée par la juge Sophie Clément, en charge de l’affaire. En 2007, l’arrivée au pouvoir de Nicolas Sarkozy a semblé marqu er un tournant. Après avoir été reçue en juin à l’Elysée, pour la première fois, la veuve du juge Borrel a expliqué que le chef de l’Etat s’était engagé à ce qu’il n’y ait plus « d’obstructions » dans cette affaire.