13/03/08 (B438) Nouvel Obs : DJIBOUTI Affaire Borrel : deux Djiboutiens jugés à Versailles

Le procureur et le chef des services secrets de Djibouti sont accusés d’avoir fait pression sur deux témoins clefs dans l’affaire du meurtre du juge français Bernard Borrel, en 1995 à Djibouti. Le procès s’ouvre en leur absence.

Le tribunal correctionnel de Versailles ouvre, jeudi 13 mars, le procès du procureur et du chef des services secrets de Djibouti, dans le cadre de l’affaire Borrel.

Le jugement devait s’ouvrir en l’absence des deux prévenus, qui sont sous le coup de mandats d’arrêt délivrés par la justice française en 2006, et qui sont jugés pour « subornation de témoins ».

Les deux hauts responsables djiboutiens sont accusés d’avoir fait pression sur deux témoins clefs du dossier pour annuler ou discréditer un témoignage mettant en cause l’actuel président de Djibouti, Ismaël Omar Guelleh, comme le possible commanditaire du meurtre du juge français Bernard Borrel, en 1995 à Djibouti.

Homicide

Le magistrat avait été découvert en contrebas d’un ravin, le corps en partie calciné, à 80 km de Djibouti où il travaillait, dans le cadre de la coopération, auprès du ministre de la justice. La thèse d’un suicide a longtemps été privilégiée avant que des expertises n’orientent l’enquête vers un homicide.

Le procès de jeudi est contradictoire car le procureur, Djama Souleiman, et le chef des services secret, Hassad Saïd, sont représentés devant la 6e chambre par l’avocat de Djibouti, Me Francis Szpiner.

« Mes clients contestent avoir commis le délit de subornation et c’est avec sérénité que j’attends cette audience », a indiqué l’avocat qui entend faire valoir plusieurs nullités de procédure et contester la compétence de la justice française.


Une plainte d’Elisabeth Borrel


Elisabeth Borrel, la veuve du juge, observe pour sa part que cette audience est « une première victoire contre tous ceux qui ont voulu étouffer l’affaire ». Elle est représentée par Me Olivier Morice.

C’est en effet la première fois qu’est évoqué devant une juridiction française le fond de l’affaire Borrel et les différentes affaires de pression sur la justice liées à ce dossier.

L’enquête pour « subornation de témoin » fait suite à une plainte déposée en novembre 2002 par Elisabeth Borrel.

Le procureur Djama Souleiman est accusé d’avoir tenté de faire pression pour obtenir la rétractation d’un ex-membre de la garde présidentielle djiboutienne, Mohamed Saleh Alhoumekani, exilé en Belgique.

L’homme a affirmé devant la justice française avoir entendu, le jour de la mort du juge, cinq hommes rendre compte à Ismaël Omar Guelleh, alors directeur de cabinet du président, de la mort du « juge fouineur ».

A l’appui de l’accusation figurent notamment l’enregistrement téléphonique d’un dialogue entre le procureur et Mohamed Saleh Alhoumekani et un document écrit de la main du procureur, selon une expertise.

Le chef des services secret est pour sa part accusé d’avoir fait pression sur Ali Iftin, l’ex-chef de la garde présidentielle, pour qu’il rédige une attestation discréditant le témoignage de Mohamed Saleh Alhoumekani.

Non lieu

Outre Djama Souleiman et Hassan Said, l’enquête pour « subornation de témoins » visait également Marie-Paule Moracchini, la première juge chargée de l’affaire Borrel, et Me Alain Martinet, avocat au barreau de Djibouti, qui ont tous deux bénéficiés d’un non-lieu.

L’audience correctionnelle de Versailles intervient à l’issue d’une longue bataille judiciaire durant laquelle les parties civiles ont été soutenues par la cour d’appel de Versailles

Cette dernière a notamment ordonné en octobre 2006 la diffusion de mandats d’arrêt contre le procureur et le chef des services secrets de Djibouti qui avaient refusé de venir s’expliquer en France sur cette affaire.

L’affaire Borrel, à l’origine de plusieurs procédures en cours devant la justice française et la cour internationale de justice (CIJ). Elle empoisonne les relations entre Paris et Djibouti, où la France a installé sa principale base militaire à l’étranger.