17/03/08 (B439) GEOPOLITIQUE.COM : Etats d’âme sur le front somalien

Par Bernard Estrade

Un sous-marin américain a tire deux missiles Tomahawk au début du mois sur une maison de Dobley, une petite localité du sud de la Somalie à environ six kilomètres de la frontière avec le Kenya.La maison a été détruite.

Un sous-marin américain a tire deux missiles Tomahawk au début du mois sur une maison de Dobley, une petite localité du sud de la Somalie à environ six kilomètres de la frontière avec le Kenya.La maison a été détruite.

Trois personnes blessées, trois vaches et un âne tués.

Ce bombardement est le quatrième en territoire somalien officiellement reconnu par le Pentagone depuis décembre 2006.

D’autres informations, que les autorités américaines refusent de commenter, font état de la présence en Somalie d’unités relevant du Commandement des opérations spéciales (US SOCOM).

Le Pentagone a justifié l’attaque de Dobley, comme les opérations précédentes, par la « guerre contre la terreur ». Et, comme les précédentes, elle a échoué.

La cible était Saleh Ali Saleh Nabdhan, un Kenyan identifié comme l’un des organisateurs des attaques à la bombe contre les ambassades des Etats-Unis à Nairobi et Dar es Salaam en 1998.

Les deux autres « cibles à haute valeur » pourchassées jusqu’à présent en vain dans la Corne de l‘Afrique par les forces américaines sont Talha al-Sudani et Fazul Abdullah Mohammed.

Comme Oussama ben Laden auquel ils ont fait allégeance, ils courent toujours.

Les militaires américains ne connaissent en effet pas plus de succès en Somalie, le troisième front qu’ils ont discrètement ouvert dans la Corne de l’Afrique il y a un peu plus d’un an, qu’en Afghanistan et en Irak.

Alors que les Etats-Unis renforcent leur base militaire à Djibouti et sont de plus en plus impliqués dans la Corne de l’Afrique, la situation dans cette région stratégique instable charnière entre le continent noir et la péninsule Arabique, ne cesse de se dégrader.

La CIA avait d’abord essayé durant l’été 2006 de remplacer l’Alliance islamique modérée qui avait rétabli le calme à Mogadiscio en finançant une coalition de seigneurs de la guerre, les acteurs directs de l’anarchie qui ravage la Somalie et pressure la population depuis les années 90.

La tentative ayant échoué, les Etats-Unis ont poussé l’Ethiopie dont les relations avec la Somalie sont historiquement conflictuelles, a envahir leur voisin sous le prétexte de porter au pouvoir un « gouvernement transitoire» concocté au Kenya voisin parmi des exilés et sans assise dans le pays.

Un peu comme les forces américaines en Irak, les forces éthiopiennes, avec leur aviation de combat et leurs blindés, sont facilement parvenues en décembre 2006 jusqu’à la capitale, Mogadiscio.

Mais elles ont eu, elles aussi, à faire face très vite à une guérilla de plus en plus efficace et appuyée par une population excédée par les bombardements et l’occupation militaire étrangère.

Face à ce nouvel échec, les Etats-Unis parvenaient, en mars l’année dernière, à obtenir du Conseil de sécurité des Nations Unies une résolution légitimant l’intervention éthiopienne et appuyant l’intervention de l’Amisom, la Mission africaine en Somalie, créée par l’Union Africaine.

Un an après, l’Amisom compte à peine 1.200 hommes pour un effectif prévu de 8.000 et sur les 622 millions de dollars de budget prévisionnel, seuls 32 millions ont été recueillis.

Sur le terrain, le rôle des deux bataillons ougandais présents est essentiellement réduit à assurer la sécurité des personnalités en visite et à assurer la garde du « gouvernement transitoire » toujours autant imopulaire.

Face au désastre, certains aux Etats-Unis, notamment au département d’Etat, voudraient maintenant que le « gouvernement transitoire » ouvre des négociations avec la coalition islamique.

Mais son président, Abdullahi Yusuf, s’y oppose et l’idée de telles négociations ne fait pas non plus l’unanimité au sein de l’administration américaine dont le recours au dialogue ne constitue pas une caractéristique.

En attendant, un million de personnes ont été déplacées par la violence et 1,4 millions ont besoin d’une aide humanitaire.

Selon un responsable des Nations Unies, la crise humanitaire en Somalie « est la pire du continent africain et probablement dans le monde ».