10/04/08 (B442) Libération : «Le Ponant». Le GIGN craint qu’une intervention ne mette les 22 otages français en danger.

JEAN-DOMINIQUE MERCHET

Trois jours après le détournement du Ponant par des pirates somaliens dans le golfe d’Aden, les autorités françaises privilégient toujours une solution pacifique et négociée. En clair, le paiement d’une rançon, qui s’élèvera sans doute à plusieurs centaines de milliers d’euros. Le contact a été établi dimanche avec les pirates, a confirmé le ministre des Affaires étrangères, Bernard Kouchner et, hier, la compagnie CMA-CGM, propriétaire du voilier de luxe, assurait que «la situation est calme» à bord et que l’équipage était «bien traité».

Vingt-deux Français et dix Ukrainiens sont retenus par «dix pirates armés», selon le ministre de la Défense, Hervé Morin. Hier soir, l e Ponant mouillait toujours au large de la ville somalienne de Garaad, surveillé par l’aviso français Commandant-Bouan.

«Au cas où…». La France a toutefois montré ses muscles hier matin, en annonçant l’envoi d’une équipe du GIGN et de commandos-marine à Djibouti. Mais ce «pré-positionnement» ne préfigure vraisemblablement pas une intervention de vive force. «Il faut être prêt à… au cas où…» explique-t-on simplement à l’Etat-major des armées.

La décision d’envoyer un groupe d’intervention traduit aussi la volonté de Nicolas Sarkozy d’adopter une posture plus ferme que celle de François Fillon, qui, dès le déclenchement du plan Pirate-mer, vendredi, affirmait «privilégier la protection des personnes qui sont à bord». «Nous utilisons tous les canaux pour essayer de résoudre cette affaire sans utiliser la force», ajoutait le Premier ministre à l’issue d’une réunion avec les spécialistes du contre-terrorisme maritime (CTM). «Nous aviserons à partir du moment où ils décideront de poser pied à terre», expliquait de son côté, le ministre de la Défense. Une reprise de vive force du bateau à la mer serait en effet extrêmement complexe et dangereuse, et pourrait se traduire par des pertes élevées parmi les otages et les hommes engagés.

Très peu d’unités sont capables d’effectuer une telle mission. En France, seuls les gendarmes du GIGN et les commandos-marine s’y entraînent régulièrement avec des équipages d’hélicoptères. Une intervention à la mer ne peut se faire que de deux manières : avec des hélicoptères ou à partir de bateaux rapides de type Zodiac. Dans les deux cas, il faut compter sur le fait que les pirates somaliens risquent de se défendre un peu plus sérieusement que les grévistes de la SNCM qui avaient détourné le Pascal Paoli, au large de la Corse, en septembre 2005.

Un exemple : pour débarquer les commandos, les hélicoptères doivent rester un court moment en vol stationnaire. Assez longtemps en tout cas pour que les pirates puissent leur tirer dessus avec leur lance- roquettes RPG 7. Les militaires se souviennent de la Chute du faucon noir, le film de Ridley Scott qui retrace la mésaventure d’un hélicoptère américain en… Somalie. Sans compter que le Ponant est un magnifique trois-mâts et que les hélicoptères détestent autant les mâts que les lignes électriques.

«Pas à Hollywood».

Autre difficulté majeure : la distance. Le Ponant mouille actuellement à 1 200 kilomètres de Djibouti, soit deux jours de mer, ou une très longue traversée (avec étape obligatoire pour se ravitailler) pour les cinq ou six hélicoptères Puma de Djibouti qu’il faudrait engager pour transporter le groupe d’intervention. Et l’aviso français présent sur place n’est pas équipé pour accueillir des hélicoptères…

Une opération à terre, techniquement moins complexe, risquerait elle aussi de se solder par un bain de sang. «On n’est pas à Hollywood», assure un membre des forces spéciales, soucieux de calmer quelques ardeurs guerrières. Reste donc la valise pleine de billets, livrée à la bonne adresse. C’est généralement comme cela que se soldent les affaires d’otages. Quand tout se passe bien.