22/05/08 (B448) Les relations des réfugiés avec le HCR ne sont pas toujours faciles à Addis Abeba et on comprend qu’ils aient perdu confiance dans cette organisation qui est pourtant leur seul soutien actuellement. L’un de ces anciens réfugiés nous adresse son témoignage authentique.

Résumé d’un entretien que j’ai eu en Aoüt 2007 avec le HCR d’Addis Abeba. Pour des raisons de confidentialité, nous ne mentionnerons pas les noms des agents concernés, mais seulement la première initiale de leurs noms de famille.

Ancien réfugié moi-même et ayant eu la chance de bénéficier d’une réinstallation dans un pays occidental, je me préoccupe en permanence du sort de mes anciens camarades de lutte. C’est pour cette raison que je suis allé à Addis Abeba en Août 2007, afin d’essayer de leur apporter un soutien et de voir comment on pouvait faire avancer leurs dossiers.

Bien qu’ayant pris rendez-vous au préalable, j’ai du attendre plus de 90 minutes avant d’être reçu par Madame S. dans son bureau. La première partie de l’entretien s’est déroulée dans un climat de confiance. Elle m’a expliqué que le HCR était engagé dans une vaste opération de réactualisation des dossiers de tous les réfugiés présents sur le sol éthiopien et en particulier des Djiboutiens.

L’objectif de cette réactualisation m’a été présenté sous deux aspects :
– avoir une vision précise de chaque famille de réfugié pour pouvoir maintenir les droits,

envisager dans un deuxième temps, leur réinstallation dans un autre pays.

Au bout de quelques minutes, Madme M (fonctionnaire local du HCR) a fait irruption dans le bureau. Les réfugiés que j’avais rencontrés avant cet entretien avaient tous émis de sérieuses réserves sur cette personne qui abusait facilement, selon eux, de son autorité et de leur faiblesse sur le plan administratif..

Sans même se préoccuper de ma présence, ni surtout s’excuser, (ne serait-ce que par courtoisie) elle a engagé une conversation à voix basse avec la personne qui me recevait. Je n’ai pas pu entendre ce qui se disait et cela ne me regardait pas.

Toujours est-il qu’après son départ, l’attitude de Madame S. avait totalement changé. Un véritable renversement à 180°. Elle m’a dit que les réfugiés devaient regagner Djibouti. A son avis, la situation étant redevenue calme, ils n’avaient plus rien à craindre.

Elle a reconnu qu’il y avait bien des milliers de réfugiés présents en Ethiopie mais que le HCR n’avait pas pu les inscrire, ce qui prouvait qu’ils s’étaient bien intégrés. L’argument m’a paru un peu léger dans la mesure où le taux de chômage en Ethiopie doit se situer autour de 70 % et que les réfugiés, considérés comme des citoyens de troisième classe, n’ont pas le droit de travailler, même inscrits auprès du HCR …

Elle a conclu sur ce point, en affirmant de toutes les façons, que leur retour à Djibouti étant imminent, la situation de ceux qui n’étaient pas intégrés serait vite résolue.

Bien que comprenant que je n’adhérais pas à ses propos, elle a poursuivi en me disant qu’elle avait proposé des candidatures de réfugiés djiboutiens aux autorités norvégiennes et danoises. Ce qu’elle ne savait pas, c’est que les contacts que j’ai dans ces pays m’avaient affirmé qu’ils n’avaient jamais reçu de proposition de réinstallation en provenance du HCR d’Addis Abeba et que leurs deux pays ne refusaient qu’exceptionnellement les dossiers qu’on leur transmettait. On peut parler d’accord tacite, pratiquement dans tous les cas ….

Sans ne vouloir parler de mensonge de la part de cette fonctionnaire, qui était peut-être mal informée, je dois dire que j’ai été fort surpris de son manque de confiance et de transparence. J’avais fait le déplacement, plein d’espoir dans le HCR qui est une institution honorable et l’on me servait un discours « langue de bois » et trop éloigné de la réalité pour que je puisse l’accepter.

J’ai pris congé car il n’y avait plus rien à dire dans ce contexte et face à ce mutisme. J’ai poursuivi mon séjour au milieu des nôtres et j’ai compris que les fonctionnaires du HCR d’Addis avaient des agissements peu conformes avec leur mission prioritaire.

Bien entendu, je n’ai pas pu en déterminer les raisons et je me limiterai à quelques hypothèses :

collusion avec le pouvoir éthiopien qui délèguerait ses agents (et leurs « oreilles ») pour servir dans l’organisation, afin de faire appliquer les décisions gouvernementales et de remonter des informations,
– intérêt personnel,
– obligation de composer avec le pouvoir dictatorial sous peine de rencontrer des difficultés,
– …

Peu importe au fond …

Mais ce qui m’avait beaucoup choqué, c’était :

– le revirement subit de Madame S., après la conversation à mots couverts qu’elle avait eu en ma présence avec Madame M.. Cette personne, fonctionnaire local, a-t-elle un pouvoir particulier ?

Certaines rumeurs que je n’ai pas pu vérifier, affirment que des éthiopiens ont été installés dans des pays occidentaux par le HCR, sous couvert d’être des Djiboutiens …

On comprend mieux pourquoi nos compatriotes ont perdu la confiance qu’ils avaient dans le HCR. Cela va faire quinze années qu’ils vivent dans des conditions pénibles et que le HCR ne leur a encore jamais proposé des solutions de réinstallation alors que nous savons que certains pays comme la Nouvelle Zélande, ont offert d’accueillir des familles … et qu’il n’y a jamais eu de réponse de la part du HCR d’Addis.

Je lance un appel à la hiérarchie du HCR pour qu’elle « audite » le fonctionnement du bureau d’Addis et en particulier les actions qui ont été entreprises pour recenser les milliers de nos compatriotes (Zone Afar 2 en particulier) afin qu’ils bénéficient de leurs droits et pour qu’on leur propose des solutions de réinstallation dans d’autres pays.

Par ailleurs, comme on le sait,
l’inflation a atteint un seuil intolérable en Ethiopie (comme dans d’autres pays). Le montant mensuel de l’aide du HCR est limité à 1.000 birs pour une famille avec des enfants (env. 100 €).

Le loyer minimun pour un modeste refuge avec des sanitaires partagés est de 450 birs et les propriétaires donnent la préférence aux célibataires à ce prix-là (moins de bruit, moins d’utilisation des sanitaires, moins de consommation d’eau, etc..)

On m’a récemment cité le cas d’une famille qui est à la recherche d’un logement depuis plus de 20 jours. Le couple et ses 2 enfants sont à la rue. Ils ont été chassés au motif que le nouveau né dérangeait un voisin…

Enfin je dois dire à nos compatriotes qui s’affirment dans l’opposition djiboutienne, que les réfugiés ont perdu confiance dans la classe politique djiboutienne parce qu’elle les délaisse depuis 15 ans et qu’elle n’utilise leur malheur que pour faire des discours politiques ou des communiqués sans suivi.

Les réfugiés ont désigné le Président de l’ARDHD comme mandataire pour l’Europe et ils n’ont pas changé d’avis. Ils savent que cette association interviendra humainement en leur faveur sans arrière-pensée ni tentative de récupération politique. L’exemple du « sauvetage » d’Hasna conforte leur sentiment.