20/06/08 (B452) La Presse canadienne : Chassés par la violence, les réfugiés somaliens affluent à Dadaab, au Kenya

DADAAB, Kenya — Plus de 20.000 Somaliens ont fui leur foyer depuis le début de l’année pour gagner le camp de réfugiés de Dadaab, dans l’est du Kenya. En proie au chaos, la Somalie connaît l’une des pires crises de la planète avec l’Irak, l’Afghanistan et le Darfour, selon le haut commissaire de l’ONU pour les réfugiés.

Malgré la chaleur et la poussière qui règnent à Dadaab, à 80 kilomètres de la frontière somalienne, les réfugiés considèrent le camp comme leur dernier recours pour avoir la vie sauve. Leurs témoignages décrivent un climat de terreur à Mogadiscio.

« Dadaab représente un cri désespéré (…) pour la paix en Somalie », a déclaré le haut commissaire de l’ONU pour les réfugiés, Antonio Guterres, lors d’une visite dans ce camp surpeuplé mercredi, deux jours avant la Journée mondiale des réfugiés. Il estime que la communauté internationale ignore depuis trop longtemps la crise somalienne.

Avec l’afflux de réfugiés enregistré depuis le début de l’année à Dadaab, la population du camp, créé en 1991, frôle les 200.000 personnes, qui s’entassent sur 50 kilomètres carrés. « Nous devons améliorer leurs conditions de vie jusqu’à ce que la paix leur permette de repartir », a déclaré M. Guterres.

Les derniers arrivants en provenance de Mogadiscio parlent de tirs incessants d’armes légères et d’obus. Plusieurs enfants racontent que leurs amis ont été enrôlés de force dans des milices. Beaucoup ont marché des semaines pour rejoindre Dadaab.

« Je ne pouvais plus vivre à Mogadiscio, toute ma famille aurait fini par être tuée », explique Osman, 25 ans, père de deux petites filles, qui a quitté la capitale somalienne il y a trois mois après avoir identifié le corps de sa mère. L’an dernier, plus de 30.000 Somaliens ont cherché asile à l’étranger alors que leur pays est déchiré par la violence.

Des milliers de civils ont été tués depuis le début de 2007 en Somalie, qui n’a plus de gouvernement central effectif depuis 1991 et la chute du dictateur Mohamed Siad Barre, après quoi le pays a été livré à la loi des factions armées.

Un gouvernement provisoire de transition a été créé en 2004 avec le soutien des Nations unies, mais n’exerce pas un contrôle réel sur le pays. Il a certes réussi à chasser fin 2006, avec l’aide de l’armée éthiopienne, les Tribunaux islamiques qui avaient pris le contrôle de Mogadiscio et de la plus grande partie du sud du pays.

Mais l’insurrection apparue à nouveau peu après demeure un facteur important d’instabilité. Les rebelles posent des mines et attaquent des postes de police alors que les soldats éthiopiens ripostent en faisant un usage disproportionné de la force, selon des témoins.

La Somalie est également confrontée à une crise humanitaire aggravée par la hausse des cours mondiaux des denrées alimentaires et par la sécheresse. Selon le Dr. James Ndirangu, qui exerce dans un hôpital de Dadaab, les nouveaux arrivants souffrent de problèmes allant de la malnutrition à des blessures liées à des tortures et des explosions. « Les gens arrivent avec des mutilations, des yeux et des membres en moins », explique-t-il. Il précise que les troubles de santé mentale sont répandus dans le camp.

La vie à Dadaab est plus sûre qu’à Mogadiscio, mais reste précaire. Le camp n’a pas été conçu pour accueillir des populations sur le long terme. « Dadaab est mon foyer, mais c’est aussi une prison », souligne Hakimo Adow Sandur, 18 ans, arrivé en 1991. « Je sais que cet endroit ne devait pas être permanent, mais il l’est pour moi. »

De nombreux réfugiés regrettent de ne pouvoir quitter le Dadaab pour essayer de gagner leur vie à l’extérieur: le gouvernement de Nairobi leur impose de rester au camp, affirmant que l’intégration à la société kenyane n’est pas une « solution durable » pour les réfugiés.

Il y a des écoles à Dadaab, mais seulement 4% de leurs enseignants ont été formés. On compte une latrine pour 20 réfugiés en moyenne, et les modestes abris des habitants du camp, construits notamment de plastique et de boue séchée, se détériorent rapidement. Quant à la nourriture, elle n’est distribuée que deux fois par mois.