03/08/08 (B459) La Tribune avec REUTERS / Le gouvernement somalien miné par des rivalités politiques

Par Mohamed Ahmed

BAIDOA, Somalie (Reuters) – Deux-tiers des membres du gouvernement somalien ont démissionné, creusant un peu plus le fossé séparant le président Abdullahi Yusuf du Premier ministre, Nur Hassan Hussein, et menaçant de torpiller le gouvernement intérimaire d’union.

Les dix ministres démissionnaires sont tous des alliés du chef de l’Etat, qui se trouve de plus en plus en conflit avec le chef du gouvernement.

Cette semaine, Yusuf avait abrogé la mesure de limogeage du puissant maire de Mogadiscio prise par le Premier ministre.

« Je quitte mes fonctions parce que le gouvernement n’a pas réussi à mettre en oeuvre sa politique et agit en contradiction avec la charte », a déclaré à Reuters l’ancienne ministre des Affaires familiales, Khadija Mohammed Diriye, à Baïdoa, où siège le gouvernement.

Elle a précisé que sur les 15 membres du gouvernement, dix ont présenté leur démission, dont quatre actuellement à l’étranger.

A Mogadiscio, Hussein a assuré que ces démissions n’auraient aucune répercussion sur le travail de son gouvernement, qui tente d’asseoir son autorité sur ce pays de la Corne de l’Afrique depuis son installation au début de l’année dernière.

« Elles pourraient en revanche affecter l’accord de paix récemment passé entre l’opposition et le gouvernement à Djibouti », a-t-il prévenu.

Selon un député s’exprimant sous le couvert de l’anonymat, un groupe d’élus a invité le Premier ministre à démissionner à la suite des irrégularités financières présumées commises au sein de son équipe.

Hussein a cependant fait savoir qu’il ne partirait pas. « Je leur ai dit que si ma présence constituait un obstacle au rétablissement de la paix en Somalie, je soumettrai alors volontiers ma démission mais je ne quitterai pas mes fonctions en raison de ces questions », a-t-il dit.

L’ÉMISSAIRE DE L’ONU INQUIET

Un proche allié du président, l’ancien chef de guerre Mohamed Dheere, est au centre des tensions croissantes entre Yusuf et Hussein.

Cette semaine, le Premier ministre avait limogé Dheere de son poste de maire et gouverneur de la capitale en lui reprochant de gaspiller les deniers publics et d’être responsable de la détérioration de la sécurité.

Les hommes de Dheere luttent contre les rebelles islamistes qui harcèlent « à l’irakienne » les forces gouvernementales et leurs alliés éthiopiens en se livrant à des attentats à la bombe, des attaques de mortier et des assassinats.

Vendredi, une mine a tué un membre du contingent militaire ougandais de la petite force de paix de l’Union africaine déployée en Somalie.

Les divisions politiques se font jour alors que des médiateurs cherchent à tirer parti de la trêve signée en juin à Djibouti sous l’égide des Nations unies entre le gouvernement et une partie de l’opposition.

L’émissaire spécial de l’Onu pour la Somalie, Ahmedou Ould Abdallah, a fait part samedi de son inquiétude et invité toutes les parties à travailler ensemble.

« Le peuple somalien savait qu’il y aurait des obstacles sur le chemin de la paix et il ne faudrait pas le décourager », a-t-il dit dans un communiqué.

« Les autorités devraient rester concentrées sur la paix et j’espère pouvoir les rencontrer prochainement », a-t-il ajouté.

L’actuel gouvernement de transition constitue la 14e tentative d’installation d’une autorité centrale de l’Etat depuis le renversement en 1991 du président autocrate Mohammed Siad Barré.

Plus de 8.000 civils ont trouvé la mort depuis la reprise des violences, début 2007, dans un pays toujours à la dérive. Ces violences ont déraciné en outre un million de personnes.

Version française
Jean-Loup Fiévet