24/08/08 (B462) Le Temps (CH) avec Le Monde / En Somalie, «le djihad va continuer» (Info lectrice)

Jean-Philippe Rémy, Nairobi/Le Monde

Les coups de boutoir de leurs mortiers, de leurs canons sans recul et de leurs combattants donnent à nouveau toute leur puissance. Les insurgés somaliens ont lancé une nouvelle offensive pour s’emparer du pouvoir dans le sud du pays de la Corne de l’Afrique. Jeudi, à Mogadiscio, les groupes chabab (la jeunesse), qui entretiennent des liens avec des mouvements djihadistes internationaux, ont attaqué la colline de Villa Somalia, le palais présidentiel, une des poches tenues par le gouvernement fédéral de transition (TFG) du colonel Abdulahi Yusuf.

Frappes à l’aveugle

La position est défendue par des troupes éthiopiennes, alliées du TFG, qui pilonnent depuis ce mamelon d’autres quartiers de la capitale somalienne. L’attaque a échoué mais, en réponse, l’artillerie du gouvernement de transition et de ses alliés a frappé aveuglément l’éminence voisine du quartier commerçant de Bakara, ses obus tombant jusque dans une mosquée, tuant des civils dans la plus grande confusion.

Villa Somalia a tenu, mais Mogadiscio continue de s’effondrer, tandis que le président Yusuf, en déplacement en Ethiopie, tente de mettre fin à des chamailleries avec son premier ministre, chamailleries qui, en Somalie, se terminent généralement dans le sang.

Lundi, des représentants du TFG avaient signé à Djibouti un nouvel accord partiel avec les représentants d’un mouvement politique affirmant représenter l’opposition somalienne. Mais ce mouvement est désavoué par les responsables militaires insurgés, qui mènent une guerre sainte et n’ont aucune intention de se plier à des textes que nul n’est en mesure de les forcer à accepter. Les deux parties signataires ont appelé au «déploiement de toute urgence» d’une force des Nations unies hypothétique, en remplacement du contingent de l’Union africaine de Mogadiscio qui a concentré tous ses efforts pour éviter de se faire massacrer depuis son déploiement en 2007.

Moktar Robow, alias Abou Mansour, porte-parole des insurgés islamistes, a répété, lors d’une téléconférence avec des journalistes en début de semaine, le point de vue des chabab sur l’avenir des accords et des forces étrangères en Somalie: «Le djihad va continuer, il n’y a pas d’accord de paix, les martyrs vont continuer d’aller au combat.»

Chute de Kismayo

Illustration à Kismayo. Les insurgés islamistes ont pris, vendredi, le contrôle le grand port du sud de la Somalie. Cet événement intervient au terme de trois jours de violents combats au cours desquels, selon des témoins, les rebelles ont défait les milices locales. «Toutes les milices ont été chassées et la ville est désormais sous contrôle des islamistes», a ainsi expliqué à l’AFP Farah Abdi, un habitant du grand port. «La ville est entièrement contrôlée par les islamistes», a confirmé à son tour un homme d’affaires, Mohammed Abdi. La prise de Kismayo était l’un des objectifs des chabab depuis plusieurs mois.

En vingt mois, l’insurrection a fait plusieurs milliers de victimes – des groupes somaliens parlent de 8000 morts – et un million de déplacés. Les acteurs humanitaires sont également devenus des cibles.

Cette poussée de violence s’est parallèlement étendue les jours derniers aux pirates somaliens qui opèrent depuis des zones du nord du pays. Alors qu’en juin le Conseil de sécurité des Nations unies autorisait les marines de guerre internationales à intervenir dans les eaux somaliennes en cas d’acte de piraterie, les bandits des mers du pays de la Corne de l’Afrique ont lancé une vague d’attaques. Un vraquier iranien, un tanker japonais et un cargo allemand ont été arraisonnés à quelques heures d’intervalle, jeudi, au large des côtes somaliennes. Sept navires et leurs équipages, un record, seraient actuellement retenus par des pirates somaliens. Ils ont été pris d’assaut essentiellement dans le golfe d’Aden, où passent 48000 navires par an.