21/11/08 (B474) L’Express avec Reuters / Le monde peu enclin à s’impliquer dans le chaos somalien (Info lecteur)

Tout en dépêchant des escadres dans les eaux infestées de pirates qui baignent la Somalie, le monde paraît peu enclin à s’impliquer dans le rétablissement de la sécurité dans l’ex-colonie italienne.

LA PIRATERIE AU LARGE DE LA SOMALIE

La communauté internationale est de plus en plus préoccupée par les risques d’instabilité régionale dus au chaos chronique régnant dans l’"Irak de la Corne de l’Afrique", les Etats-Unis craignant plus particulièrement qu’un retour des islamistes au pouvoir ne fasse de la Somalie un havre pour Al Qaïda.

Mais la conviction que la Somalie n’est pas encore au bout de 17 ans d’absence de pouvoir étatique, le souvenir douloureux d’interventions passées et l’urgence d’éteindre d’abord d’autres incendies, en Afghanistan ou au Congo-Kinshasa, ont eu pour le moment raison de toute velléité d’immixtion.

Même si elle a dépêché une flottille de bâtiments de guerre dans la région dans l’espoir d’intimider les flibustiers, l’Otan n’a engagé aucun débat sur le traitement de la "racine du mal, à savoir l’instabilité politique", confirme un porte-parole de l’Alliance atlantique.

"ASSEZ À FAIRE AILLEURS"

Le même silence règne dans les couloirs des Nations unies, de l’Union européenne et du Pentagone, où l’on reste traumatisé par la mort de 18 soldats américains en 1993 dans une bataille avec les chefs de guerre somaliens, qui avait sonné le glas d’une intervention commune américano-onusienne visant à rétablir l’état de droit.

"Je ne connais personne qui parle d’intervention militaire américaine en Somalie.

Nous observons la situation. Mais nous nous en tenons à une attitude de stricte non-intervention. Nous avons assez à faire ailleurs", confie un responsable du département américain de la Défense.

Formellement, le Conseil de sécurité de l’Onu a demandé au secrétaire général Ban Ki-moon de hâter la préparation de plans d’urgence pour remplacer par des casques bleus les 3.000 hommes mal préparés du contingent de l’Union africaine en Somalie, en vue de superviser un accord de paix remontant au 18 août.

Mais l’aile la plus radicale des islamistes a rejeté cet accord et la violence fait rage entre les insurgés et les forces du fragile gouvernement fédéral transitoire somalien, reconnu par la communauté internationale mais soutenu à bout de bras par l’armée éthiopienne.

VÉRITABLE ARMADA

Les efforts de l’Italie et de l’Afrique du Sud pour que cette mission des Nations unies voie le jour ont été contrariés par Londres et Washington, qui estiment qu’à l’heure actuelle en Somalie il n’y a tout simplement pas de paix à maintenir.

"Au moins, au Congo, il y avait un processus politique auquel nous pouvions nous raccrocher", souligne un responsable de l’UE, dressant un parallèle avec l’engagement dans l’ex-Congo belge, où la paix est aujourd’hui sérieusement menacée par une rébellion tutsie, dans l’Est.

L’inaction internationale en Somalie est d’autant plus criante que nombre de pays, de l’Inde aux Etats-Unis en passant par la Russie, la France ou la Grèce, ont dépêché une véritable armada au large de ses côtes pour protéger les navires marchands de pirates de mieux en mieux armés.

Cela n’a pas empêché le détournement inédit, samedi, au large du Kenya, d’un pétrolier géant transportant deux millions de barils de brut saoudien destiné aux Etats-Unis, un coup de force audacieux qui inquiète la communauté internationale et annonce une flambée des coûts de transports maritimes.

DESCENTE AUX ENFERS

L’Otan, qui soutient que la présence de son escadre dans la région est cruciale pour la protection des navires du Programme alimentaire mondial (Pam) acheminant l’aide destinée au million de civils déplacés par les combats, se dit prête à étendre son opération l’an prochain en parallèle avec une action analogue de l’UE.

Mais les analystes ne voient aucune perspective d’engagement européen ou occidental à terre.

Quant au Conseil de sécurité, il a promis d’envisager un opération de paix "en fonction du processus politique et de l’amélioration de la situation sécuritaire", une promesse peu contraignante.

Ces dernières années, l’aviation américaine est parfois intervenue en Somalie pour frapper des cibles censées être liées à Al Qaïda. Mais, au Pentagone, on exclut toute intervention en fin de mandat de George Bush.

Et si nombre de Somaliens désespérés placent leurs espoirs en son successeur Barack Obama, celui-ci a fait savoir que sa priorité serait l’Afghanistan et les analystes ne s’attendent pas à ce qu’il prête de sitôt quelque attention à un pays dont la descente aux enfers se poursuit inexorablement.

Avec David Morgan à Washington,
Louis Charbonneau aux Nations unies,
Ingrid Melander à Bruxelles,
version française Marc Delteil