04/12/08 (B476-B) Siganture à Oslo d’un traité international visant à interdire l’utilisation de bombes à sous-munitions (2 articles)

______________________________ 2 – RFI

Les bombes à sous-munitions déclarées illégales

par Véronique Gaymard

Une centaine de pays participe à Oslo à la convention qui interdira désormais les bombes à sous-munitions.

Ce mercredi à Oslo, en Norvège, a été signée la première convention contre les bombes à sous-munitions, un traité qui s’inscrit dans la continuité de la convention d’Ottawa contre les mines antipersonnel. Plus de cent Etats ont signé le texte. La guerre au Sud-Liban et l’utilisation massive par Israël de ces engins explosifs sur des zones habitées en 2006 a été l’un des catalyseurs de ce traité. Les grands Etats producteurs comme les Etats-Unis, la Chine et la Russie sont les grands absents de cette convention.

Que sont les bombes à sous-munitions ?

Les bombes à sous-munitions sont des petites bombes regroupées par dizaines ou par centaines dans un conteneur qui peut être un obus, une grosse bombe, un missile ou une roquette, largué par avion ou tiré par des lance-roquettes. Le conteneur s’ouvre dans les airs et largue ses sous-munitions qui sont censées exploser au sol. Les militaires appellent cela une stratégie de saturation pour neutraliser une zone de combat. Mais entre 5 et 40% de ces mini-bombes n’explosent pas à l’impact au sol et se transforment de fait en mines antipersonnel, contraires au droit international humanitaire et interdites depuis 1997 par la convention d’Ottawa.

Selon la coalition mondiale contre les bombes à sous-munitions qui regroupe plus de 200 ONG dans 80 pays, dont font partie entre autres Handicap International, le CICR ou Human Rights Watch, 98% des victimes sont des civils, dont 27% d’enfants qui sont attirés par les rubans de couleur vive qui entourent ces bombes à sous-munitions. Environ 400 millions de ces engins auraient été largués depuis 1965, dont les trois-quarts au Laos, Vietnam et Cambodge. Des milliers de personnes ont été tuées et des centaines de milliers mutilées, amputées d’un bras ou d’une jambe. Il était temps pour ces ONG que cette convention soit signée à Oslo.

Quels sont les pays les plus touchés par ces bombes à sous- munitions ?

En Asie, pendant la guerre du Vietnam, les Américains ont largué des millions de ces bombes à sous-munitions au Vietnam mais aussi au Laos, au Cambodge ; trente ans plus tard, ces engins continuent de faire des victimes chaque jour. La Tchétchénie, l’Afghanistan, l’Irak, le Koweït, le Tchad, le Soudan, l’Ethiopie, l’Erythrée et les pays de l’ex-Yougoslavie lors de la guerre des Balkans comptent également des milliers de bombes à sous-munitions sur leur territoire.

Quels sont les pays producteurs?

En 2008, vingt-trois pays ont produit ces engins explosifs, dont la Russie, les Etats-Unis, la Chine, Israël, et Singapour, qui sont les plus gros producteurs, mais aussi le Brésil, l’Inde, le Pakistan, les deux Corées, le Japon, la Turquie, l’Egypte, l’Afrique du Sud. En Europe, la Grande-Bretagne, l’Allemagne, l’Italie et l’Espagne en ont également fabriqué.

Depuis 1965, dix-huit Etats en ont utilisé, dont les pays de l’OTAN lors des opérations en ex-Yougoslavie, ou encore la Russie en Afghanistan ou en Tchétchénie, le Royaume-Uni aux Iles Malouines et en Irak, et surtout les Etats-Unis lors de la guerre du Vietnam, en Irak, et en Afghanistan. Soixante-dix-sept Etats en stockent dans leurs arsenaux.

Qui va signer ce traité et quelles seront les obligations des Etats ?

Cent onze Etats se sont engagés lors de la conférence finale de Dublin en mai dernier qui préparait la convention. C’est la Norvège qui a lancé ce processus d’Oslo début 2007, alors que les Etats partie à la convention de 1980 sur l’interdiction ou la limitation de certaines armes classiques (CCW) n’arrivaient pas à se mettre d’accord sur une interdiction de ces bombes à sous-munitions.

La Norvège a décidé de sortir de ce cadre et de mener campagne avec un petit groupe d’Etats au départ (l’Autriche, la Nouvelle-Zélande, le Mexique, le Pérou, le Costa Rica, l’Irlande et le Saint-Siège). Aujourd’hui, ce sont plus de cent Etats qui ont signé ce traité à Oslo. Beaucoup de pays qui ont été bombardés vont signer, comme le Laos, le Cambodge, la Serbie, le Liban.

Certains pays producteurs comme le Royaume-Uni, la France le Japon ont également signé ce traité.

La convention entrera en vigueur lorsque le trentième Etat l’aura ratifié et désormais, elle interdira l’utilisation, la production, le transfert et le stockage des bombes à sous-munitions. Ces armes seront considérées comme illégales. Les Etats s’engageront à dépolluer les zones affectées dans un délai de 10 ans renouvelable, les stocks devront être détruits dans un délai de 8 ans, mais les Etats pourront en conserver pour des entraînements ou des tests.

Ce qui est nouveau dans ce traité par rapport à la convention d’Ottawa sur les mines antipersonnel, outre l’obligation de nettoyer les zones contaminées, c’est la clause spécifique d’assistance et de réhabilitation aux victimes, à leurs familles et à la communauté affectées.

Quelle sera la portée de ce traité sans l’adhésion des Etats-Unis, de la Chine et de la Russie?

Les stocks des Etats-Unis pourraient atteindre les 700 à 800 millions de bombes à sous-munitions, deux fois plus que tout ce qui a pu être utilisé depuis

1965. Le président élu Barack Obama avait déjà prôné l’interdiction du largage de ces armes sur les zones habitées, un texte qui avait été rejeté par le Sénat.

Avec la nouvelle administration américaine, les ONG espèrent que les Etats-Unis se rallieront à cette convention. La Russie, la Chine, ou Israël sont eux aussi les grands absents de ce traité, alors qu’ils figurent parmi les plus gros producteurs. Mais les ONG misent sur l’effet de stigmatisation que provoquera l’entrée en vigueur de ce traité, comme ce qui s’est passé avec la convention d’Ottawa sur les mines antipersonnel.

Les points faibles du traité d’Oslo

La coalition mondiale contre les bombes à sous-munitions reconnaît que certaines concessions ont été octroyées aux Etats. Certains engins ne rentrent pas dans la définition des sous-munitions, celles qui pèsent plus de 20 kilos, ou d’autres critères techniques discutables selon les ONG. Autre point, c’est le nombre de sous-munitions que les Etats pourront conserver : il n’y a pas de limite chiffrée dans le traité.

Et puis il y a ce qu’on appelle l’interopérabilité, obtenue sous la pression des Etats-Unis, qui permet à un Etat signataire de continuer à mener des opérations militaires conjointes avec un Etat non partie à la convention, par exemple dans le cadre de l’OTAN en Afghanistan.

Entrée en vigueur de la convention contre les bombes à sous- munitions

Les Etats devront ratifier au plus vite le traité afin qu’il entre en vigueur, les Etats les plus affectés attendent ce moment, comme le Laos ou le Liban, pour lesquels l’aide internationale est primordiale pour les aider à nettoyer leur territoire et prêter assistance aux victimes. La Norvège, pays hôte de la convention, espère une ratification début 2009.

La France et les bombes à sous-munitions

La France a produit des bombes à sous-munitions et en a utilisé jusqu’en 1991, sans doute lors de ses interventions au Tchad en 1986, puis en 1991 lors de la première guerre du Golfe en Irak et au Koweit. Jusqu’en janvier 2008, la France ainsi que la plupart des pays producteurs, prônaient des améliorations techniques des bombes à sous-munitions, et une restriction de la définition de ces engins, afin de conserver leurs stocks.

Finalement, en janvier, le ministre français des Affaires étrangères Bernard Kouchner s’est également engagé en première ligne dans le processus d’Oslo qui a conduit à la rédaction du texte de la convention, approuvé le 30 mai dernier à Dublin et signé ce 3 décembre à Oslo.

Pour être en règle avec la définition qui a été retenue des bombes à sous- munitions, la France a annoncé fin novembre qu’elle retirait ses obus OGR, elle avait décidé en mai le retrait des roquettes M26.

La France pourra néanmoins conserver ses missiles Apache et ses obus Bonus, plus gros et plus lourds, qui ne rentrent pas dans la définition mais qui selon les ONG comme Handicap International, sont de fait des sous-munitions et pourraient produire les mêmes effets non discriminatoires contre les populations civiles. Cette convention marque une avancée importante du droit international humanitaire.

La Cérémonie de signature de la convention sur les armes à sous-munitions est retransmise en directe sur le site : Convention on Cluster Munitions Signing Conference.

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AFRIK.COM :

L’Afrique bientôt soulagée du poison des bombes à sous-munitions ?

Un traité interdisant ces armes est signé à Oslo

Une centaine de pays signent mercredi et jeudi, à Oslo, une convention interdisant l’utilisation des bombes à sous-munitions (BASM). Ce traité, salué par l’Organisation des Nations unies, est rejeté par les gros producteurs d’armes que sont les Etats-Unis, la Russie, la Chine et Israël. En Afrique, où plusieurs régions sont contaminées par ces armes, il est difficile de chiffrer le nombre de victimes et il existe un vrai risque de prolifération.

mercredi 3 décembre 2008, par Stéphane Ballong

Exit les bombes à sous-munitions (BASM) [1]. Dix ans après le traité d’Ottawa qui interdit l’utilisation des mines antipersonnel dans les conflits, cent pays environ, signent mercredi et jeudi à Oslo, la capitale norvégienne, une convention bannissant la production, l’utilisation, le stockage et le commerce des bombes à sous-munitions. Cette convention oblige aussi les signataires à venir en aide aux pays et aux personnes victimes des BASM.

Selon l’Ong Handicap International, près de 100 000 personnes, dont 98% sont des civils, ont été tuées ou mutilées dans l’explosion de bombes à sous-munitions à travers le monde depuis 1965. Plus d’un quart de ces victimes sont des enfants. En Afrique, si aucune statistique n’évalue le nombre de victimes, celles-ci sont pourtant importantes. Sur les 440 millions de bombes à sous-munitions dispersées dans le monde depuis quarante ans, notamment en Asie, près de 33 millions d’engins n’auraient pas encore été neutralisés.

Le conflit du Liban, en été 2006, pendant lequel ces sous-munitions ont fait plus de 200 victimes quelques semaines après les bombardements d’Israël, a contribué à « éveiller les consciences », estime Marion Libertucci, Responsable de plaidoyer à Handicap International dans les pays francophones d’Afrique.

En mai dernier, à Dublin (Irlande), Ong et associations humanitaires ont âprement négocié avec les Etats la signature du traité.

Risque de prolifération dans les zones conflictuelles en Afrique

A Oslo, la capitale norvégienne, des pays comme la France ou la Grande Bretagne qui, jusque-là, s’opposaient à l’interdiction de ces armes ont signé cette convention. Selon Jean-Marie Fardeau, directeur du bureau parisien de l’Ong Human Rights Watch, « il s’agit d’une avancée significative. Il y a quelques années encore, la plupart des pays signataires considéraient que les bombes à sous-munitions étaient indispensables pour leurs armées. »

Pour l’Afrique, l’enjeu de ce traité est double, explique Marion Libertucci.

D’abord parce plusieurs pays, comme l’Erythrée, l’Ethiopie, l’Angola, et aussi la République démocratique du Congo sont infestés par les sous-munitions.

Grâce à ce traité, ils vont recevoir l’aide des pays signataires qui s’engagent désormais à participer au nettoyage des zones contaminées. Ensuite, « il existe un vrai risque de prolifération de ces armes dans les zones conflictuelles », indique Marion Libertucci. « Comme dans le cas des mines antipersonnel, nous avons pu constater que ces armes sont généralement fabriquées dans les pays du Nord mais sont surtout utilisées dans les pays du Sud où elles font le plus de victimes ».

L’Egypte, parmi les producteurs qui rejettent le traité

Les Etats africains ont pris conscience de ce danger. Nombre d’entre eux, la Côte d’Ivoire, le Sénégal et le Kenya par exemple, ont fait le déplacement en Norvège pour signer cette convention. En septembre déjà, la Coalition internationale contre les sous-munitions (CMC) [2] a réuni à Kampala en Ouganda, une quarantaine d’entre eux pour les encourager à signer la convention.

Ce traité d’Oslo est certes historique, mais sa portée reste limitée. Les plus gros fabricants de bombes à sous-munitions étant absents. Les Etats-Unis, la Russie, Israël, la Chine…, ont refusé de le signer. Les Etats-Unis, à eux seuls, détiennent entre 700 et 800 millions de sous-munitions, selon la CMC. Sur le continent noir, l’Egypte et l’Afrique du Sud sont également producteurs de ces armes. Le pays arc-en-ciel, après avoir longtemps hésité, a finalement rejoint le groupe des signataires. « Malheureusement, l’Egypte est réticente », déplore Marion Libertucci qui ne désespère pas : « la mise en application de ce traité conduira à des normes tellement contraignantes que ces pays seront obligés de le respecter, comme on a pu le voir dans le cas de la convention des mines antipersonnel ».

Autre bémol : les pays signataires de ce traité ont toujours le droit de disposer, en faible quantité, de bombes à sous-munitions pour, dit-on, l’entrainement des soldats au déminage.

[1] Les bombes à sous-munitions sont des petites bombes regroupées dans une grosse bombe, un missile ou une roquette. Elles peuvent être larguées par avion ou tirées par des lance-roquettes.

[2] La Coalition internationale contre les sous-munitions (CMC) regroupe près de 300 ONG