26/05/09 (B500) A lire sur Bulletin d’Afriques (Publication de Survie – N° 180 – Mai 2009)

________________________ 1 – Bolloré, toujours
accompagné (*)


On sait que la France n’a pas ménagé ses efforts diplomatiques et financiers pour aider l’ami du président, Vincent Bolloré, à obtenir la gestion du port de Pointe-Noire, unique port maritime congolais et porte d’entrée et de sortie de l’Afrique centrale.

L’Agence française de développement (AFD) a arrosé copieusement pour « accompagner » ce projet d’envergure (Billets d’Afrique 169, mai 2008). Fidèle à sa stratégie dite «du transport intégré», Vincent Bolloré lorgne toujours sur le chemin de fer Congo-Océan (CFCO), épine dorsale de l’économie congolaise reliant Brazza à Pointe-Noire sur 510 km.

Le CFCO assure en effet le trafic commercial, avec des correspondances vers la Centrafrique, le Tchad, le Cameroun et la RDC. Alors qu’il semble acquis qu’il a été attribué à Bolloré mais sans aucune annonce officielle à ce jour, il est question de construire un pont sur le fleuve Congo pour l’évacuation d’une partie des minerais de la RDC.

Gageons que l’AFD saura également «accompagner » ce projet pour le plus grand bénéfice du groupe Bolloré.

RdB

(*) Nous publions cet article car il est relation avec une information que nous avions diffusée dans la rubrique radio-trottoir, à propos de la possible attribution du port de Djibouti au groupe Bolloré… Lire

___ 2 – Somalie : halte à la piraterie au nord comme au sud !

Le bras de fer engagé
par la communauté
internationale avec
les pirates somaliens ne
doit pas cacher les lourdes
responsabilités des pays
occidentaux et notamment de
l’Europe dans la détérioration
des conditions de vie des
populations vivant le long des
3 300 km de côte de la Corne
de l’Afrique.

Ces dernières semaines, la Somalie a
tristement fait les gros titres des journaux
français avec l’affaire du Tanit,
ce voilier de plaisance faisant route pour Zanzibar,
dont l’équipage a été capturé dans le
golfe d’Aden par des pirates.

Le 10 avril, le
bateau était repris après un assaut musclé des
militaires français présents sur zone, entraînant
au passage la mort du skipper français
et de deux des cinq pirates somaliens. Un
an plus tôt, en avril 2008, les grands médias
français avaient abondamment commenté
là encore le détournement d’un autre voilier
français, le Ponant, dont la prise d’otages
s’était terminée, après la remise d’une rançon,
par une opération terrestre mise en scène
dans les journaux télévisés un peu à la façon
d’un téléfilm hollywoodien.

Cette fois là,
trois pirates avaient été tués dans l’opération
militaire et les 30 otages du bateau avaient eu
la vie sauve.

Depuis un an, la recrudescence des actes de
piraterie au large des côtes somaliennes se
confirme chaque jour : les chiffres de l’année
2008 sont les plus élevés depuis le début
du recensement du Bureau maritime international
en 1991, avec 293 attaques de navires
et 889 marins pris en otage. Et la situation
semble encore empirer depuis le début de
l’année 2009, avec près de 300 otages enregistrés
en trois mois.

Quand on considère les
résolutions et les moyens mis en place par la
communauté internationale pour contrôler la
zone (résolution n°1816 du Conseil de sécurité
de Nations unies autorisant les navires
militaires des états agréés par le gouvernement
somalien à pourchasser les pirates dans
ses eaux, opération militaire «Atalante»
engagée par l’Union européenne depuis décembre
2008 avec sept bâtiments de guerre
mobilisés sur zone en permanence), il est permis
de douter que les 165 millions d’euros
débloqués le 23 avril dernier par l’ONU pour
rétablir les forces de sécurité et de police
somaliennes suffisent à pacifier cet espace
maritime particulièrement stratégique pour
l’acheminement du pétrole du golfe Persique
comme pour le développement du commerce
euro-asiatique.

En effet, faisant face depuis la chute du président
Siad Barre en 1991 à l’absence d’un État
souverain, le pays se trouve dans une situation
totalement instable : conflits répétés entre
factions rivales, renversement des islamistes
avec le soutien des forces armées éthiopiennes,
corruption record.

Tout cela a entraîné
l’effondrement de l’économie du pays (baisse
de 20 % du PIB de 1989 à 2002 d’après la
Banque mondiale) qui occupe l’une des dernières
places au monde, selon le classement
de l’indice de développement humain (IDH)
du PNUD. Face aux soubresauts de l’après
guerre froide (rappelons que la Somalie a été
pendant trente ans un terrain de rivalité entre
les États-Unis et le bloc soviétique), on peut
s’étonner du peu d’attention portée aux populations
somaliennes, en comparaison notamment
des efforts consacrés à la reconstruction
de l’Afghanistan ou de l’Irak.

Le pillage de
l’industrie de la pêche

Mais tout autant qu’apporter assistance,
il importe de ne pas nuire… or, depuis
l´effondrement du gouvernement central en
1991, il est désormais prouvé que ce pays
dépourvu de marine et de garde-côtes a vu
ses ressources pillées par de gros chalutiers
italiens, espagnols, grecs, japonais ou encore
coréens pêchant illégalement dans ces eaux
très poissonneuses (recélant d’importants
stocks de thons et de crustacés).

Plus grave
encore, des entreprises européennes se sont
débarrassées là de leurs déchets toxiques et
nucléaires via des filières mafieuses, provoquant
l´apparition de dérèglements au sein de
la faune marine et de maladies graves parmi
les populations, ce qui amène certains1 à se
demander, non sans raison, si la piraterie le
long des côtes somaliennes ne relève pas
d’un mécanisme d´auto-défense des pêcheurs
cherchant à protéger leurs eaux ou tentant de
prélever une «taxe» sur les pilleurs.

Certes, il serait contestable de ne voir dans
les attaques de pirates qu’une lutte pour le
droit des populations somaliennes – certains
d’entre eux, très jeunes, n’ont probablement
pas pleinement conscience de leurs actes et
rien ne justifie de s’attaquer à des navires
du PAM (Programme alimentaire mondial).
Mais de la même manière, il est contestable
de résumer ces actes à du banditisme.

Un
sondage informel réalisé par le site de presse
indépendant WardherNews indique d’ailleurs
que 70 % des populations locales soutiennent
à des degrés divers les pirates. La saisie récente
(du 11 au 19 avril 2009) au large du
Puntland (nord-est de la Somalie) de deux
navires égyptiens pêchant illégalement dans
les eaux territoriales somaliennes ainsi qu’un
remorqueur italien transportant des déchets
toxiques ne fait que confirmer la poursuite
du pillage et de la destruction des ressources
maritimes de ce pays.

Une décharge industrielle

S’agissant du déversement de déchets toxiques
dans la région (comme dans d’autres
pays africains), la situation ne date pas
d’hier2. Déjà en 1988, l’OUA (Organisation
de l’unité africaine) avertissait la communauté
internationale du problème à travers une
résolution signée à Addis Abéba3, ce à quoi
le Parlement européen répondit quelques
mois plus tard par une résolution solennelle
condamnant l’exportation de déchets dangereux
vers les pays du «tiers-monde ».

Hélas,
en dépit des conventions de Bâle (1992) et
de Bamako (1996) interdisant le transfert des
déchets dangereux vers les pays en développement
et l’Afrique en particulier, la suite a
montré qu’entre les déclarations de bonnes
intentions et les actes, il y avait un gouffre.
En effet, comme le reconnaît désormais le
porte-parole du PNUE (Programme des Nations
unies pour l’environnement), la Somalie
a été utilisée depuis le début des années
1990 comme décharge.

Des compagnies
européennes se sont délestées de leurs déchets
dangereux pour l’équivalent de 2,5 dollars
la tonne alors que leur traitement en Europe
dépassait parfois mille dollars. Parfois
ces déchets ont été stockés à terre : aucune
enquête de terrain n’a cependant jamais pu
être menée à son terme, les seuls personnes
ayant essayé d’enquêter sur place (Ilaria
Alpi, grand reporter à la télévision publique
italienne et Miran Hrovatin, cameraman slovène)
ayant été assassinés en mars 1994 à
Mogadiscio, vraisemblablement sous ordre
de la mafia italienne, tête de pont de tous
ces trafics.

D’autres fois, les fûts de déchets (des déchets industriels dangereux, des déchets
hospitaliers mais aussi des déchets
nucléaires en provenance des États-Unis,
d’Italie, d’Allemagne, de France et des
pays de l’Est d’après un repenti anonyme)
ont été purement et simplement jetés pardessus
bord en pleine mer.

Pendant des années, ces déchets s’étant
accumulés au fond de l’océan, la vérité
pouvait être aisément occultée.

Le PNUE
tenta toutefois timidement de sonner
l’alerte en 1992 mais face aux pressions
de quelques lobbies, elle fut contrainte au
silence. Rappelons que le PNUE (comme
l’Organisation mondiale de la santé à qui
on l’avait reproché d’être restée silencieuse
après l’explosion de Tchernobyl) dépend
des moyens financiers que les États membres
de l’ONU mettent à sa disposition et
il est donc très délicat pour le PNUE de
se dresser contre ses principaux bailleurs
de fonds.

Seulement, après le tsunami du
26 décembre 2004 et ses répliques qui ont
touché la Corne de l’Afrique quelques
jours plus tard, ces fûts furent rejetés sur
les plages somaliennes, provoquant au
sein des populations riveraines des infections
respiratoires, des hémorragies ou encore
diverses infections dermatologiques
et faisant au minimum 300 victimes à ce
jour. Le PNUE s’en est alors fait l’écho à
travers un rapport rendu public.

Cinq ans plus tard, en dépit du petit retentissement
qu’a pu avoir ce rapport, les pirates
pollueurs ne sont toujours pas sanctionnés
et en dépit des 165 millions d’euros débloqués
dernièrement par l’ONU pour rétablir
les forces de sécurité et de police somaliennes,
les victimes attendent toujours d’être
dédommagées pour les dégâts écologiques
causés par les pollueurs du Nord.

Par
ailleurs, plus globalement, ces informations
accablantes couplées aux rapports mettant
en évidence les conditions troublantes d’extraction
de l’uranium dans des pays tels que
le Niger démontrent de manière caricaturale
(la boucle est bouclée…) combien l’indépendance
énergétique des pays nucléarisés
repose encore aujourd’hui sur l’asservissement
de l’Afrique.

Franck Olivier