30/05/09 (B501) Le journal de la Flibuste … Pour ne pas être en reste par rapport aux autres pays présents sur zone, la marine indienne capture à son tour une embarcation de pirates, mais c’est probablement une ‘nouvelle » bavure ? L’Australie entre en scène. « Plus de bateaux de guerre et pourtant plus d’attaques » (RFI) ??? (6 articles en Français)

_________________________ 6 – Europe de la Défense (Bruxelles)

Est-ce une nouvelle bavure de la marine indienne ?

En tout cas, certains faits le laissent sous-entendre.

Un vraquier norvégien, battant pavillon libérien, le MV Maud, a été attaqué, jeudi matin, dans le Golfe d’Aden (à 225 miles à l’est d’Aden) par des pirates. Il a poussé un appel de détresse. Et si le flou demeure sur certaines circonstances, il y a désormais confirmation par la marine indienne. C’est bien une frégate indienne, le INS Talwar, qui est intervenue. Une partie de l’équipage du MV Maud est indienne. Il a simplement écarté la menace en faisant feu sur le skiff suspect. Au bilan deux morts.

Coté indien on explique que la frégate qui escortait trois navires marchands quand elle a reçu l’alerte. Elle a aussitôt envoyé son hélicoptère de combat Chetak et un bateau d’intervention rapide, et donné instructions au navire marchand d’accélérer l’allure et de faire une série de manoeuvres d’évitement.

Mais les pirates avaient déjà lancé l’abordage par l’arrière du bateau quand l’hélicoptère est arrivé sur place.

L’hélicoptère indien a alors ouvert le feu à l’aide de son canon de 7.62. Et deux pirates sont tombés à l’eau. Le RHIB est alors arrivé à hauteur du skiff pirates, a arrêté les six pirates restants. A bord, il a découvert les traditionnels AK47, lanceurs de grenades et un dispositif GPS. Les commandos ont aussi mis la main sur un lance roquette Katyusha. Arme plutôt inhabituelle entre les mains des pirates, car assez longue, elle est davantage destiné à l’usage terrestre. Les armes ont été saisies. L’essence du navire vidée… Et la frégate indienne a – tranquillement – poursuivi sa route et sa mission d’escorte ! (lire le récit dans Indian Today)

Coté européen, la version est légèrement différente. Alertée, et sur demande du Quartier-général, une frégate d’Atalanta est arrivée sur les lieux. Aux fins « d’enquête » précise-t-on au Quartier général d’Atalanta.

Elle a effectivement découvert, à proximité des lieux, un skiff (dont on a tout lieu de penser qu’il pourrait être ce skiff de pirates), il a trouvé 8 personnes à bord : 2 morts, 4 blessés et 2 personnes sains et sauf. Les personnes, qui ne sont « pas qualifiées de suspects » par Atalanta – aucune arme ni instrument suspect n’a été retrouvé à bord – ont été « prises en charge » à bord, sont soignées par le médecin du bord, et seront amenés dans un centre médical dès que possible.

Toute la question est de déterminer quel pays pourra accueillir les 6 rescapés et où enterrer les 2 décédés.

_____________________________ 5 – Géostratégie

Somalie : sont-ce réellement des pirates ?

Christian Bouchet

Selon un rapport de la Rand Corporation le nombres d’actes de piraterie depuis 1994 a été de 2672 dont 92 % ont eu lieu depuis le changement de millénaire. Ainsi, rien que pour l’année passée on a compté 293 attaques de navires dont 49 ont été arraisonnés, 889 marins capturés, et 32 tués. La prise d’otage, en Mer d’Aden, des plaisanciers du bateau de croisière français Le Ponant, puis la fin tragique du détournement du yacht Le Tanit dans la même région, ont attiré l’attention des grands médias français sur ce phénomène et tout particulièrement sur l’action des pirates au large des côtes de Somalie, la zone maritime qui est actuellement le plus touchée par ce phénomène.

Si les journalistes français n’ont pas été avares d’articles et de reportages, ils sont restés bien discrets sur la signification réelle de cette piraterie. C’est donc dans la presse britannique, que l’on a pu lire, posée par Johann Hari, un collaborateur du quotidien londonien The Independant, cette question iconoclaste : « Sont-ce des pirates ou des résistants au Nouvel ordre mondial ? » Une question qui fait écho à l’opinion d’un certain nombre d’Africains de l’Est et qu’on récemment formulé publiquement des personnalités aussi différentes qu’Abayomi Azikiwe le correspondant local d’Al-Jazeera et que Cheikh Muktar Robow, le porte-parole des Shebabs, ces milices musulmanes qui luttent contre le gouvernement somalien « légal » soutenu par l’Occident.

Pour comprendre ce raisonnement, il faut remonter dans le temps. Au début des années 1990, conséquence tardive de l’affrontement entre les États-Unis et le bloc soviétique, la Somalie entre dans une guerre civile dont elle n’est jamais sortie depuis. Si un gouvernement somalien reconnu par les instance internationales se maintient, il n’a guère de pouvoir et il est concurrencé par des gouvernements séparatistes régionaux.

Cette situation n’est pas sans donner des idées à certains « entrepreneurs » occidentaux qui obtiennent auprès de ministres somaliens, contre espèces sonnantes et trébuchantes, des droits de pèche et d’immersions de déchets dans les eaux territoriales du pays.

Ainsi des chalutiers étrangers se pressent bientôt au large des côtes somaliennes où, en absence de toute réglementation, il pillent à loisir les fonds marins, à la recherche de crevettes, de langoustes et de thons (pour la seule année 2008, la valeur de leur pèche dans les eaux territoriales de la Somalie est estimée à 300 millions de dollars), y faisant quasiment disparaître toute vie aquatique.

Mais il y a pire, comme l’a révélé, dès 2005, Nick Nuttall, porte-parole du Programme des Nations unies pour l’environnement : « Les eaux au large de la Somalie ont été utilisées comme décharge pour des déversements dangereux qui ont commencé au début des années 1990 et se sont poursuivis tout au long de la guerre civile qui a frappé ce pays. On y a émergé des fûts de déchets radioactifs, d’uranium, de plomb et de métaux lourds comme le cadmium et le mercure. Il y a également eu des immersions de déchets industriels, de déchets d’hôpitaux, de déchets chimiques, etc. Les compagnies européennes estimaient que c’était très bon marché de se débarrasser des déchets au prix ridicule de 2,50 dollars la tonne, alors que les dépôts de déchets en Europe réclament des montants de l’ordre de 1000 dollars la tonne ».

C’est le tsunami de décembre 2004, qui révéla les preuves de ces activités criminelles en rejetant de nombreux fûts rouillés contenant ces déchets sur les rivages du Puntland, entraînant de ce fait une pollution importante et expliquant les troubles récurrents de santé dont souffrait une partie de la population locale depuis de nombreuses années.

Or, selon Ahmedou Ould-Abdallah, représentant de l’ONU pour la Somalie, la pratique de l’immersion de déchets toxiques se poursuit dans la région. « Ce qui est plus alarmant encore, estime-t-il, c’est qu’on y déverse également des déchets nucléaires. Les déchets d’uranium radioactif sont à même de causer la mort de ressortissants somaliens et de détruire complètement l’océan. » Quant à Mohammed Gure, président du Somalia Concerned Group, il a déclaré récemment à Al Jazeera que l’impact social et environnemental de ces déversements de déchets toxiques se fera sentir durant des décennies. « La côte somalienne faisait vivre des centaines de milliers de personnes pour qui elle représentait une source de nourriture et un gagne-pain en général. Aujourd’hui, une grande partie en est presque détruite.»

Il y a donc, chez les populations côtières beaucoup de ressentiment et une grande pauvreté. Or, au large, croisent les navires marchands qui se dirigent vers le canal de Suez et qui alimentent l’Occident. On comprend aisément que certains pêcheurs aient pensé à se rembourser à leur manière avec le soutien moral d’une population qui estime, comme l’a exprimé le Cheikh Muktar Robow, qu’ils « n’ont pas tort d’attaquer les navires étrangers qui, n’ont rien à faire dans les eaux somaliennes ». Opinion que partagent, selon le site internet WardherNews 70 % des Somaliens qui voient dans la piraterie « une manière de défendre les eaux territoriales de leur pays ».

Ainsi se vérifie une nouvelle fois l’adage qui veut que ceux que l’Occident considère comme des terroristes soient pour les peuples du tiers-monde des résistants…

_____________________________ 4 – JDD

Lutte contre la piraterie: L’ONU optimiste

L’intervention de navires de guerre de différents pays contre la piraterie au large des côtes somaliennes a permis d’arrêter une centaine de pirates et a placé les autres sur la défensive, a déclaré vendredi l’émissaire spécial des Nations unies pour la Somalie, Ahmedou Ould-Abdallah. « La présence maritime internationale porte de plus en plus ses fruits, (…) parce que les pirates sont contraints d’aller plus loin », a-t-il analysé. « La situation empire », a pour sa part estimé le chef de la diplomatie somalienne, Mohamed Aboullahi Omaar.

_____________________________ 3 – RFI

L’Australie entre aussi en scène

Toujours plus de bateaux et toujours plus d’attaques.

C’est ainsi que l’on pourrait résumer la situation au large de la Somalie. La marine indienne a annoncé, vendredi, avoir mis en échec, dans le golfe d’Aden, une attaque de pirates visant un navire marchand enregistré au Liberia. Il y avait dix Indiens à son bord. L’embarcation pirate a été saisie et les armes confisquées. Selon le Bureau maritime international (BMI), les attaques de pirates au large de la Somalie ont décuplé au cours du premier trimestre 2009 par rapport à la même période de 2008, passant de six à 61. De nouveaux pays comme l’Australie vont participer aux opérations contre les pirates, mais les risques de méprises augmentent. Cette semaine, deux pêcheurs yéménites auraient été tués après avoir été pris pour des pirates.

Selon le ministère français de la Défense, 34 navires ont encore été attaqués depuis le début du mois et quatre de ces attaques ont réussi. Douze navires marchands sont toujours aux mains des pirates, soit environ 160 hommes d’équipage.

Les récentes conférences sur la piraterie de Kuala Lumpur et d’Abu Dhabi ont souligné la nécessité d’étendre la zone d’opération des forces navales qui patrouillent dans la région jusqu’aux Seychelles, et de mieux coordonner leurs actions. En attendant la restauration de l’Etat de droit en Somalie, des navires de plus d’une vingtaine de nationalités continuent à patrouiller dans cette région de l’océan Indien.

On dépasse là le simple cadre de la lutte contre la piraterie, car de nombreuses nations qui souhaitent affirmer leur statut de puissance navale ont décidé de se déployer dans le golfe d’Aden par où transitent près de 30% des approvisionnements pétroliers de la planète.

Après la Chine, la Russie, l’Inde, le Pakistan, l’Iran et l’Arabie Saoudite, c’est au tour de l’Australie d’envoyer des moyens dans la région. Un navire, le HMAS Waramunga, et un avion de patrouille maritime P3C Orion vont rejoindre la « Task Force » (TF 151), la force anti-piraterie sous commandement américain. Le Japon – qui assure avant tout la protection de ses propres navires de commerce – va envoyer deux avions supplémentaires.

L’Europe, elle, maintient à ce jour treize navires dans la cadre de l’opération Atalante, dont trois bâtiments français : l’Albatros, le Nivôse et le Commandant Bouan. Des renforts hollandais et norvégiens sont attendus au mois d’août prochain. Ils seront rejoints par des unités belges en septembre.

_____________________________ 2 – AFP

Kadhafi propose une zone maritime exclusive somalienne contre l’arrêt de la piraterie

Le numéro un libyen Mouammar Kadhafi a présenté vendredi à Sabratha (Libye) un projet de reconnaissance par la communauté internationale d’une zone maritime exclusive somalienne, en contrepartie à l’arrêt de la piraterie au large de ce pays.

Qualifiant les pirates de « Somaliens pauvres qui défendent leurs richesses », le colonel Kadhafi a affirmé qu’il « présentera au monde un plan qui consiste à respecter les eaux économiques somaliennes en contrepartie à l’arrêt de la piraterie ».

Le dirigeant libyen s’exprimait à l’ouverture d’un sommet de la Communauté des Etats sahélo-sahariens (Cen-Sad), auquel ont pris part seulement une dizaine de chefs d’Etats (parmi 28 pays membres).

« Ce ne sont pas des pirates mais des gens qui défendent leurs droits », a estimé M. Kadhafi, affirmant que la Somalie n’a pas d’autorité sur sa « zone économique exclusive » que « des pays étrangers viennent piller ».

« Nous avons besoin d’un Frontex africain pour protéger nos richesses marines », a encore ajouté le guide de la révolution libyenne, en allusion au dispositif européen de contrôle des frontières (Frontex).

Il a appelé au respect des eaux économiques qui s’étendent jusqu’à 200 miles marins des côtes somaliennes, selon les lois internationales, exprimant sa crainte de voir « le phénomène de la piraterie s’étendre dans le monde » notamment au large des côtes africaines.

Le 11e sommet de la Cen-Sad, prévu vendredi et samedi à Sabratha, à 65 km à l’ouest de Tripoli, doit discuter vendredi et samedi des conflits entre le Tchad et le Soudan, ainsi que de la sécurité dans ces deux pays, selon l’ordre du jour de la réunion.

_____________________________ 1 – Le Figaro

À la chasse aux pirates
à bord du «Nivôse»

Pierre Prier,

Un fusilier marin monte la garde près d’un Somalien suspecté d’être un pirate, à bord de la frégate de surveillance française Nivôse, le 3 mai dernier. Crédits photo : AFP
Une trentaine de bateaux de guerre sillonnent les eaux au large de la Somalie à la poursuite des pirates, sur une route qui voit passer 30 % du commerce mondial.

Cette fois, les pirates ont vu un peu gros. Ils se sont attaqués au Mirqab, yacht de l’émir du Qatar, un engin futuriste et ultrarapide de la taille d’un petit paquebot.

«Le bateau a accéléré», commente sobrement l’officier marinier qui présente le volet «renseignement» du briefing du soir, à la mi-mai dans la cafétéria du Nivôse.

L’équipage reste sur le qui-vive, soucieux de conserver son statut de star des chasseurs de pirates du golfe d’Aden. Cette frégate française, arrivée en avril sur la zone pour prendre part à l’Eunavfor, la force européenne antipirates, s’est rendue célèbre en alignant un score de 22 arrestations, en deux prises de onze.

La dernière équipe de forbans, aveuglée par le soleil, a pris le bateau de guerre pour un cargo. Le temps de se rendre compte de leur erreur, les assaillants étaient arraisonnés par les Zodiac des commandos du bord, soutenus par l’hélicoptère, décollé en urgence.

Le Nivôse et son commandant, le capitaine de frégate Jean-Marc Le Quillec, en tirent une certaine fierté, comme en témoignent les peintures au pochoir ornant la tourelle du canon de 100 mm et la queue de l’hélicoptère : des têtes de mort soulignées de deux sabres croisés. Une bonne partie des marins portent un t-shirt orné d’un dessin de Plantu paru dans Le Monde, représentant un pirate au bandeau en forme de carte de l’Afrique et un marin à pompon rouge, légendé : «À bord de la frégate Nivôse.»

Habitué à la protection des zones de pêche du grand Sud ou a des missions de représentation, le bateau s’est forgé une âme de corsaire. Une équipe de fusiliers marins, des types souples aux allures de chats, est venue renforcer et entraîner l’équipe de protection du bord.

On les voit tous les matins faire des pompes sur la plage arrière. Mais, une fois capturés, les pirates sont traités humainement. Le médecin, Stéphanie Le Goff, les a trouvés en bonne santé. Fidèle au serment d’Hippocrate, et ayant constaté la grande quantité de riz emportée sur les esquifs des prisonniers, elle a demandé aux cuisines de leur servir du riz à tous les repas afin, dit-elle, de ne pas les rendre malades en changeant leurs habitudes alimentaires.

80 millions de dollars de rançon en 2008

Les pirates somaliens échouent souvent, mais ils persévèrent. Les attaques se succèdent. Quinze, dont quatre réussies dans la première quinzaine de mai. Le rythme reste à peu près constant : 31 attaques dont 5 réussies en mars, 38 dont 11 réussies en avril.

Les «bateaux-mères», des boutres chargés d’armes et traînant des barques rapides équipées de moteurs hors-bord, continuent de quitter les côtes somaliennes. La raison est simple : les armateurs des bateaux capturés paient. 80 millions de dollars de rançon ont été versés en 2008, d’après les assureurs. À la mi-mai, 14 navires et plus de 200 hommes d’équipage étaient toujours détenus en Somalie même ou sur le territoire de l’«État» non reconnu du Puntland. La perspective de gain financier enhardit les pirates. «On en voit maintenant qui s’aventurent à mille milles nautiques (plus de 1 800 km) des côtes somaliennes», s’étonne le commandant.

À la montée en puissance des pirates répond celle de la communauté internationale. Le Nivôse fait partie d’Atalanta, la première grande opération navale de l’Union européenne, baptisée Eunavfor. Lancée en décembre 2008, commandée par un amiral espagnol, elle rassemble aujourd’hui treize navires et trois avions de patrouille français, espagnols, allemands, italiens, grecs et suédois.

La Grande-Bretagne fournit l’état-major, basé à Northwood, près de Londres.

Les États-Unis, jamais ravis de voir l’Europe s’émanciper militairement, ont réagi en janvier en créant la leur propre coalition, la Task Force 151, aujourd’hui commandée par un amiral turc, et qui inclut aussi des navires danois. D’autres pays se sont joints à la chasse, individuellement : le Japon avec deux destroyers, la Chine, la Russie, le Pakistan, la Corée du Sud, l’Arabie saoudite.

Sans oublier les bâtiments appartenant à l’opération de l’Otan «Enduring Freedom», qui prend part à la guerre en Afghanistan mais peut aussi, à l’occasion, poursuivre les pirates. En tout, une trentaine de bateaux de guerre sillonnent les eaux somaliennes et celles du golfe d’Aden. L’enjeu est à la hauteur : 30 % du commerce mondial passe par le canal de Suez.

Internet, le secret de la coopération

On se dit qu’avec cet embouteillage naval, la cacophonie devrait régner. Mais les marins ont une astuce secrète, plutôt réservée d’habitude aux ados «accros» à Internet : au cœur du centre d’opérations, sous la passerelle, un simple ordinateur portable connecté sur le «chat» d’Atalanta. Les renseignements et les requêtes s’y échangent en permanence, en temps réel. Justement, l’aviso Commandant-Bouan, un autre bâtiment français, signale deux «skiffs» suspects dans son sillage. Une quinzaine de cargos se sont mis à la queue leu leu derrière le bateau français, mais les derniers sont trop loin, et le Commandant-Bouan ne dispose pas d’un hélicoptère.

Cinq minutes plus tard, un croiseur américain voguant dans les parages, le USS Gettysburg, réagit : «J’envoie mon hélicoptère.» La coordination entre Européens et Américains fonctionne. Les pirates font demi-tour.

En fait, l’Internet est la clé de la lutte antipirates.

Plus de 4 000 navires marchands se sont inscrits sur le site de la force européenne, mschoa.org, où ils déclinent nom, destination et caractéristiques. En échange, ils reçoivent les dernières informations et conseils. En particulier les horaires de départ des convois pluriquotidiens qui s’assemblent sur les deux corridors internationaux, l’un montant, l’autre descendant, de l’embouchure de la mer Rouge au canal de Suez.

«On ne peut leur garantir une escorte particulière, mais les différentes forces patrouillent dans ce secteur», explique le commandant du Nivôse. En outre, les bateaux sont encouragés à emporter un transpondeur AIS (Automatic Identification System).

Un clic, et les noms des bateaux apparaissent sur le radar, avec route et position. Problème : «Les pirates peuvent acquérir cette technologie à un prix relativement modique», estime un spécialiste européen. L’industrie du transport maritime est consciente du danger.

Dans leurs recommandations sur «les meilleures façons de dissuader la piraterie dans le golfe d’Aden et au large de la Somalie», diffusées à tous les navires, les onze principales organisations professionnelles d’armateurs et d’assureurs, réunies hier pour une conférence internationale au Caire, autorisent les commandants à «débrancher l’AIS s’ils pensent que son usage augmente leur vulnérabilité». Il est même conseillé de «le débrancher complètement au large des côtes somaliennes»….

La meilleure défense reste la vitesse. Depuis le début des actes de piraterie, aucune attaque n’a réussi contre un bateau filant plus de quinze nœuds (28 km/h). Les cargos les plus lents n’ont droit à une escorte particulière que s’ils sont affrétés par le Programme alimentaire mondial de l’ONU (PAM) pour décharger de l’aide d’urgence en Somalie. La plupart des marines de guerre présentes envoient des commandos à bord et suivent le navire marchand de près. Pour le reste, les commandants de la marine marchande ont appris à ruser.

Suivant les recommandations du document des organisations professionnelles, beaucoup s’en sont tirés en évoluant en zigzag, en posant des barbelés aux endroits les plus propices à l’abordage ou en installant des mannequins sur les ponts, pour donner l’impression d’une force importante à bord.

C’est encore mieux «en vrai» : le marché des mercenaires est en hausse. Les armateurs les plus puissants engagent des anciens des SAS ou de l’armée israélienne.

Que faire des prisonniers ?

Reste une question : que faire des pirates capturés ? Ceux qui ont attaqué le Ponant, le bateau de croisière français, ont été déférés à Paris. Des assaillants de navires américains sont jugés à New York. Pourtant, le Nivôse a remis ses prisonniers aux autorités judiciaires kényanes, à Mombasa.

Le Kenya a signé des accords internationaux par lesquels il accepte de juger et d’emprisonner éventuellement les pirates arrêtés dans les eaux internationales. Le pays a en effet intégré dans son droit national le crime de piraterie tel qu’il est défini par la convention du droit de la mer de l’ONU, comme un crime contre le genre humain tout entier.

La marine russe, elle, ne s’embarrasse pas de considérations juridiques. Des directives récentes l’autorisent à tuer les pirates si c’est le meilleur moyen de les empêcher de nuire.