07/06/09 (B502) Le journal de la Flibuste …. Les pirates somaliens utiliseraient les réfugiés comme boucliers humains (AFP)

Christian CHAISE

Désireux d’échapper aux navires de guerre patrouillant la zone, les pirates somaliens qui attaquent les bateaux dans les eaux du Golfe d’Aden utilisent maintenant les réfugiés fuyant la Somalie comme boucliers, selon des témoignages recueillis par des organisations humanitaires.

D’après ces organisations, le phénomène, qui est nouveau, a commencé en début d’année.

Il a donc coïncidé avec le renforcement par la communauté internationale de sa présence militaire dans la région pour lutter contre les actes de piraterie, qu’il s’agisse de l’opération de l’UE Atalante, lancée en décembre, ou de la force spéciale (CTF 151) lancée en janvier par la Ve flotte américaine.

« Ce qui est nouveau, c’est l’utilisation de bateaux de réfugiés comme boucliers humains », déclare à l’AFP Francisco Otero Villar, chef de mission de Médecins Sans Frontières/Espagne au Yémen.

Les pirates amarrent leurs skiffs (embarcations rapides) au bateau transportant les réfugiés et se cachent parmi ceux-ci pendant que les passeurs, au lieu de filer droit sur la côte yéménite, se mettent à la recherche de bateaux isolés, explique-t-il.

Dès qu’ils ont trouvé une proie, les pirates remontent dans leurs skiffs et passent à l’action.

« C’est un ‘deal’ (marché) entre les passeurs et les pirates », poursuit M. Otero Villar, affirmant que quatre cas de ce genre ont été enregistrés depuis le début de l’année.

Le bateau de réfugiés servirait donc de « bateau mère » aux pirates.

Ce sont des réfugiés somaliens ou éthiopiens qui ont relaté ces incidents aux équipes de MSF/Espagne et du Haut-Commissariat de l’ONU pour les réfugiés (HCR), qui leur portent secours dès leur arrivée au Yémen.

« C’était à prévoir. C’est difficile de savoir les relations entre les pirates et les passeurs » qui acheminent les réfugiés à travers le Golfe d’Aden sur des rafiots de fortune, a déclaré à l’AFP la Représentante au Yémen du HCR, Claire Bourgeois. « Un jour on est passeur, un jour on est pirates ».

Les pirates profitent du fait que la ligne de conduite des navires militaires présents vis-à-vis des réfugiés n’est pas clairement définie.

« Il y a un vide à propos de savoir ce que doit faire un navire de guerre qui tombe sur des réfugiés », note Mme Bourgeois.

« Un navire de guerre qui arrête des pirates » mêlés à des réfugiés, « qu’est-ce qu’il fait des réfugiés? », demande-t-elle. « Peut-il approcher de la côte yéménite pour aider les réfugiés à aborder au Yémen? »

La situation est juridiquement délicate, car les navires étrangers qui patrouillent le Golfe d’Aden n’ont pas le droit de pénétrer dans les eaux territoriales du Yémen.

Un cas s’est toutefois produit en mars, selon deux sources concordantes qui ont demandé l’anonymat. Il s’agissait d’un bateau français de l’opération Atalante, qui a reçu l’autorisation exceptionnelle du gouvernement yéménite de remorquer vers Aden un bateau transportant quelque 80 réfugiés, dont une majorité d’Ethiopiens.

L’affaire s’est toutefois terminée tragiquement à leur arrivée au port, car les Ethiopiens, tous du même côté, se sont levés en même temps lorsqu’on les a appelés et ont faire chavirer l’embarcation. Huit d’entre eux sont morts noyés, ont indiqué ces sources.

Les nouvelles tactiques utilisées par les pirates accroissent donc encore les risques pour les réfugiés, alors même que la traversée du Golfe d’Aden est déjà en soi une aventure de plus en plus dangereuse.

Le 22 avril, 35 réfugiés éthiopiens et somaliens ont ainsi péri noyés lorsque leur embarcation a chaviré à l’approche des côtes yéménites, selon MSF/Espagne.

Au 4 juin, 142 réfugiés étaient décédés et 66 portés disparus depuis le début de l’année, selon des chiffres du HCR