08/06/09 (B502) Grio.com / Le mirage de l’Union Africaine
Le 25 mai a été décrété comme la journée de célébration de lUnion Africaine. Pourtant peu de pays lont célébré comme il se doit. Franklin Cudjoe et Alhassan Atta-Quayson, analysent les principaux obstacles qui font de lUnion Africaine jusquà présent un mirage aux yeux des africains.
Par Franklin Cudjoe et Alhassan Atta-Quayson
Le continent africain a célébré le 25 mai le jour de lUnion Africaine. Peu de pays, cependant, ont déclaré le jour férié pour le célébrer dignement et se passer ainsi de millions dheures de travail productif. Peu a été dit en ce jour du potentiel de progrès et des défis du continent face à la crise. On a glosé encore et encore sur lobjectif (illusoire ?) de débarrasser le continent des faiseurs de coups dÉtat et du terrorisme subventionné par certains États. Bizarrement, lErythrée a été le seul coupable pointé du doigt, alors que dautres tels que le Soudan, Madagascar ou la Mauritanie par exemple nient la vraie démocratie à leurs citoyens.
LErythrée a répliqué, comparant lUnion Africaine à un jeu désenchanté de chaises musicales, notoirement inefficace et peuplée de penseurs simplistes. En fait, lErythrée na peut-être pas tort. Récemment le président de lUnion Africaine, le colonel Mouammar Kadhafi sest moqué de la démocratie sur le continent lors dun discours dun sommet de lUA à Addis Abeba, expliquant quelle ny produisait que des bains de sang.
Cela pourrait être la pensée dominante chez les dirigeants africains. En 2005 Franklin Cudjoe, responsable de www.AfricanLiberty.org et de linstitut Imani au Ghana, eut un débat avec lancien président Tanzanien benjamin Mkapa à propos dun appel de ce dernier en faveur dun clone africain de la démocratie ainsi que la nécessité de résister à la mondialisation, dernière forme de lexploitation selon lui, après lesclavage et la colonisation.
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« On a glosé encore et encore sur lobjectif (illusoire ?) de débarrasser le continent des faiseurs de coups dÉtat et du terrorisme subventionné par certains États. » Franklin Cudjoe
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Que propose lUA, qui clame à lunité du continent ? Elle envisage une intégration politique et économique entre les frontières, où pauvreté, conflits et maladies auront disparus. Naturellement les divers groupes économiques régionaux sattèleront à lintégration avant que le continent entier soit unifié. Une telle union pourrait affecter les vies de plus 800 millions dafricains.
Pourtant en Afrique nous sommes les amis du protectionnisme. Le Nigéria et le Ghana, proches voisins au sein de la communauté économique dAfrique de lOuest font toujours usage du protectionnisme, le Nigéria imposant une quasi-interdiction dentrée à 74 produits ghanéens et le Ghana demandant aux marchands nigérians une somme conséquente pour entrer sur le marché ghanéen.
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« livrer un véhicule du Japon à Abidjan en Côte dIvoire coûtait par exemple 1500$. Transporter le même véhicule dAbidjan à Addis Abeba en Éthiopie coûtait 5000$ ».
Franklin Cudjoe
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En 2005 le Rapport de la Commission pour lAfrique expliquait tristement que livrer un véhicule du Japon à Abidjan en Côte dIvoire coûtait par exemple 1500$. Transporter le même véhicule dAbidjan à Addis Abeba en Éthiopie coûtait 5000$. Éliminer les barrières commerciales régionales représenterait un gain de 1,2 milliards par an pour lAfrique selon la Banque Mondiale. En matière de commerce international, lUA a donc tendance à se focaliser sur la paille dans lil du voisin (les pays plus riches qui ont dressé des obstacles gênant à laccès à nos produits) et oublier la poutre dans le sien.
La crise actuelle nous rappelle que le monde est interconnecté, et que notre croissance en dépend : les difficultés économiques mondiales ont fait baisser la confiance des consommateurs dans les pays riches et, par extension, ont ralenti la croissance des économies tirées par les exportations agricoles. En avril de cette année, le Vice-Président de la Banque mondiale pour la Région Afrique, Mme Obiageh Ezekwesil, a noté quau début de 2008, le taux de croissance de l’Afrique dabord prévu à 6,4% a chuté à 4,9% ; le taux pour 2009 s’élève maintenant à 2,4%.
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« les dirigeants africains demandent des aides de relance aux pays occidentaux au lieu de relancer…la réflexion critique sur la façon de construire leurs propres économies de l’intérieur »
Franklin Cujdoe
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Mais la cacophonie des demandes d’aide pour surmonter la tempête provoquée par la récession économique a occupé le centre de la scène dans le débat mondial sur les plans de relance. Ainsi, les dirigeants africains demandent des aides de relance aux pays occidentaux au lieu de relancer…la réflexion critique sur la façon de construire leurs propres économies de l’intérieur. Toutefois, il semble se dégager d’une récente conférence économique à Dakar, au Sénégal, quils vont compter davantage sur eux-mêmes pour trouver des solutions à ces problèmes.
Ces solutions ne consistent pas à imposer des taxes supplémentaires sur les 30% de petites entreprises visibles et les travailleurs du secteur formel, mais à veiller à ce que près de 70% de l’économie souterraine de l’Afrique soit « déterrée ».
Pour cela il faut promouvoir de faibles contraintes d’entrée pour les entreprises, et sans doute une fiscalité personnelle proportionnelle (flat tax) et très raisonnable. Les augmentations des taux dimpôts sur les sociétés ont un impact sur les recettes de lÉtat et les chiffres de l’emploi. Déjà, de nombreuses entreprises ayant réalisé dhonorables performances sur le continent ne jubilent pas à lidée de perdre des employés à cause de la crise : un fardeau fiscal supplémentaire ne laissera pas à ces entreprises dautre choix que celui de licencier leurs employés.
Les citoyens africains doivent aider les dirigeants africains à utiliser la journée de l’UA pour réfléchir à la façon de réduire l’interventionnisme étatique souvent irrationnel dans nos vies, réglementer intelligemment les marchés financiers, supprimer les obstacles bureaucratiques à la création d’entreprises, et établir les droits de propriété et faire respecter le droit des contrats. Aidons les forces qui libèrent l’énergie entrepreneuriale nécessaire pour nous sortir de la crise.
Les dirigeants africains entreprendront ces réformes quand ils seront obligés de le faire en tant que condition pour recevoir de l’aide, et ce en dépit des immenses échecs de celle-ci à réduire la pauvreté sur le continent et qui continue à être réclamée par les activistes dont le business en dépend.
Franklin Cudjoe est directeur exécutif de IMANI, un Think Tank Ghanéen et responsable également de www.AfricanLiberty.org.
Alhassan Atta-Quayson est économiste et chroniqueur sur www.AfricanLiberty.org