05/07/09 (B506) Forum de l’opposition du 27 juin (Compte-rendu) 2 – La place de la diaspora dans le combat démocratique (Cassim Ahmed Dini – ARD)

FORUM DJIBOUTIEN DU 27 JUIN 2009

UNE INDEPENDANCE CONFISQUEE PAR LA DICTATURE

La place de la disapora
dans le combat démocratique


par Cassim Ahmed Dini
représentant de l’ARD

FORUM DJIBOUTIEN DU 27 JUIN 2009

UNE INDEPENDANCE CONFISQUEE PAR LA DICTATURE

LA PLACE DE LA DIASPORA DANS LE COMBAT DEMOCRATIQUE

Intervention de M. Cassim Ahmed Dini

Un aveu : je ne me suis jamais senti concerné par un 27 juin !

Pourtant, simple constat d’état civil, je devrais avoir au moins une raison de plus que d’autres d’y accorder une importance particulière.

Sachant que celui qui a proclamé l’Indépendance n’a jamais été invité à aucune de ses célébrations et qu’il n’a eu droit à aucun égard officiel le jour de son décès, on comprendra aisément que j’ai toujours eu quelques réticences quant à la célébration de cette date.

Plus gravement, il y a à cela une raison disons collective : le fait que l’hymne national ne soit chanté que dans une seule langue montre de façon brutale que tous les Djiboutiens ne sont pas les bienvenus dans l’espace politique.

Non pas que tous les somalophones considèrent que l’Indépendance leur appartient en exclusivité, loin de là, mais il est clair que les locuteurs des autres langues du pays sont interdits de s’approprier ce moment fondateur de l’identité nationale.

Compted-tenu du caractère discriminatoire et anticonstitutionnel des paroles de l’hymne national djiboutien, dans lequel je ne me reconnais absolument pas, je constatel’expression d’une inacceptable réalité : la citoyenneté à deux vitesses instituée par le régime issu du 27 juin 1977 dont mon ami Mohamed Daoud Chehem vient à l’instant de dresser les principaux méfaits historiques.

Toute cette introduction pour vous donner une petite idée de tout le travail de violence sur soi qu’il a fallu à certains d’entre nous pour être présents ici aujourd’hui : remercions-les.

Comme il s’agit de vous donner une petite idée l’énorme détermination déployée par les membres du comité d’organisation, tous issus de la société civile, afin de rendre possibles ces premières retrouvailles entre compatriotes pour, non pas fêter, mais plutôt rendre utile, ici à Bruxelles, un 27 juin de l’opposition : remercions-les.

Si nous sommes ensemble aujourd’hui, c’est parce qu’une même conviction nous anime : refuser les cloisonnements ethniques et claniques dans lesquels le régime dictatorial qui asservit notre Peuple dans son ensemble tente obstinément d’enfermer la majorité qui lui est opposée. Cette même conviction d’unité dans l’action anime l’UAD, dont est membre l’ARD que je représente officiellement en ma qualité de Délégué plénipotentiaire à l’étranger.

Les nombreuses tentatives d’agents du régime infiltrés pour saboter notre rencontre montre à quel point la communauté djiboutienne installée en Belgique est devenue un enjeu politique. Une délégation de prétendus réfugiés s’est même rendue à Djibouti, aux frais du contribuable djiboutien, pour chanter les louanges d’une dictature qu’ils prétendent avoir fui : la bêtise et le ridicule sont par définition insondables !

Se réunir entre concitoyens pour débattre des problèmes de notre pays est hautement subversif.

Pour la dictature, il est donc fondamental de ne pas laisser s’organiser les Djiboutiens installés à l’étranger car, libérés des urgences quotidiennes de survie, ils ont le temps et les moyens de s’engager dans l’action démocratique. C’est pour cela que l’opposition nationale accorde l’importance qui lui revient à leur conscientisation et à leur mobilisation : nous avons besoin de vous !

Encore faut-il pour cela que notre communauté exilée se sente concernée par les conditions de vie dramatiques imposées à nos concitoyens par un régime à l’agonie. Si j’emploie le terme communauté au lieu de diaspora, c’est parce qu’une diaspora suppose une prise de conscience agissante que l’on ne trouve, hélas, pour le moment qu’à l’état embryonnaire. Il est urgent, et c’est le message que je suis venu vous délivrer aujourd’hui, que vous vous conduisiez en dignes filles et fils d’un Peuple qui, sans attendre son salut de l’extérieur, s’attend au moins à ce que vous participiez activement au combat pour l’amélioration de ses conditions matérielles et symboliques d’existence, pour la restauration de sa dignité.

Trois impératifs se dégagent :

1. C’est une condition sine qua non dans le Coran : avant de prétendre changer les choses au niveau collectif, il faut soi-même changer au niveau individuel. C’est-à-dire que l’exilé doit d’abord être conscient des raisons et des implications de son exil et tout faire pour améliorer ses conditions d’existence. Ne pas se contenter de vivre en assisté sur le dos de la société d’accueil, mais se former, s’éduquer et travailler. Avec ses ressources, il pourra déjà être utile pour sa famille restée au pays.

2. Rester dans son coin à ne penser qu’aux siens ne suffit pas : il faut ensuite militer au sein d’associations diverses et variées. Par exemple, envoyer des livres scolaires ou des médicaments à un quartier, un village ou une région, est un acte de très haute portée : de l’extérieur, cela contribue à vivifier la solidarité communautaire. C’est pourquoi je vous incite fortement à cultiver l’esprit associatif en vous affranchissant des insularités de toutes sortes. Rassemblez-vous aussi au sein d’une association de défense des droits de tous les Djiboutiens pour dénoncer les exactions que le régime commet tous les jours contre toutes les composantes de notre Peuple.

3. Enfin, le penchant à la familiarité de mabraze peut conduire les membres de la communauté djiboutienne en exil à ignorer l’incontournable hiérarchie de terrains de lutte. La contribution que les partis d’opposition attendent de vous est certes nécessaire et souhaitée, mais elle ne sera jamais qu’un renfort aux actions concrètes et multiformes qui se déroulent dans notre pays. Le Peuple qui combat la dictature est par définition resté à Djibouti, la diaspora est à son service : elle n’est ni un guide ni une quelconque avant-garde, encore moins un gouvernement en exil.

C’est pourquoi je vous exhorte à devenir membres, militants ou sympathisants du parti d’opposition de votre choix. Il est inconséquent de participer à un forum politique tel que celui d’aujourd’hui et n’adhérer à aucun parti. Par votre mobilisation ici, vous amplifierez le bruit de l’inévitable révolte populaire. Par votre contribution financière, vous renforcerez les capacités d’action des partis politiques d’opposition pour en finir pacifiquement avec un régime de parti unique qui s’est accaparé toutes les richesses du pays.

A l’occasion du premier anniversaire de son premier mandat, le dictateur a déclaré que la communauté djiboutienne en exil était composée non pas de réfugiés politiques, mais uniquement de réfugiés économiques qui avaient préféré fuir à la recherche d’une vie matériellement plus facile au lieu de rester en se mettant au service du pays et du Peuple.

Démontrez-lui encore plus fort qu’il a tort dans sa médisance en oeuvrant massivement à sa chute, de l’extérieur et en concertation avec toutes les forces de changement qui luttent à l’intérieur.

Etant ici avant tout pour écouter et échanger, je vous remercie de votre attention.

Texte transcrit et diffusé
par le COMITE D’ORGANISATION