30/07/09 (B509) Otages français en Somalie (Paris Match) Les deux Français enlevés en Somalie passent de ravisseurs en ravisseurs. Sans que le mobile du rapt apparaisse clairement.

Par Nicolas Hénin

Le commando des ravisseurs est arrivé au petit matin. Une bande d’hommes en uniformes du ministère somalien de l’Intérieur. Personne ne les remarque lorsqu’ils désarment les gardes à la porte de l’hôtel Sahafi. Puis, d’un pas déterminé, ils traversent l’établissement jusqu’à la porte de la chambre 212. Ils frappent.

A l’intérieur, les deux clients se demandent ce que le room service vient faire. En ouvrant la porte, ils se retrouvent mis en joue, face aux canons de kalachnikovs. «Au début, j’avais pris ces hommes en armes pour l’escorte d’un client qui aurait été pressé de quitter l’hôtel, se rappelle Gaafaa, le patron.

Ce n’est que lorsque je les ai vus ressortir en poussant devant eux les deux Blancs que j’ai compris ce qui se passait.» Rapidement, les otages sont poussés à bord d’un technical, un pick-up surmonté d’un canon. Le propriétaire de l’hôtel tente bien d’organiser une poursuite, mais les ravisseurs regagnent vite le quartier de Taleh. Une zone tenue par les insurgés. Personne n’ose aller plus loin.

Ils se disent journalistes

Les deux otages sont Denis A. et Marc A. Des agents du service action de la DGSE. Ils étaient arrivés à Mogadiscio cinq jours auparavant, en mission officielle, sous passeport diplomatique. Leur objectif : contribuer à former les gardes du corps du président somalien, Sheikh Ahmed Sheikh Sharif, un homme assiégé par des insurgés qui menacent sans cesse sa vie et son pouvoir.

Gaafaa se souvient de l’arrivée des deux Français dans son hôtel, l’un des rares en mesure d’héberger des étrangers, à une vingtaine de mètres du siège du CID, la police criminelle, et face à la mission de maintien de la paix de l’Union africaine.

«Ils n’avaient pas de bagages. Seulement de petits sacs à dos. Ils avaient demandé à être logés en chambre double.» Lorsque le patron de l’établissement demande aux deux hommes ce qu’ils font, ils se disent journalistes.

Ils passent leurs journées dehors et s’enferment le soir dans leur chambre.

Pourtant, dès leur arrivée, les deux agents sont repérés par un certain Qogar, opérant pour le compte d’un chef pirate réputé nommé Sumeysane. Ce dernier aurait vu dans l’enlèvement une monnaie d’échange avec des flibustiers somaliens détenus en France, à la prison de la Santé.

Un agent dépêché sur place

Un homme de main observera pendant trois jours les faits et gestes des deux Français et réussira même à entrer dans leur chambre en leur absence. Mais, au dernier moment, Qogar semble avoir écarté Sumeysane. En effet, ce n’est pas dans un repaire de pirates que les deux agents sont conduits, mais au domicile de Sheikh Hassan Dahir Aweys, l’un des chefs insurgés, leader du parti Hizbul Islam. Rapidement, toutefois, pour ce dernier, les otages deviennent une patate chaude.

L’objet de tensions avec l’autre groupe insurgé, les redoutables Shebaab. Aweys, quoique considéré par la CIA comme proche d’Al-Qaïda, est francophile. Les Shebaab, pour leur part, veulent un procès exemplaire des deux Français devant un tribunal de la charia. Ils vont d’abord se faire confier l’un des deux agents. Puis ils se battront avec leurs alliés du Hizbul Islam pour leur arracher le second. «Un homme du Hizb a été transporté à l’hôpital, une balle dans la tête, après cette altercation», rapporte Abdiaziz, journaliste à Mogadiscio.

Depuis, les rumeurs les plus contradictoires circulent sur le sort des deux hommes.

Ils auraient été déplacés dans la région du Bas-Juba, transférés à Baidoa, puis ramenés à Mogadiscio. Les Shebaab ont tourné une vidéo de leurs otages et se demandent à qui la confier. La France, elle, a dépêché un agent sur place pour mener recherches et négociations. Sa principale tâche sera de démêler les rumeurs et d’écarter une foule d’intermédiaires autoproclamés, souvent aussi mal introduits qu’intéressés.