18/09/09 (B516) Les traits de l’Erythrée (RSF) L’Erythrée est la plus grande prison du monde pour les journalistes, huit ans après les rafles de septembre 2001

L’Erythrée compte aujourd’hui au moins trente journalistes et deux collaborateurs des médias emprisonnés. Huit ans exactement après les rafles du 18 septembre 2001, qui ont sonné le glas de la liberté d’expression dans le pays, les autorités d’Asmara sont à égalité avec celles de Pékin et de Téhéran pour le nombre de professionnels des médias jetés derrière les barreaux.

"Plus encore que la cruauté de leurs geôliers, les prisonners d’opinion érythréens sont victimes de l’indifférence, du silence complaisant ou des efforts bien trop timides des ‘partenaires’ d’Asmara. Les autorités érythréennes sont devenues la honte de l’Afrique", a déclaré Reporters sans frontières.

"Huit ans après avoir orchestré un tournant tragique pour son pays, il est temps que le président Issaias Afeworki change de cap et consente à libérer les journalistes emprisonnés ou à les juger dans le respect des normes internationales. Nous comptons sur l’actuelle présidence suédoise de l’Union européenne pour obtenir du chef de l’Etat érythréen des concessions, sachant que l’un des journalistes emprisonnés a la double nationalité suédoise et érythréenne", a poursuivi l’organisation.

Septembre 2001, novembre 2006 et février 2009 ont été les trois vagues d’arrestations de journalistes les plus importantes de ces huit dernières années. Trente journalistes et deux collaborateurs des médias sont ainsi détenus, sans jugement. Beaucoup croupissent dans des containers en métal ou dans des geôles souterraines, à la prison militaire d’Adi Abeito (au nord-ouest d’Asmara, sur la route vers Keren), dans le bagne d’Eiraeiro (près de la localité de Gahtelay, au nord de la route Asmara-Massaoua), sur l’archipel des Dahlaks en mer Rouge, ou dans l’un des nombreux centres de détention disséminés sur le territoire érythréen. Reporters sans frontières confirme que quatre journalistes arrêtés en septembre 2001 n’ont pas survécu à ces conditions de détention effroyables.

Après avoir été soigné, courant 2009, dans l’hôpital de l’armée de l’air à Asmara, le journaliste suédo-érythréen et fondateur de l’hebdomadaire interdit Setit, Dawit Isaac, arrêté le 23 septembre 2001, a été à nouveau transféré à la prison d’Embatkala à Ghinda (à 35 kilomètres au nord-est de la capitale, sur la route menant à la cité portuaire de Massawa). Les autorités érythréennes font tout pour garder secrets la situation et l’état de santé de ce journaliste en dépit des campagnes internationales en sa faveur. Fin mai, dans une interview donnée au journaliste suédois Donald Boström, Issaias Afeworki répond qu’il se "fiche de savoir où [Dawit Isaac] est détenu", que "jamais il ne sera jugé" et qu’à aucun moment Asmara ne négociera avec le gouvernement suédois sa remise en liberté. Voir l’interview du chef de l’Etat érythréen )

Dans une résolution du 7 janvier 2009, le Parlement européen a exprimé "sa profonde préoccupation devant la poursuite de l’emprisonnement" de Dawit Isaac et a exigé sa libération immédiate. Mais les efforts de l’Union européenne pour obtenir des nouvelles de ce journaliste se sont jusqu’ici heurtés à une fin de non-recevoir de la part des autorités.

Par ailleurs, Reporters sans frontières a appris qu’au cours des trois dernières semaines, des dizaines de fonctionnaires travaillant pour les ministères de l’Information, de la Défense, des Affaires étrangères et de la Sécurité nationale ont été contraints par les autorités de livrer leurs mots de passe de courriers électroniques.

Consulter la liste complète des journalistes emprisonnés, mise à jour en septembre 2009 (http://www.rsf.org/L-Erythree-est-la-plus-grande.html)
Lire le témoignage de Tedros Abraham, journaliste érythréen exilé en Norvège (http://www.rsf.org/Refugee-at-last-le-parcours-de.html)

En savoir plus sur la situation de la liberté de la presse en Erythrée (http://www.rsf.org/fr-rapport15-Erythree.html)