22/11/09 (B526) FreeDjibouti -> Projet Versus Promesses

Par FreeDjibouti

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Chers compatriote, je souhaiterais aborder dans cet article le fondement et l’essence qui justifie l’existence des partis politiques, le projet politique. Cette expression si importante dans la vie politique semble totalement absente du vocabulaire de nos hommes politiques de tout bord.

S’il y a un mot ou une expression à inventer pour eux c’est bien celui de projet ou programme ou plan, bref tout ce qui définie et identifie un parti politique. Ainsi à l’approche des préparatifs aux élections, je me propose de leurs offrir gentiment et sur un plat en or ce néologisme comme cadeau.

Il est assez étonnant de constater que des hommes politiques aussi bien formés et bien ambitieux ne se soient jamais préoccupés des véritables fondements des partis politiques. Ils ont de fait réduit les partis politiques à des simples appareils de propagande et de conquête de pouvoir sans aucune vision d’avenir.

Cependant la vocation première de tout parti politique est la mise en place d’un véritable projet de société, par des propositions qui touchent tous les aspects de la vie de la nation.

C’est à croire que nos hommes politiques n’ont pas lu le fameux discours de la méthode de Descartes. Je vais alors essayer de leurs faire un petit résumé mais tout simple de cet extraordinaire livre. S’il y a un seul mot à retenir de ce bouquin c’est : méthode, qui est d’ailleurs son titre. Il est dit dedans que pour toute entreprise humaine, l’Homme doit se définir une méthode, se donner les moyens et se fixer des objectifs à atteindre dans le temps le tout afin d’arriver au but visé.

C’est simpliste mais c’est une approche fondamentale que nous utilisons d’ailleurs tous les jours dans notre vie quotidienne. Quant à ceux qui aspirent nous gouverner ils l’ont complètement oubliée.

Le projet politique est l’identité d’un parti, qui défini son orientation et ses méthodes de travail une fois le pouvoir acquis et tout au long de sa vie. Il balise et esquisse tous les secteurs de la vie d’une nation. C’est dans ce projet politique que le candidat puise un programme qui tient compte des priorités de la nation pendant une certaine période en fonction de la conjoncture et des circonstances.

Ce programme doit être budgétisé et chiffré en recette et en dépendance. Ce qui rend simple la lecture de la fiabilité du dit programme. La planification de ce programme aboutit à un plan étalé dans le temps avec des objectifs mesurables et des critères d’évaluation concrets et simples. En cours de mandat, on est amené souvent à procéder à des réajustement par ce que la politique n’est pas une variable fixe, ce sont ces réajustement qu’on appelle des mesures politiques dont l’exemple typique en est les différents plans dans le monde pour faire face à la crise économique internationale. Au lieu d’un tel attelage nos hommes politiques excellent par des envolées lyriques ponctuées de tout genre de promesses qui n’ont aucune consistance. C’est bien de dire que je vais construire des écoles et des routes et que sais-je mais c’est encore mieux d’en définir les contours et dire comment on compte les construire puisqu’on ne se réveille pas un beau matin dans un chantier.

Le souci aujourd’hui avec ceux qui nous gouverne ou qui aspirent nous gouverner ce qu’ils mettent tout ça dans le placard se lançant dans des campagnes de propagandes sans fin et assez vague. Le mieux aurait été que plus de temps soit accordé à la conception des projets, des programmes et à la définition des méthodes de travail. Parce que sinon même si on arrive au pouvoir par défaut d’être venu avec une méthode, on est obligé d’en suivre une autre qui est celle qui a été utilisée par le régime que l’on a tant combattu et donc on s’inscrit dans une logique de continuité au sacrifice du changement. Le changement ne se limite pas seulement aux hommes mais c’est surtout aux méthodes. Avec des changements de méthodes le plus mauvais d’hier peut s’avérer très efficace aujourd’hui ou demain.

Pour essayer de comprendre cette absence de projet politique dans le vocabulaire de nos hommes politiques, je vais essayer de faire un retour en arrière et examiner le fonctionnement des partis politiques post indépendance et finir par ceux qui ont vu le jour après le discours de la Baule du 20 juin 1990.

En effet, ce voyage dans le temps permettra d’examiner en profondeur les motivations des premières formations politiques africaines qui ont mené la lutte contre le colonialisme qui a conduit à l’indépendance et qui ont eu la lourde tache de diriger des jeunes états, fraîchement et dans la douleur, sevrés de l’ancien colon. L’idéologie des ces formations politiques est justement inséparable de ce douloureux sevrage, surtout dans le contexte de la guerre froide de l’époque. Peut être qu’il faudrait juste rappeler que la guerre froide a opposé, après la fin de la deuxième mondiale, deux blocs : l’occident, Europe occidental et USA, qui incarnait le model démocratique et le bloc de l’Est, URSS, pays communistes et Europe de l’Est, symbole d’un socialisme révolutionnaire et nationaliste.

A noter aussi que les leaders de ces deux bloc, USA et URSS, ont été les alliés de la seconde mondiale. La tactique de ces deux blocs dans leur lutte a été l’affaiblissement réciproque. C’est ainsi que l’occident a soutenu les démocrates des pays de l’Est dans leur conquête du pouvoir avec l’espoir qu’une fois au pouvoir les pays de ces derniers deviendraient des nouveaux alliés. A l’inverse l’URSS a soutenu les mouvements d’indépendance dans les colonies généralement détenues par les pays de l’Europe de l’ouest. C’est ce qui fait que la plus part des partis politiques africain pré et post indépendance sont d’inspiration d’un socialisme révolutionnaire et communiste.

L’idéologie principale de ces partis était fondée sur le nationalisme révolutionnaire sans véritable projet politique, en tout cas qui cadrait avec les besoins fondamentaux de construction à l’époque. L’objectif était de résister à l’adversaire pour défendre la nation et le peuple surtout contre l’occident. Il a été ainsi créé des partis de masse et de propagande. Pour calmer les populations, les responsables de ces formations politiques ont mis en place la stratégie des promesses des grands projets et des grandes réalisations, qui ne s’appuyaient sur aucune conception stratégique et politique de la gestion et de la réalisation d’un projet, ni sur une certaine maîtrise technique. Ce sont ces projets qu’on a appelé dans les années 60-70 les éléphants blancs. Voila l’héritage politique de la période post coloniale.

Le discours de la Baule de 1990 a sonné l’avènement de la démocratie dans les pays africains. Roland Dumas ancien patron du quai d’Orsay résume ce discours comme suit : « Le vent de liberté qui a soufflé à l’Est devra inévitablement souffler un jour en direction du Sud … Il n’y a pas de développement sans démocratie et il n’y a pas de démocratie sans développement ». C’est le discours fondateur de la vie démocratique dans les pays africains et qui a aboutit à l’émergence d’une certaine opposition politique qui jusqu’alors étaient exilées en occident. La logique voudrait que ces nouveaux partis avec une nouvelle génération d’hommes politiques soient mieux organisés et gérés de façon moderne d’autant plus que leurs responsables ont passé le plus clair de leur temps en occident où ils ont fait des bonnes études.

Il est tout bonnement logique de croire qu’ils sont largement imprégnés de la vie démocratique à l’occidentale encore que plusieurs d’entre eux ont été des responsables associatifs. Tous les ingrédients étaient réunis pour que les pays africains connaissent enfin une vie politique et démocratique axés sur des propositions, des projets et des méthodes. Mais force est de constater avec regret d’ailleurs qu’il n’en a pas été ainsi et que globalement ce sont les mêmes méthodes qui ont prévalu à la gestion des partis politiques.

L’examen de la vie politique après l’avènement de la démocratie dresse un tableau criant de désolation et de déception. C’est difficile de l’admettre mais à mon sens ils n’ont pas contribué à la hauteur des espérances, à la mise en place d’une autre façon de gérer les choses, à une autre façon de faire la politique et surtout ils n’ont pas été des forces de propositions mais plutôt des forces d’opposition sans boussole ni gouvernail, car cette opposition n’était pas suivie par une véritable alternative incarnée elle-même par un véritable projet de société. Si la dénonciation est l’arme de tout parti d’opposition de tout pays la proposition doit en être l’aiguilleur. Il est facile d’appuyer sur la gâchette et de détruire tout ce que l’autre a fait mais il faut savoir reconstruire quelque chose de plus consistant et de plus durable à la place.

  • La première erreur de ces nouveaux responsables politique post Baule est la constitution de leur parti sur des bases plutôt ethniques et régionalistes qu’idéologiques. C’est notamment un peu le cas djiboutien. En effet, il n’est un secret pour personne que nous avons 2 blocs de partis à Djibouti qui sont les Afars et les Issas dont les autres communautés font figures de coloriage. Ceci n’est pas sans lien avec ces velléités ethnocentriques observées depuis dans notre pays même si elles datent de l’indépendance. Ce qu’on peut reprocher à ces responsables, c’est justement d’être tombés dans le même piège et d’avoir repris les mêmes méthodes. La balkanisation de la vie politique aurait pu s’éviter par le regroupement des ces hommes politiques dans des blocs hétérogènes par leur composition mais homogènes par leur motivation et leur orientation d’autant plus beaucoup d’entre eux se connaissaient bien et ont lutté ensemble.
  • La seconde erreur est justement ce manque de vision d’avenir soutenu par des véritables propositions elles même incarnées par un véritable projet de société. C’est étonnant car ce sont tous des hommes qui sont bien formés et que certains ont vécus ou vivent dans des pays de tradition démocratique.
  • La troisième erreur est la mise en avant des intérêts personnels, qui a fait qu’il n’y a jamais eu ni entente, ni consensus, ni union autour d’une idée fédératrice pour le bien des populations. Chacun s’est vu investir le droit de devenir président d’un parti et a voulu préserver ce privilège. La stratégie a été de s’entourer des personnes complètement acquises (même ethnie) et dévouées et qui n’ont aucune ambition présidentielle. Ce qui a conduit à la personnalisation des partis politiques ; chacun s’identifiant presque par le nom de son responsable. La conséquence inéluctable est la dépendance financière des partis à leurs responsables.
  • Et enfin, la dernière est le manque de courage politique pour faire face à des régimes souvent dictatoriaux et assez durs. Face à ces régimes, il fallait une opposition non seulement unie soudée et solidaire mais aussi courageuse et prête à aller au charbon au prix de tous les risques. Une opposition pacifiste mais frontale était celle qu’il fallait pour faire face des régimes sans vergogne.

Actuellement dans la plus part des pays africains, l’opposition est incarnée par des anciens collègues ou proches des partis au pouvoir qui ont une bonne connaissance des rouages administratifs de leur pays avec les vices qui les accompagnent. Cette nouvelle classe d’opposant est plus en même de définir un projet de société pour leur pays car ils connaissent parfaitement le mal qui les gangrènent mais hélas c’est toujours les mêmes méthodes.

On a l’impression que toute personne qui se lance en politique vise exclusivement l’acquisition du pouvoir. L’exercice du pouvoir ne doit pas être une fin en soi mais un objectif qui s’inscrit dans un tout politique.

Djiboutiennement

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