10/12/09 (B528) Le Journal de la Flibuste (2 articles en Français)

_____________________________ 2 – Le Point

Les sociétés militaires privées, ces "mercenaires qui se nourrissent de la guerre"

Par Jean Guisnel

Interview d’Anne Sophie Avé, déléguée générale d’Armateurs de France

LES FAITS L’armateur français CMA-CGM étudie l’embarquement de gardes armés à bord de ses cargos


Lors d’un colloque sur la piraterie, Pierre de Saqui de Sannes, conseiller institutionnel France, Afrique et Moyen-Orient chez CMA-CGM, a annoncé que l’armateur français étudie actuellement l’embarquement à bord de ses navires d’hommes en armes fournis par des sociétés militaires privées . Anne Sophie Avé, déléguée générale d’Armateurs de France, réagit à ces propos.

lepoint.fr : Qu’avez-vous pensé des propos de M. Pierre de Saqui de Sannes, publiés hier soir sur notre site, qui réclame la présence de gardes armés à bord des cargos français ?

Anne Sophie Avé : Nous sommes tout à fait conscients que des armateurs exaspérés par les risques de piraterie sont tentés par les sirènes des sociétés privées formées d’anciens militaires, et je conçois que M. de Saqui de Sannes soit attentif à leurs propositions. Mais, à ma connaissance, son avis n’est absolument pas partagé par son employeur le président de CMA-CGM, M. Jacques Saadé. Notre souci permanent de la sécurité de nos équipages peut conduire à se poser ce genre de questions. Il n’en reste pas moins que tous les armateurs français ont une position constante et formelle, que partage CMA-CGM : nous avons toujours désapprouvé l’embarquement de sociétés militaires privées.

Qui recouvre le "nous" ?

Les armateurs français, la Fédération européenne des armateurs, les fédérations internationales. Elles sont unanimes, avec les marins et les différents gouvernements, pour refuser de recourir aux services de mercenaires à bord de nos navires.

Sur quels éléments se basent ces oppositions ?

D’abord, la présence de gardes armés ferait monter le niveau de violence de façon exponentielle. Aujourd’hui, les pirates attaquent avec des armes dangereuses, comme des lance-roquettes, mais ils tirent pour faire peur, dans la coque des bateaux, ils ne tirent pas pour tuer. Si, avec ces mêmes armes, ils étaient amenés à répondre à des coups de feu qui viendraient du bord, on aurait des morts de part et d’autre. Nos marins seraient les premières victimes.

Vous estimez donc que la présence des marines d’État est suffisamment dissuasive ?

Dans le cadre de la force Atalanta, la marine française nous a proposé de disposer à bord de navires particulièrement vulnérables des EPE (équipes de protection embarquées). Ce sont des militaires, qui peuvent affronter le danger. Je trouverais très dommage de décourager cette coopération entre la marine marchande et la marine nationale. D’autant plus que cette dernière a été leader, appuyée par le président de la République et le Premier ministre, pour la mise en place, le maintien et le renforcement de la force Atalanta. Si on commence à leur dire qu’on n’a plus confiance en eux, et qu’on veut mettre des milices privées à bord, ils vont juste nous laisser tomber…

Que reprochez-vous aux sociétés militaires privées ?

On les connaît, ces gens-là ! Ce n’est pas comme si on ne les avait jamais vus à l’oeuvre, comme si des armateurs étrangers ne faisaient pas appel à leurs services. Ce sont des mercenaires, qui se nourrissent de la guerre. Leur intérêt, leur business, c’est que le conflit perdure, alors que celui des États n’est pas de maintenir une présence militaire. De plus, les solutions diplomatiques et politiques se trouvent entre leurs mains. Les mêmes qui doivent régler le problème de fond, sur le sol de la Somalie, traitent également ce qui se passe en mer.

Vous pensez donc que les sociétés militaires privées aggraveraient les risques ?

Leur pression est lourde, ils veulent mettre des mercenaires sur nos bateaux. Ils ont moins de "travail" en Irak, donc ils cherchent des débouchés. Ces gens sont prêts à tout pour augmenter la perception de la menace. Leur argumentaire se rapproche du marketing culpabilisant des vendeurs de couches-culottes, qui nous expliquent que, si nous n’utilisons pas leurs produits, nous ferons le malheur de nos enfants ! Ils nous accusent de ne pas prendre la mesure des risques que prennent nos équipages, et c’est inacceptable.

_____________________________ 1 – Portail des sous-marins

Le commandant de l’OTAN en Europe demande des moyens aériens pour lutter contre la piraterie

Par Rédacteur en chef.

L’amiral Jim Stavridis, le nouveau Commandant Suprême des Forces Alliées en Europe (SACEUR), a déclaré le 7 décembre dernier que "des bâtiments supplémentaires seraient utiles" pour lutter contre la piraterie au large de la Somalie, mais que "ce que je souhaite vraiment obtenir, ce sont des avions de patrouille maritime, des AWACS et des images satellite."

Le nombre d’attaques de pirates au large de la Somalie et dans le golfe d’Arabie a continuellement augmenté et ils sont devenus plus sophistiqués avec des armes utilisées plus souvent, a-t-il déclaré lors d’un dîner-débat.

L’amiral Stavridis, qui a pris ses fonctions en juin dernier, a qualifié la coopération entre l’OTAN, l’Union Européenne et des partenaires comme la Russie et la Chine de "laboratoire de cultures se rassemblant pour travailler efficacement," et que, ensemble, ils réduisaient le nombre d’attaques de pirates dans la région.

Il a aussi appelé à une approche globale pour régler le problème de la piraterie en Somalie, puisque il faut "des emplois et du développement au large de la Corne de l’Afrique" pour que la population ne se tourne pas vers la piraterie. Il a indiqué qu’il s’agissait d’un domaine, avec le développement de mécanismes légaux pour juger les pirates, dans lequel l’Union Européenne pourrait être particulièrement efficace.