18/12/09 (B529) Nouvelles de Somalie (3 articles en Français)

_______________________ 3 – AFP

Somalie: les shebab s’emparent des bureaux d’une agence de l’ONU

Les islamistes radicaux somalien, les shebab, se sont emparés des locaux d’une agence de l’ONU en charge du déminage (UNMAS) à Baïdoa, dans le sud de la Somalie, après en avoir interdit les activités, a-t-on appris vendredi de sources concordantes.

Des combattants shebab ont pénétré jeudi à la mi-journée dans trois locaux d’UNMAS à Baïdoa, chef lieu de la province de Bay et Bakol, à 250 km au nord-ouest de Mogadiscio, a indiqué à l’AFP une source onusienne, qui a requis l’anonymat.

En l’absence de personnels expatriés, les miliciens islamistes ont demandé aux employés somaliens de quitter les lieux. Ils ont ensuite fouillé et pillé méthodiquement les locaux de l’agence onusienne, toujours selon la même source.

Ces locaux sont composés des bureaux d’UNMAS, d’une résidence et d’une maison d’hôtes. Trois ambulances totalement équipées, du matériel médical, des équipements radio et de déminage étaient entreposés sur place, a également précisé cette source.

Des jihadistes étrangers figuraient parmi les assaillants, a indiqué par ailleurs un témoin et notable local.

Personne n’a été blessé dans l’incident, qui est lié au communiqué rendu public le jour-même par les shebab, interdisant les activités d’UNMAS dans les territoires sous leur contrôle dans le centre-sud de la Somalie, selon un rapport de l’ONU dont l’AFP a eu connaissance.

Signé du "Bureau de supervision des agences étrangères" de la milice islamiste, ce communiqué des shebab ordonnait la fermeture immédiate des bureaux de Mine Action, prétextant que l’agence onusienne payait les salaires des policiers du TFG (gouvernement de transition somalien).

Ses personnels auraient "corrompu plusieurs chefs de communautés" et les auraient incités à se rebeller contre l’administration islamique", selon la milice islamiste.

L’UNMAS dispose également de bureaux en zone islamiste à Gedo, Wajjid, Jowhar et Afgoye.

En juillet, les shebab avaient déjà interdit à trois organismes des Nations unies de travailler en Somalie, le PNUD, le Bureau politique des Nations unies pour la Somalie (UNPOS) et le Département de la sécurité et de la sûreté des Nations unies (UNDSS).

Des locaux de ces trois agences, qualifiées d’"ennemis de l’islam", avaient ensuite été pillés. Des véhicules de l’ONU et des gilets pare-balles volés à cette occasion avaient ensuite été utilisés pour perpétrer un double attentat suicide le 17 septembre à Mogadiscio contre le quartier général de la force de paix de l’Union africaine en Somalie (Amisom). 21 personnes avaient été tuées, dont 17 soldats de la force.

Ce nouvel incident intervient alors que les shebab tentent depuis plusieurs semaines d’imposer des conditions drastiques aux organisations humanitaires, notamment dans Bay et Bakol.

Ils entendent imposer par exemple le licenciement de tous les personnels féminins de ces ONGs, et exigent le paiement tous les six mois d’une "taxe d’accréditation" de 20.000 dollars (13.400 euros).

En lutte contre le très affaibli gouvernement de transition, les shebab ("les jeunes" en arabe) contrôlent une large partie de la capitale Mogadiscio, ainsi que le centre et le sud du pays, où ils ont commencé à appliquer une version très stricte de la charia (loi coranique).

Ils se réclament ouvertement d’Al-Qaïda et de son idéologie du jihad (guerre sainte) mondial, et comptent dans leurs rangs des combattants étrangers.

_______________________ 2 – Romandie News (Ch) avec AFP

Les shebab interdisent à une agence de l’ONU d’opérer en Somalie

Les islamistes radicaux somaliens des shebab ont interdit à une agence de l’ONU en charge du déminage (UNMAC) de travailler dans les zones sous leur contrôle dans le centre-sud de la Somalie, selon un communiqué officiel transmis jeudi à l’AFP.

"A compter de ce jour, l’organisation onusienne Mine Action Center a été fermée", indique ce communiqué, signé du "Bureau de supervision des agences étrangères" de la milice islamiste.

Cette décision a été prise "après un examen approfondi des actions et des motivations cachées de cette organisation" de l’ONU, expliquent les shebab.

"C’est un fait avéré que Mine Action paie les salaires des policiers du TFG (gouvernement de transition somalien)", affirme le communiqué.

Ses personnels "ont tenté de troubler la paix et la justice en corrompant plusieurs chefs de communautés et en les incitant à se rebeller contre l’administration islamique" mise en place par les shebab, toujours selon les shebab.

"Les enquêtes ont également permis de démontrer que Mine Action assurait secrètement le travail d’organisations interdites d’activités" par les shebab, comme le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD).

En juillet, les insurgés shebab avaient déjà interdit à trois organismes des Nations unies de travailler en Somalie, le PNUD, le Bureau politique des Nations unies pour la Somalie (UNPOS) et le Département de la sécurité et de la sûreté des Nations unies (UNDSS).

Des locaux de ces trois agences, qualifiées d’"ennemis de l’islam", avaient ensuite été pillés. Des véhicules de l’ONU et des gilets pare-balles volés à cette occasion avaient ensuite été utilisés par les shebab pour perpétrer un double attentat suicide le 17 septembre à Mogadiscio contre le quartier général de la force de paix de l’Union africaine en Somalie (Amisom). 21 personnes avaient été tuées, dont 17 soldats de la force.

En conclusion de leur nouveau communiqué, les shebab promettent "de continuer à réglementer et surveiller les agences étrangères en Somalie, et à protéger les musulmans de tout complot (…)".

Cette interdiction intervient alors que les shebab tentent depuis plusieurs semaines d’imposer des conditions drastiques aux organisations humanitaires, notamment dans la région de Bay et Bakol (centre-sud).

Ils entendent imposer par exemple le licenciement de tous les personnels féminins de ces ONGs, et exigent le paiement tous les six mois d’une "taxe d’accréditation" de 20.000 dollars (13.400 euros).

En lutte contre le très affaibli gouvernement de transition, les shebab ("les jeunes" en arabe) contrôlent une large partie de la capitale Mogadiscio, ainsi que le centre et le sud du pays, où ils ont commencé à appliquer une version très stricte de la charia (loi coranique).

Ils se réclament ouvertement d’Al-Qaïda et de son idéologie du jihad (guerre sainte) mondial, et comptent dans leurs rangs des combattants étrangers.

__________________________ 1 – Le Monde

Souvenirs du Shamo de Mogadiscio, par Jean-Philippe Rémy

Shamo Hotel, Mogadiscio, chambre 120.

Le trousseau de clés, emporté par mégarde il y a longtemps, danse dans ma main, à l’autre bout de l’Afrique. Shamo Hotel… Le nom poussait un peu à la plaisanterie, mais seulement en Français. Et depuis longtemps, entre les attentats, les enlèvements et autres circonstances propres à la vie quotidienne dans la capitale somalienne, les étrangers se sont faits rares dans l’établissement de M. Shamo, quartier du Kilomètre 5. Du reste, plus personne n’a le coeur à rire avec le nom ou quoi que ce soit ayant trait au Shamo, frappé par un attentat-suicide le 3 décembre.

Vingt-quatre morts, des blessés par dizaines, des estropiés, aucune revendication, et la fin d’un hôtel, c’est-à-dire la fin d’un monde. La bombe humaine, de sexe masculin, s’était vêtue en femme, voile intégral compris, pour dissimuler les explosifs sous les plis du costume que les islamistes ont imposé aux Somaliennes au cours des deux dernières décennies. Le kamikaze a fait jaillir la mort au milieu d’une foule venue assister à une remise de diplômes, cérémonie qui se tenait dans la célèbre salle des mariages à distance de l’Hôtel Shamo.

Ainsi va la vie à Mogadiscio. Les jeunes hommes de la diaspora somalienne, éparpillés sur la planète, notamment en Scandinavie et en Amérique du Nord, continuent de vouloir prendre femme dans leur pays. Nul n’envisage de sceller ces unions sans un grand mariage traditionnel. Compte tenu des dangers de Mogadiscio, la cérémonie a souvent lieu en l’absence du marié. Les familles sont réunies, les chants et les danses ont lieu devant l’oeil d’une caméra. Le tout se retrouvera sous forme de film agrémenté de musiques et de prières et la jeune mariée pourra rejoindre à l’étranger son nouvel époux, dûment munie du DVD de leur union à Mogadiscio. On ne filmera plus ces mariages au Shamo.

Tout de même, le bâtiment principal, derrière la salle des mariages à distance, a tenu bon, et l’hôtel est toujours debout. Dans les couloirs, on trouve toujours des piles de carapaces de tortues, échouées d’on ne sait quel trafic ; des salons avec fauteuils, divans, rideaux épais pour se protéger du soleil et des oreilles indiscrètes, ou prier des nuits entières avec les membres des confréries soufies.

Sur les murs de l’entrée, les grands panneaux en laque rouge, cloués à la hussarde, accueillent toujours le client occasionnel. Sous l’épaisse couche de poussière se laissent deviner des motifs évoquant… la Chine ? Gagné. Il s’agit de paravents qui ornaient l’ambassade de Chine de Mogadiscio, pillée en 1991 lors de l’effondrement et, disons, chinés par M. Shamo dans le grand marché aux puces qu’était devenu la capitale somalienne.

Drapeaux rouges, bloc communiste, comme tout ceci semble déjà lointain, vu de Mogadiscio. D’autres pans d’histoire ont surgi aussitôt, en remplacement, en même temps que d’autres clientèles. Pilotes ukrainiens, techniciens chinois venus monter des pylônes pour sociétés de téléphonie somaliennes. A une époque, on pouvait croiser une équipe de médecins égyptiens dont certains étaient de vrais médecins, et d’autres envoyés à Mogadiscio pour donner un coup de main clandestin aux insurgés islamistes, alors en guerre contre l’armée éthiopienne. Entre l’Ethiopie et l’Egypte se joue une sorte de petite guerre froide sur fond de dispute des eaux du Nil, dont l’une des tranchées modestes passe, quelle malchance, par la Somalie.

Le soir, on trouvait aussi quelques chefs traditionnels (ugas), des hommes d’affaires de la ville, venus passer la nuit quand les bombes tombaient trop dru sur leur quartier. Dehors, le tonnerre des combats approchait parfois, mais semblait s’arrêter au grand portail, comme si l’hôtel avait été un refuge contre l’orage, en montagne.

En 1991, M. Shamo n’avait pas échappé aux pillages, perdant presque tout, boutiques et entrepôts. Il avait rebondi en ouvrant l’hôtel. Dans son clan, qui revendique des origines dans la péninsule Arabique et la lointaine Shiraz (Iran), on cultive depuis des siècles l’interdiction de porter les armes et l’amour des affaires. Mais comment commercer sans armes dans Mogadiscio sans état ? M. Shamo avait résolu la contradiction en entretenant une discrète milice miniature, et en tissant mille liens avec tous les patrons de la violence en ville, des ex-seigneurs de la guerre aux insurgés islamistes.

La "sécurité" du Shamo avait ses quartiers derrière la salle des mariages à distance. Son chef, Ber-ber, est mort récemment des suites de ses blessures (Le Monde du 11 juin). Finalement, M. Shamo s’en est allé aussi, il y a quelques mois, d’une crise cardiaque foudroyante. Comme s’en était allé déjà Ibrahim, l’homme qui servait avec la même grâce les langoustes et la chèvre bouillie dans la salle à manger, combinant l’élégance discrète d’un ancien cuisinier de l’ambassade d’Italie et la barbe roussie au henné des pieux somaliens.

M. Shamo n’avait jamais été ce qu’il convient d’appeler un rigoriste en matière de religion. Dans sa jeunesse, il avait même été l’un des play-boys de la capitale, connue pour ses plages (le Lido !) et ses night-clubs, trop nombreux pour être mentionnés. Un soir, alors que nous regardions depuis la terrasse de l’hôtel les départ de Katiouchas de l’armée éthiopienne en direction du grand marché de Bakara, il avait soupiré : "La vie était si belle, peut-être avons-nous trop péché. Maintenant, nous payons."