29/12/09 (B531) Yémen Express (3 articles en Français)

___________________________ 3 – JDD

Nouveaux affrontements au Yémen

Le gouvernement ainsi que les rebelles chiites du Yémen ont signalé de nouveaux affrontements mardi dans le nord du pays. Les États-Unis et l’Arabie saoudite craignent qu’Al-Qaida n’exploite l’instabilité au Yémen pour préparer des attaques.

Le site internet du ministère yéménite de la Défense indique que des forces gouvernementales ont pris d’assaut des positions d’insurgés dans la province montagneuse de Saada, où les combats durent depuis plusieurs mois. Les insurgés font quant à eux état de raids de chasseurs yéménites mais également saoudiens.

La tentative d’attentat contre un avion de ligne américain commise le jour de Noël par un Nigérian et revendiqué par la branche régionale d’Al-Qaida a récemment braqué les projecteurs sur le pays.

___________________________ 2 – Le Point

"Le Yémen est une base arrière d’Al-Qaeda depuis trois ans"

Propos recueillis Marc Vignaud

Fils d’un riche banquier nigérian, le jeune homme de 23 ans inculpé pour tentative d’attentat sur le vol Amsterdam-Detroit affirme avoir entretenu des liens avec Al-Qaeda. Selon sa famille, il était parti en juillet 2008 au Yémen pour suivre des cours d’arabe. Depuis, il n’avait plus donné signe de vie.

La radicalisation soudaine de cet étudiant favorisé, intervenue lors de son séjour au Yémen, braque les projecteurs sur ce pays de la péninsule arabique, frontalier de l’Arabie saoudite. Pour Dominique Thomas, chercheur à l’EHESS (École des hautes études en sciences sociales) et spécialiste des mouvements islamistes, le Yémen, dont le pouvoir central est très contesté, est devenu un terrain propice aux djihadistes.

lepoint.fr : Assiste-t-on à une recrudescence des forces d’Al-Qaeda au Yémen ?

Dominique Thomas :
Depuis deux trois ans, le Yémen est devenu une base arrière d’Al-Qaeda. En 2006, l’évasion de la prison de Sanaa (la capitale) d’une vingtaine de djihadistes transférés d’Iran ou d’Afghanistan a permis la reconstitution d’un organigramme d’Al-Qaeda, alors que l’organisation avait été décapitée en 2003 avec l’assassinat de son précédent chef par les forces américaines.

Depuis 2006, des réseaux se sont donc reconstitués dans le sud du pays, dans le centre, dans l’est. Les premières attaques ont recommencé au Yémen contre des terminaux pétroliers, des touristes, des bâtiments officiels étrangers, des représentants des autorités. On a atteint le pic de la réorganisation en janvier 2009 avec l’annonce de la création d’"Al-Qaeda dans la péninsule arabique" par la fusion de ses branches saoudienne et yéménite.

L’événement s’explique par la faiblesse des réseaux saoudiens qui ont été largement décapités par la répression qui s’est abattue sur les djihadistes dans ce pays à partir de 2003. Certains ont alors décidé de fuir l’Arabie saoudite et de repasser la frontière. Ce ne sont pas des éléments extrêmement nombreux en termes de combattants – de 100 à 200 -, mais cela a permis de renforcer les rangs d’Al-Qaeda.

Il faut aussi savoir que le Yémen a toujours été lié à d’Al-Qaeda, tout simplement parce que ses grandes figures ont toujours été très proches d’Oussama Ben Laden qui est yéménite par son père. Celui-ci se sent plus yéménite que saoudien même s’il avait la nationalité saoudienne.

Pourquoi le Yémen est-il un terrain si favorable au développement d’Al-Qaeda ?

La grande différence avec l’Arabie saoudite voisine, c’est que l’État yéménite est très contesté par beaucoup de groupes différents. Il n’a jamais été véritablement pacifié depuis sa réunification. La rébellion du Nord constitue la force la plus importante à laquelle doivent faire face les forces yéménites. Mais sur le plan idéologique, il n’y a pas de lien avec Al-Qaeda, car c’est un mouvement d’opposition chiite.

Al-Qaeda peut en revanche capitaliser sur la frustration sociale très grande dans le Sud pour s’allier ponctuellement à des groupes qui contestent l’autorité du pouvoir central. Il ne faut pas oublier non plus que le Yémen est un pays très pauvre avec l’indice de développement humain le plus faible des pays du Golfe, malgré la rente pétrolière.

Que ce soit au Sud ou au Nord, le Yémen est une zone de guerre avec un taux d’armes par habitant extrêmement élevé et des possibilités de trafic aux frontières. Il y a aussi toute une série de prédicateurs qui ne sont pas liés directement à Al-Qaeda, mais qui sont extrêmement radicaux et auprès desquels elle exerce de l’influence.

Le psychiatre militaire, auteur de la fusillade sur la base américaine de Fort Hood, au Texas, avait des liens avec un imam radical installé au Yémen.
Il reste toutefois très difficile de définir la quantité de combattants djihadistes au Yémen. Il semble qu’ils soient relativement nombreux par rapport aux autres labels d’Al-Qaeda dans le monde. Il y a un potentiel de développement et d’évolution plus favorable pour l’instant.

Al-Qaeda au Yémen possède-t-elle une capacité de nuisance à l’étranger ?
C’est un petit peu l’énigme. Pour l’instant, les djihadistes ont développé une communication sur Internet assez bien rodée. Ils diffusent une revue à peu près trimestrielle, des vidéos… Ils sont donc connus sur la toile djihadiste.

Pour autant, il est difficile de dire s’ils sont capables d’organiser des attaques ou de constituer des bases d’entraînement.

L’Afghanistan reste beaucoup plus important en termes de camps d’entraînement. Cela n’exclut pas le fait qu’Al-Qaeda au Yémen dispose de réseaux de financement comme, par exemple, des réseaux caritatifs. Par ailleurs, le Yémen est un territoire de transit, il y a des étudiants qui viennent faire leurs études, notamment dans des centres salafistes assez réputés pour la rigueur de leur enseignement.

Quelle opération récente à l’étranger peut-on formellement attribuer à Al-Qaeda au Yémen ?

La seule opération qui a été montée en 2009 depuis le pays, c’est celle qui a failli coûter la vie au ministre de l’Intérieur saoudien, le prince Mohamed Ben Nayef Al-Saoud.

Le pouvoir est-il vraiment déterminé à lutter contre les djihadistes ?

Contre les djihadistes, oui, parce qu’il a bien compris qu’ils étaient un facteur de déstabilisation du pays. Pour la première fois, deux raids aériens ont d’ailleurs été menés contre les bases d’Al-Qaeda , alors que le gouvernement se limitait auparavant à des opérations terrestres. L’utilisation de l’aviation est un gage du gouvernement yéménite aux États-Unis pour pouvoir bénéficier d’un soutien sécuritaire logistique et militaire.

En revanche, le président Ali Abdullah Saleh ne peut pas combattre contre l’islamisme puisqu’il l’a longtemps favorisé pour lutter contre les chiites du Nord et le mouvement socialiste du Sud. Il a aussi enrôlé des milices tribales sunnites pour mener sa guerre au Nord contre le mouvement chiite, des forces qu’il doit rémunérer et qui peuvent à tout moment se retourner si leurs soldes ne sont pas satisfaisantes. Ali Abdullah Saleh a joué avec le feu et, aujourd’hui, il paye les pots cassés. Il devient difficile pour lui de contrôler les réseaux de prédication, les réseaux caritatifs. Son pouvoir patrimonial à dominante clanique doit composer avec la question de sa propre succession…

Les conflits internes au Yémen masquent-ils un affrontement à distance entre l’Iran (chiite) et l’Arabie saoudite (sunnite) ?

Il n’y a pas de preuve tangible d’un soutien logistique de l’Iran aux rebelles du Nord, même si le gouvernement yéménite et l’Arabie saoudite voient la main de l’Iran dans la rébellion chiite zaïdiste.

____________________________ 1 – L’Express

Arrestation de 29 activistes présumés d’Al Qaïda au Yémen

Les autorités yéménites ont arrêté 29 activistes présumés d’Al Qaïda qui préparaient des attentats contre des installations pétrolières et des intérêts étrangers, dont l’ambassade de Grande-Bretagne à Sanaa, déclare le chef de la sécurité nationale.

Al Qaïda a renforcé sa présence au Yémen ces derniers mois. La tentative d’attentat déjouée à bord d’un avion de ligne américain vendredi a braqué les regards sur ce pays, où le principal suspect nigérian dit avoir reçu de l’aide d’activistes.

"Jusqu’à présent, 29 personnes ont été arrêtées et les autorités continuent de poursuivre les terroristes restants", a déclaré Ali Mohammad al Ansi dans une note publiée lundi sur le site internet du ministère de la Défense.

Il n’a fait aucun commentaire sur la tentative d’attentat déjouée vendredi à bord de l’avion qui reliait Amsterdam à Detroit.

Les Etats-Unis et l’Arabie saoudite craignent qu’Al Qaïda ne profite de l’instabilité au Yémen, pays le plus pauvre du monde arabe, pour lancer des attaques dans le royaume, premier exportateur mondial de pétrole.

En plus des combattants d’Al Qaïda, le Yémen est confronté à des groupes rebelles chiites dans le Nord et à une montée du séparatisme dans le Sud.