14/01/10 (B533) Cruauté du hasard géologique en Haïti ?. Il a suffi d’une forte secousse tellurique de courte durée pour faire trembler et basculer certains égoïsmes occidentaux. (Bouh Warsama)

Mardi 12 janvier 2010, à 16h53 (heure locale) et tout au plus en une seule minute, la capitale d’Haïti, Port au Prince, a été frappée par un terrible séisme de magnitude 7 détruisant une grande partie de la ville et faisant probablement des dizaines de milliers de morts et de nombreux blessés.

La tragédie qui vient de frapper et la cruauté du hasard géologique nous dépouillent, les uns comme les autres, de toute discrimination – ethnique, de couleur ou religieuse.

Ségrégation qui n’avait déjà plus de sens et qui est devenue soudainement bien dérisoire car faisant ainsi tomber des frontières que l’on pensait être bien plus infranchissables.

– Soudain, « l’étranger » devient un frère, la femme est notre soeur et l’enfant devient notre propre enfant.

Ils et elles sont devenus les compagnons et les compagnes d’une humanité fragile qui relativise ce que peut être l’humain et sa force, sa puissance dérisoire et ses possibilités de survie face aux éléments déchainés.

Femmes et hommes dont on mesure la détresse et avec qui nous partageons, en conscience et pleinement aujourd’hui, la même vulnérabilité du destin et que l’on voudrait serrer dans nos bras pour les réconforter et les aider.

Ces inconnus du bout du monde, à la peau dorée par le soleil et pourtant si lointains hier, semblent frapper à la porte des consciences occidentales.

Gouvernants, radios, télés et médias, associations comme simples particuliers sans distinction d’origine…, ce monde occidental qui se regarde bien trop souvent le nombril se lève avec la même compassion ; chacun et chacune tourne son regard vers Haïti avec la même émotion, la même volonté réparatrice, les mêmes mots, la même question :

« Que pouvons-nous faire faire pour les aider ?».

Dans cet Occident en quête de rachat, ce malheur qui frappe soudainement Haïti est un désastre qui efface les différences avec cette force contradictoire de déclencher des solidarités spontanées pourtant bien trop difficile à mettre en mouvement dans d’autres situations dites « habituelles » ; ne serait-ce qu’à leur faire ouvrir les yeux quelques instants, dans la vie de tous les jours.

– « Pour une fois on ne parle que de nous » faisait remarquer un rescapé interviewé par une grande radio.

Depuis deux jours, l’un des pays les plus pauvres du monde et que d’aucuns n’auraient pu situer avec précision sur un planisphère il y a de cela encore quelques 48 heures……sans se tromper– là bas peut-être en Amérique du sud, centrale ? Bref, là bas au loin ! – s’est imposé résolument au cœur de la planète.

Une catastrophe dans ce petit pays qui relègue en arrière plan toute autre pensée notamment sur les effets dévastateurs de la crise financière internationale, sur les décentralisations, sur l’emploi et sur bien d’autres préoccupations de bien moindre importance que cela, entre autres, consistant à savoir qui de la Turquie ou de la France sortira vainqueur dans la symbolique course à l’organisation de l’Euro 2016…de foot-ball.

C’est en ces instants dramatiques que l’on peut mesurer combien toute fuite vers le déraisonnable peut être futile.

Nous sommes tous prisonniers, au milieu d’un cercle, quelle que soit notre vie ; quelle que soit notre richesse du moment ou notre rang social l’anéantissement ultime nous attend et la mort n’oublie personne.

Ce désastre – avec toutes ses victimes innocentes – contribue hélas à la sinistre notoriété pour un peuple haïtien qui a déjà eu largement sa part de catastrophes, de sang versé et de misères ; une population qui aurait vraisemblablement préféré une autre reconnaissance sur le plan international.

Dans ces premières images qui de Port au Prince viennent frapper notre subconscient, toutes nos pensées de l’instant s’attachent à ce dénuement le plus absolu qu’affrontent avec une dignité forçant le respect, des dizaines de milliers de rescapés, souvent de blessés parfois assis à même le sol ; seuls et perdus dans leurs songes, souvent dans leur désarroi.

Ce dénuement nous touche car il est fait de la dignité d’une grande pauvreté qui interroge cette bien trop tranquille condescendance occidentale, trop souvent faite d’arrogance et de suffisance.

Pleurer sur le sort qui s’acharne sur des populations ravagées par la dictature, la misère et la maladie, les épidémies ; crier sa rage contre une hypothétique malédiction, contre ces forces tectoniques qui se sont heurtées, déchaînées et qui ont fait, en une seule seconde, tant de morts, tant de blessés, tant de veufs et de veuves, tant d’enfants orphelins ne sert à rien.

Mieux vaut affronter en face la réalité dérangeante de l’injustice fondamentale de la nature que ce tremblement de terre nous jette à la figure et que l’on n’aura jamais fini de corriger.

La nature rend chacun de nous capable de supporter ce qui lui arrive.

A cet instant si nos pensées vont avec grande compassion vers les populations de Port au Prince, on ne peut s’empêcher de penser aussi à Djibouti et à ce que seraient les conséquences d’un tel séisme sur l’humain.

Une pensée qui va vers celles et ceux qui sont sous la menace quasi permanente d’une même situation de catastrophe car dans le contexte géotectonique de la capitale de Djibouti, les risques sismiques sont relativement importants ; tout le moins aussi importants qu’à Port au Prince.

Un Djibouti sous IOG qui est une forme de « fuite en avant dans la précipitation » et qui a certes construit mais souvent après d’injustes expropriations.
Urbanisation non point à vocation sociale mais qu’au profit de quelques-uns et …d’une ; avec des constructions de bel aspect extérieur certes mais trop souvent en dépit du bon sens, de manière anarchique et surtout en dehors des normes anti sismiques.

Il s’avère que, selon les experts en géologie et parasismique, l’effondrement des constructions étant la cause principale de 90% des pertes en vies humaines lors d’un séisme, le meilleur moyen de se prémunir contre les nombreux effets dévastateurs des tremblements de terre est d’élaborer des mesures préventives pertinentes, notamment des règles d’aménagement, de construction et d’exploitation parasismiques se rapportant à tout projet de bâtiments, d’équipements et d’installations mais aussi de les faire appliquer.

Ces risques sont d’autant plus importants que la capitale Djibouti étant construite sur d’anciens alluvions de l’oued Ambouli (zone à partir du Palais de la Présidence et allant bien au-delà de l’aéroport) et sur des remblais rapportés (de la zone allant du Héron jusqu’au Palais de la Présidence), ceux-ci amplifient les vibrations provoquées par les séismes.

Les alluvions peuvent subir des phénomènes de solifluxion (1) en cas de fortes vibrations sismiques alors que les remblais trop récents et immergés peuvent être sujets à des tassements.

Contrairement à d’autres types de glissements de terrain tels que les coulées de boues après des pluies torrentielles ou les coulées de débris, le processus de solifluxion est graduel, voire imperceptible.

– Haïti, un Etat devenu faible et très vulnérable

Le pays est doté d’une administration dramatiquement faible, il est régulièrement confisqué depuis 200 ans par des dictateurs prédateurs et sanguinaires à la sauce Papa et Baby Doc ; les Duvalier et leur Police Politique, les Tontons Macoutes !

Après 30 années de dictature sanguinaire imposée par le clan de la « famille Duvalier », Haïti est entré en 1986 dans une période de fortes turbulences.

Les crises politiques à répétition, avec l’émergence d’ambitions des uns et des autres entrecoupées de coups d’Etat militaires sanglants ponctués par des sanctions internationales imposées aux régimes politiques qui se sont succédés à la tête de ce petit pays situé à quelques 80 km de Cuba.

La corruption gangrénant toutes les institutions, le pays s’est enfoncé plus encore dans la pauvreté avec une population qui a toujours eu comme première préoccupation le matin de réussir à avoir au moins un repas, un seul repas par jour.

Alors que les solutions existent depuis plus de 20 années avec les appareils de cuisson solaire – à financer pour majeure partie sur des fonds internationaux – on a laissé se produire une véritable catastrophe écologique dans le pays en laissant raser, un à un, tous les arbres et les arbustes des collines et des montagnes pour en faire du charbon de bois, indispensable à la cuisson des aliments de base.

Cette déforestation a accru la vulnérabilité du pays, souvent en première ligne en période de pluies, d’ouragans voire de cyclones qui se créent en ces régions de l’Atlantique entre les mois de juin et de novembre.

Comme nous le constations hélas à Djibouti, lorsque la pluie tombe en Haïti rien ne l’arrête et dans un paysage peu vallonné le flot meurtrier des inondations envahit certains quartiers de la capitale en balayant tout sur son passage.

– Sous l’action d’un séisme ou de fortes pluies, les masures sont prêtes à s’effondrer.

La capitale, Port au Prince, s’est étendue au fil des années avec des bidonvilles de plus en plus grands, faits de petites masures en pierres, cailloux, ou formées par un assemblage de matériaux hétéroclites surmontés de tôles ondulées récupérés çà et là pour s’abriter de la pluie comme du soleil.

Ne résistant pas aux fortes précipitations et encore bien moins aux inondations et aux cyclones, ces masures s’effondrent, une à une, tel un château de cartes alors qu’un tremblement de terre, comme celui de mardi, produit les mêmes effets.

-Haïti aujourd’hui !

L’armée ayant été dissoute et remplacée par 2000 policiers suite à l’insurrection de 2004, Haïti reste aujourd’hui sous assistance internationale avec la présence de 9000 casques bleus et policiers qui tentent de stabiliser le pays, dirigé par un gouvernement de transition.

L’absence d’un Etat fort sur le plan international place le pays sous assistance internationale (financière, politique et diplomatique).

La corruption étant omniprésente, Haïti est au fond d’un trou sans fin de pauvreté ; un puits sans fond pour les aides internationales.

Tout ceci profite à bien des malversations mais aussi au trafic de drogue, servant de plaque tournante entre l’Amérique latine et ses champs de coca et les Etats-Unis, premier acheteur et marché consommateur…

Plus de 80 % de la population haïtienne vit sous le seuil de pauvreté de 2 USD/jour, plus de 60 % a moins de 1 USD/jour.

Le chômage est estimé bien au-delà de 80 % alors que le PIB par habitant était de ….1300 USD en 2008, ce qui laisse à penser que « l’argent comme le pouvoir » sont exclusivement dans quelques mains.

Ceci nous rappelle étrangement la situation actuelle de Djibouti……mais « dormez en paix ! » car chacun sait que « Rien d’important ne s’y passe là bas » sous le régime d’Ismaïl Bobard !!!

L’âme déréglée de certains supposés humains qui n’ont point de limites est comme un tonneau percé à cause de leur nature insatiable !

Alors ayons cet ineffable courage d’agir en humain responsable si l’on ne veut pas un jour nous tourner vers ce que fut la capitale de Djibouti pour faire le constat d’une catastrophe similaire, voire bien pire comparativement à celle que subissent les populations haïtiennes.

(1)La solifluxion est le glissement de matériaux boueux ramollis par l’augmentation de leur teneur en eau liquide.