24/01/10 (B535) Communiqué d’Ali Abdillahi Iftin, membre du GED et candidat à la prochaine élection présidentielle, à propos de la visite du Président Sarkozy à Djibouti.

Nicolas Sarkozy, le président de la République française vient d’effectuer récemment une visite à Djibouti.

En tant que citoyen et membre du GED, je tiens à exprimer mon entière satisfaction. Même si la durée des entretiens a été très limitée, cette visite démontre l’intérêt de la France à l’égard de notre pays et de son peuple.

Dans notre région, où les tensions, les menaces et les rivalités sont multiples, il est rassurant pour tous les Djiboutiens de savoir que nous pouvons toujours compter sur l’amitié, l’aide et l’appui d’une grande puissance, comme la France.

Toutefois cette visite laisse planer des interrogations sérieuses dans un contexte où le Président Guelleh envisage de faire modifier la constitution pour briguer un troisième mandat, en dépit de l’opposition affirmée d’une grande majorité du Peuple. Même si ce n’était pas le but du Président Sarkozy, sa visite sera certainement interprétée par l’équipe au pouvoir, comme un soutien à son projet de viol de notre constitution.

L’amitié des Français est importante pour nous les Djiboutiens et nous l’apprécions.

Mais nous ne pouvons pas accepter que leur plus haut dirigeant apporte son soutien personnel à un Président qui a déjà volé à deux reprises le suffrage universel, qui a ruiné notre pays, son économie et l’espoir et les chances de notre jeunesse, qui a anéanti le bon fonctionnement des services publics (santé, éducation, emploi) et qui a réduit progressivement toutes les libertés (presse, expression, propriété privée), pour satisfaire des objectifs personnels d’enrichissement.

Cette visite du Président Sarkozy et ses déclarations à la sortie de son entretien, n’ont fait aucune référence aux aspirations légitimes du Peuple à vivre dans une démocratie.

Bien au contraire, la majorité de nos concitoyens ont vu dans cette visite, le soutien des dirigeants français à la pérennisation de la dictature et un coup d’arrêt aussi injuste que brutal aux espoirs que sa visite avaient suscités.

C’est l’image de la France qui a été ternie.

La population djiboutienne en pleine souffrance, privée de ses libertés les plus fondamentales, subissant la misère, vit quotidiennement sous la terreur qui est organisée par les dirigeants, avec le concours de certains organismes (SDS, …) depuis plus de 10 ans : elle ne comprend pas que la France puisse apporter, par la visite de son plus haut magistrat, son soutien à ce régime dictatorial.

Je le répète, dans son ensemble, la population djiboutienne aime la France : elle sait que son concours sera déterminant le jour où elle pourra se libérer de la dictature et retrouver les conditions démocratiques afin de renouer avec la Justice et le développement, mais elle ne peut pas accepter que ses plus haut-dirigeants apportent leur soutien personnel à ceux qui l’asservissent, l’appauvrissent et ruinent tous ses espoirs.

Tous les membres de l’opposition en exil (l’opposition intérieure étant pratiquement muselée et interdite de s’exprimer) et moi-même en tant que candidat à l’élection présidentielle de 2011 nous pensons qu’il aurait été indispensable que soient abordés, lors cette rencontre au sommet, des sujets ayant trait au fonctionnement démocratique, au respect des institutions et des libertés individuelles et aux droits de l’Homme, qui régissent le monde libre. Par exemple, en réservant un entretien à des personnalités de l’opposition et en particulier à M. Jean-Paul Noël Abdi, Président de la Ligue djiboutienne des Droits humains, le Président Sarkozy aurait fait un geste fort.

En le faisant, il aurait apporté son soutien aux Populations et non aux projets du dictateur de Djibouti de finaliser le coup d’Etat constitutionnel qu’il prépare pour s’auto-attribuer un troisième mandat, en contravention avec la Constitution à la rédaction de laquelle il a contribué en 1992.

Même si ce n’était pas dans les intentions de M. Sarkozy qui a montré, en limitant le temps de sa visite à quelques minutes, qu’il n’entendait pas être pris otage par Guelleh, il ne fait aucun doute que les services de propagande du pays, gérés sans aucune exception, depuis le Palais de l’Escale, vont travestir et transformer l’évènement en un soutien ferme de la France à la politique du dictateur en place.

En conclusion, j’espère que le Président français aura le souci de clarifier les motivations de sa visite et qu’il n’oubliera pas d’évoquer très prochainement la situation des populations et la nécessité de retrouver un fonctionnement démocratique en dénonçant fermement le projet de violation de notre constitution et en refusant tout soutien à l’équipe dirigeante actuelle.