26/01/10 (B535) Nouvels Obs avec AFP : L’Etat est condamné dans l’affaire Borrel

Le Conseil d’Etat a annulé une décision du ministre de la Justice refusant la protection statutaire à la veuve du juge Borrel pour « pression sur la justice ».

Selon une source judiciaire, le Conseil d’Etat a annulé une décision du ministre de la Justice refusant la protection statutaire à la veuve du juge Borrel, mort à Djibouti en 1995, pour « pression sur la justice », a-t-on appris mardi 26 janvier.

L’instruction vise l’ex-monsieur Afrique de l’Elysée, Michel de Bonnecorse. Le 28 décembre dernier, le Conseil a estimé que l’Etat, à travers la Garde des Sceaux Rachida Dati, avait une « obligation de protection ».

« Je présume, moi, qu’il s’est suicidé »

Ainsi l’Etat devait prendre à sa charge les frais de justice d’Elizabeth Borrel, dans la plainte qui l’oppose à Michel de Bonnecorse, ancien patron de la cellule Afrique de l’Elysée sous la présidence de Jacques Chirac. Le Conseil d’Etat accorde par ailleurs 3.000 euros à Elizabeth Borrel.

Cette dernière avait déposé plainte et obtenu, contre l’avis du parquet, l’ouverture d’une information judiciaire au sujet des déclarations de Michel de Bonnecorse. Il avait expliqué dans une interview à Jeune Afrique en 2007 que « contrairement à ceux qui préjugent de l’assassinat de Bernard Borrel sur ordre des autorités Djiboutiennes, je présume, moi, qu’il s’est suicidé ».

Au début de l’enquête sur la mort du juge Borrel, la thèse du suicide avait été privilégiée avant que de nouvelles expertises prouvent qu’il s’agissait d’un meurtre. Le procureur de la République de Paris avait officiellement retenu le 19 juin 2007 l’origine criminelle.

« Liberté de ton » du Conseil d’Etat

Dans ses conclusions devant le Conseil d’Etat, le rapporteur public a estimé qu’il est « manifeste » que Michel de Bonnecorse avait conscience d’exercer une pression par ses déclarations, et que « sa position donn(ait) un poids important à ses propos, et aurait dû l’inciter à porter particulière attention à l’obligation de mesure et de discrétion qui s’impose à tous les serviteurs de l’Etat, y compris les plus éminents ».

L’avocat d’Elisabeth Borrel, Me Olivier Morice, « le procureur de la République de Paris devrait s’inspirer de la liberté de ton et de l’indépendance du rapporteur public du Conseil d’Etat qui n’a pas craint de fustiger les pressions politiques du chef de la cellule africaine de l’Elysée dans l’affaire Borrel. »

Le rapporteur public constate également que « les progrès de l’instruction (sur la mort du juge Borrel, ndlr) sont tributaires de la coopération entre les autorités judiciaires française et djiboutienne, et plus généralement de la volonté et de la capacité de certains témoins à apporter leur concours à l’enquête.

Tentative de perquisition à l’Elysée

« Dans le contexte des informations judiciaires en cours, les déclarations de M. de Bonnecorse, réitérant avec force, depuis la présidence de la République, une version des faits qui est véhiculée depuis l’origine sans fondement sérieux, présentent le risque d’entraver cette coopération, et on ne peut exclure qu’elle soit interprétée comme un encouragement par ceux qui seraient tentés d’y faire obstacle ou de s’y dérober », juge-t-il.

Quelques jours après les déclarations de l’ancien patron de la cellule Afrique de l’Elysée, deux juges chargées d’une autre information judiciaire pour pression sur la justice en marge de l’affaire Borrel avaient tenté sans succès de perquisitionner à l’Elysée. En juillet 2007, elles avaient perquisitionné les domiciles parisien et provençal de Michel de Bonnecorse.