24/06/10 (B557) Suite de l’interview du président de l’ARD Ahmed Youssouf Houmed(deuxième et dernière partie) (Envoyée par l’ARD)

Deuxième partie de l’interview qui a trait aux situations politiques nationale et régionale.

Lien pour retrouver la 1°) partie : cliquez

« …Le noyau dur du R.P.P., afin de perdurer au pouvoir et s’enrichir, n’a aucun intérêt à la Paix et la bonne gouvernance…»

« …Injustice et répression, c’est les ingrédients et les facteurs déclenchant de toutes les insurrections ! »

Réalité : Pouvez-vous à présent nous faire une brève analyse de la situation à Djibouti qui a motivé cette Mobilisation Générale ?

Ahmed Youssouf Houmed : Je ne serai peut-être pas bref mais elle se caractérise par les points suivants :

– Sur le plan politique : une impasse totale essentiellement due à la violation unilatérale par la partie gouvernementale de l’Accord de Paix Définitive du 12 mai 2001 ! Sa dénonciation par nous en septembre 2005 faute de partenaire responsable a conduit à cette situation de ni guerre ni paix qui favorise le chaos que la Mobilisation Générale vise précisément à éviter et qui est pour l’instant le dernier recours légal et démocratique pour soigner la surdité et l’autisme politique dont souffre le gouvernement !

Il faut d’urgence mettre fin au cavalier seul et à la nuisance du R.P.P. car l’Union pour la Majorité Présidentielle n’est qu’un confetti de courants opportunistes du R.P.P., sans militants. sans objectif politique autre…que le soutien à un homme, le président, comme l’indique si bien sa dénomination ! Ce qui est vraiment court comme programme politique pour solliciter le soutien d’un peuple dont
l’avis sur le plébiscite est connu d’avance : un NON massif !!!

Les blocages au processus démocratique (dissolution par décret d’un parti légal, le M.R.D. sous un prétexte fallacieux, et refus de pacifier, clarifier et équilibrer les règles de la compétition électorale) viennent aggraver la reconduction des causes qui ont conduit au conflit civil dont le déni de citoyenneté, qui sert de justification à toutes les manipulations des statistiques démographiques, est le plus intolérable ! Il est devenu clair pour tout le monde aujourd’hui, que le noyau dur du R.P.P. afin de perdurer au pouvoir et s’enrichir, n’a aucun intérêt à la Paix ni à la bonne gouvernance…. Conscient qu’il est le plus grand perdant de cette situation, notre peuple est désormais mûr, prêt, déterminé et mobilisé pour y mettre pacifiquement et légalement fin !

– Sur le plan économique : le succès dont se gargarise le président est localisé et conjoncturel : seule la capitale et ses deux ports ont profité de la fulgurante progression du transit des marchandises vers l’Ethiopie voisine consécutive à la guerre entre l’Ethiopie et l’Erythrée et non au savoir-faire émirati que nous ne contestons pas, mais qui n’explique pas le boom des activités portuaires comme tente maladroitement de le faire croire le gouvernement.

Ce que par contre nous contestons, c’est l’opportunité de confier la gestion du port à un opérateur étranger : si l’Etat-RPP a été incapable de gérer ce levier de développement économique, on aurait très bien pu en confier la gestion à notre chambre de commerce à l’instar d’autres pays ; mais ce que nous trouvons inadmissible c’est l’opacité du contrat de gestion, qui lui, explique sans doute en grande partie, le fulgurant enrichissement sans cause du président et de ses proches…

Quant à la manne financière générée par la présence des troupes militaires américaines, françaises, japonaises…son impact sur le développement humain est quasi nul comme l’indique la couleur rouge des indicateurs du développement humain, la dangereuse progression de la pauvreté extrême et le poids chaque mois plus lourd du chômage…

– C’est sur le plan social que la situation est devenue aujourd’hui, conjuguée aux effets néfastes de l’impasse politique et l’injuste redistribution des richesses nationales, insurrectionnelle ! Il n’y a plus de classe moyenne, il y a de plus en plus de pauvres qui s’appauvrissent, et une extrême minorité de riches qui s’enrichit de plus en plus !

Ajoutez à cela l’honteux état d’abandon des trois-quarts du territoire national après trente trois ans d’indépendance que la réhabilitation et la décentralisation visaient à corriger. D’autre part, ce n’est plus d’une fracture sociale dont parlait le président il y a deux ans qu’il s’agit aujourd’hui, mais on est en présence de deux sociétés qui ne peuvent plus dans ces conditions coexister pacifiquement : une oligarchie excluant l’écrasante majorité, du pouvoir, des richesses nationales et d’accès aux soins et à l’éducation surtout dans les régions de l’intérieur !

Les droits syndicaux sont bafoués au grand jour et vaut à notre pays les condamnations récurrentes du B.I.T. et de la Confédération Syndicale Internationale…Injustice et répression, c’est les ingrédients et les facteurs déclenchant de toutes les insurrections !

Réalité : Passons si vous le voulez bien à la situation régionale, avec un Accord de Paix en cours au nord avec l’Erythrée et une situation qui s’aggrave en Somalie…

A.Y.H. : Nous l’appellerons Accord de Paix quand il sera concrétisé !

Pour nous cela signifie que les belligérants identifient les causes du conflit, et œuvrent de concert à en traiter les causes et conséquences. Nous n’en sommes pas là, il s’agit pour le moment d’une initiative heureuse de médiation de l’émir du Qatar que l’A.R.D. accueille favorablement ! Mais quand on connait la propension du gouvernement djiboutien à fouler aux pieds tous ses engagements nationaux et internationaux, la prudence reste de mise… !

Quant à la Somalie, il est grand temps que la communauté internationale tire une bonne fois pour toutes, les leçons de ses échecs successifs ! Nul besoin d’être expert de la question, ce que je ne suis d’ailleurs pas, pour conclure que la solution à ce drame qui nous attriste, ne peut venir que des seuls Somaliens et non de députés « élus » nommant un gouvernement, à Djibouti, Nairobi ou ailleurs, pour régner sur un vaste territoire contrôlé par des milices armées à ce jour inexpugnables… Il serait d’ailleurs plus convenable de parler de Somalies au pluriel…

Notre position sur ce sujet est restée inchangée depuis 1992.

L’A.R.D. qui est la transformation en parti politique d’une résistance armée et civile (F.U.O.D.), continue, comme les regrettés Cheiko et mon prédécesseur, à plaider pour une reconnaissance et un renforcement des entités somaliennes existantes et vivant en paix comme un début de solution : Le Somaliland pour ne citer que cet exemple, connait une paix et un développement que ne connait malheureusement pas notre pays en trente trois ans d’indépendance !

La prévention du terrorisme et une lutte efficace contre la piraterie ainsi que la stabilité régionale passe à nos yeux par là ! La politique régionale du R.P.P. et du gouvernement djiboutien, par ses ingérences récurrentes dans les affaires intérieures de tous ses voisins, constitue un facteur évident de déstabilisation régionale…

Réalité : Quel rôle jouent les puissances militairement présentes sur le sol national pour la Paix civile à Djibouti et la stabilité politique dans la région ?

A.Y.H. : Pour le moment leur rôle en faveur d’une paix civile à Djibouti est insignifiant, le constat fait par un journaliste indépendant de « the London Times » est accablant : « La C.I.A. se livre à partir de Djibouti à une guerre secrète contre El-Quaeda…La présence de tant d’Américains aux côtés de Français, Allemands, Japonais…génère des revenus substantiels dilapidés, les rues de Djibouti sont bondés de chômeurs mâchant le khat… » ; Pire, leur silence complaisant fonctionne pour le pouvoir comme une incitation à poursuivre une politique nuisible à tous points de vue à la paix… et donc à leurs intérêts !

Mais elles ne sauraient garder plus longtemps ce silence dès lors que le peuple se lève pour reconquérir ses droits, malgré l’inévitable répression.

Djibouti entrerait alors dans un engrenage difficilement maitrisable de violences politiques qui mettrait directement en cause leurs intérêts et elles ne pourront sauf à les mettre en péril, soutenir une dictature contre un peuple déterminé et pacifique…Nous les invitons donc à prendre leurs dispositions pour jouer dès la rentrée, un rôle à la mesure de leur rang et de leurs missions de paix et de développement, car en 2011…il sera trop tard !!!

Dans la région, il semblerait qu’elles privilégient la guerre contre le terrorisme à une prévention efficace qui serait pourtant financièrement et militairement moins coûteuse, mais il ne faut pas désespérer de les voir corriger leurs erreurs…