22/07/10 (B561) LDDH :Les autorités burundaises se doivent de libérer Jean-Claude Kavumbagu.



Le Président

DIFFUSION D’INFORMATION DU 21JUILLET 2010

Les autorités burundaises se doivent de libérerJean-Claude Kavumbagu, un journaliste arrêté pour trahison le 17 juillet, déclarent aujourd’hui le Comité pour la protection des journalistes, l’East and Horn of Africa Human Rights Defenders Project (le Projet des défenseurs des droits de l’homme de l’Est et de la Corne de l’Afrique) et Human Rights Watch.

L’arrestation porte atteinte au
droit à la liberté d’expression de ce journaliste, affirment les trois
organisations.

« que « l’inquiétude était réelle à Bujumbura et tous ceux qui ont appris [les
attentats] hier
à Kampala étaient convaincus que si les miliciens Shebbab voulaient tenter
"quelque chose" dans notre pays, ils réussiraient avec une facilité
déconcertante tellement nos forces de défense et de sécurité brillent plus par leur capacité à
piller et à tuer leurs compatriotes qu’à défendre notre pays ».

Article de KAVUMBAGU

Pour publication immédiate
Burundi : trois organisations demandent la libération d’un journaliste détenu
pour trahison

Les autorités burundaises se doivent de libérer
Jean-Claude Kavumbagu, un journaliste arrêté pour trahison le 17 juillet,
déclarent aujourd’hui le Comité pour la protection des journalistes, l’East and
Horn of Africa Human Rights Defenders Project (le Projet des défenseurs des
droits de l’homme de l’Est et de la Corne de l’Afrique) et Human Rights Watch.
L’arrestation porte atteinte au droit à la liberté d’expression de ce
journaliste, affirment les trois organisations.

Kavumbagu, rédacteur en chef de Net Press, un journal en ligne, aurait été
arrêté en raison d’un article publié le 12 juillet dans lequel il critiquait les
forces de sécurité burundaises et mettait en doute leur capacité à défendre le
pays contre une éventuelle attaque. L’article faisait suite aux attentats
perpétrés le 11 juillet à Kampala, en Ouganda, et aux menaces proférées par le
groupe d’insurgés somaliens Shebbab contre le Burundi du fait de la présence de
troupes burundaises au sein de la mission de l’Union africaine en Somalie
(AMISOM).

« L’arrestation de Kavumbagu marque un recul considérable pour la liberté
d’expression au Burundi », a déclaré Rona Peligal, directrice de la division
Afrique de Human Rights Watch. « Sa détention prolongée et les poursuites dont
il fait l’objet font l’effet d’une douche froide, laissant entendre qu’aucune
critique des forces de sécurité n’est tolérée.

Les poursuites devraient être
abandonnées sur-le-champ. »

Dans son article, Kavumbagu écrivait que « l’inquiétude était réelle à Bujumbura
et tous ceux qui ont appris [les attentats] hier à Kampala étaient convaincus
que si les miliciens Shebbab voulaient tenter "quelque chose" dans notre pays,
ils réussiraient avec une facilité déconcertante tellement nos forces de défense
et de sécurité brillent plus par leur capacité à piller et à tuer leurs
compatriotes qu’à défendre notre pays ».

Les autorités accusent Kavumbagu de trahison au sens de l’article 570 du code
pénal burundais, qui interdit à tout Burundais « en temps de guerre [de
participer] sciemment à une entreprise de démoralisation de l’Armée ou de la
Nation ayant pour objet de nuire à la défense nationale ».

La trahison est punie
d’un emprisonnement à perpétuité.

Les autorités n’ont fourni à l’avocat de Kavumbagu aucune explication sur la
manière dont son article aurait pour objet de nuire à la sécurité nationale.
Elles n’ont pas non plus déclaré explicitement que le Burundi se trouve « en
temps de guerre » pour justifier le chef d’inculpation de trahison telle que
définie dans le code pénal. L’avocat de Kavumbagu n’était pas présent lors de
son interrogatoire.

« Le dynamisme de la presse burundaise est mis à mal chaque fois que les
autorités s’en prennent à des journalistes pour la simple raison qu’ils émettent
une opinion provocatrice ou impopulaire parmi les instances gouvernementales »,
a déclaré Tom Rhodes, consultant Afrique de l’Est pour le Comité pour la
protection des journalistes.

« Il est impératif que le gouvernement inverse
cette tendance. »

Au moment de l’inculpation de Kavumbagu, le magistrat a ordonné sa détention
provisoire, sans aucune explication. En vertu de l’article 71 du code de
procédure pénale du Burundi, la détention préventive ne peut être ordonnée que
si elle constitue l’unique moyen de conserver les preuves, de préserver l’ordre
public, de protéger l’inculpé, de mettre fin à l’infraction ou de prévenir son
renouvellement, ou de garantir le maintien de l’inculpé à la disposition de la
justice.

Le Comité pour la protection des journalistes, l’East and Horn of Africa Human
Rights Defenders Project et Human Rights Watch
ont déclaré que les critiques
émises par Kavumbagu concernant les forces de sécurité constituent un discours
protégé par le droit international qui ne devrait pas être passible de sanctions
pénales. En vertu du Pacte international relatif aux droits civils et
politiques, dont le Burundi est partie, les limitations à la liberté
d’expression pour des raisons de sécurité nationale doivent être prévues par la
loi et strictement nécessaires et proportionnelles à l’objectif recherché.

Les Principes de Johannesburg relatifs à la sécurité nationale, à la liberté
d’expression et à l’accès à l’information, formulés par des experts de la
liberté d’expression en 1996 et approuvés par le Conseil des droits de l’homme
des Nations Unies, prévoient que toute loi qui restreindrait la liberté
d’expression « doit être accessible, sans ambigüités, écrite de manière précise
et étroite de façon à permettre aux individus de savoir si une action précise
est illégale ».

Par ailleurs, « [n]ul ne peut être puni pour avoir critiqué ou
insulté la nation, l’État ou ses symboles, le gouvernement, ses institutions ou
ses fonctionnaires à moins que la critique ou l’insulte ne soit destinée à
inciter à la violence imminente ».

« Jean-Claude Kavumbagu doit être libéré sur-le-champ », a déclaré Hassan Shire
Sheikh, directeur exécutif de l’East and Horn of Africa Human Rights Defenders
Project. « La situation sécuritaire tant au Burundi qu’en Afrique de l’Est en
général ne peut servir de prétexte pour porter atteinte aux principes
fondamentaux de la liberté d’expression ou pour faire reculer les efforts de
décriminalisation du délit de presse à travers le monde. »

Contexte
Kavumbagu a été arrêté vers midi le 17 juillet par le colonel David Nikiza, qui
s’était rendu à son bureau muni d’un mandat d’amener délivré par le bureau du
procureur de Bujumbura. Kavumbagu a été conduit devant un magistrat pour être
interrogé.

L’interrogatoire a principalement porté sur un article de Kavumbagu dans lequel
il affirmait que le Burundi était vulnérable aux miliciens Shebbab. Le jour de
la parution de l’article, Sheikh Ali Mohamed Raghe, du mouvement Shebbab, a
déclaré aux journalistes que le Burundi serait attaqué s’il ne retirait pas ses
forces de Somalie.

Au bout de deux heures d’interrogatoire, Kavumbagu a été inculpé de trahison et
immédiatement transféré à la prison de Mpimba, à Bujumbura.
Des organisations médiatiques du Burundi et de la région, dont l’Union
burundaise des journalistes et l’Association des journalistes de l’Afrique de
l’Est, ont condamné cette arrestation.

Le Burundi est souvent reconnu pour le dynamisme de ses médias, qui comprennent
plus d’une douzaine de stations de radio privées, une chaîne de télévision
privée et plusieurs journaux, dont beaucoup expriment des opinions critiques à
l’égard du gouvernement.

Des journalistes y ont cependant été arrêtés de manière
arbitraire, harcelés ou menacés à de nombreuses reprises.

En avril 2006, trente journalistes avaient été brièvement détenus par la police
lors d’une conférence de presse organisée chez un ancien député. En juin 2006,
Aloys Kabura, de l’Agence burundaise de presse, avait été condamné à cinq mois
d’emprisonnement pour diffamation après avoir remis en cause, au cours d’une
conversation privée dans un bar, le comportement de la police lors des
événements d’avril. En novembre 2006, trois autres journalistes – Serge Nibizi
et Domitille Kiramvu de la Radio Publique Africaine et Mathias Manirakiza de
Radio Isanganiro – avaient tous été détenus pour atteintes présumées à la
sécurité nationale du pays. Ils ont été jugés et acquittés en janvier 2007.

Kavumbagu a déjà été arrêté à cinq autres reprises.

La dernière fois, qui
remonte à 2008, il a été mis en détention provisoire pendant sept mois pour
diffamation après avoir publié un article accusant le Président Pierre
Nkurunziza d’avoir détourné des fonds publics lors des Jeux olympiques de 2008
en Chine. Kavumbagu a été jugé et acquitté en mars 2009, bien que le procureur
ait fait appel contre son acquittement, et ce dossier n’a toujours pas été clos.

Ces derniers mois, plusieurs journalistes burundais ont été battus ou menacés
par la police ou des militants de partis politiques alors qu’ils couvraient les
élections. Dans d’autres cas, des défenseurs des droits de l’homme, dont des
membres de trois organisations burundaises, à savoir l’Association pour la
protection des droits humains et des personnes détenues (APRODH), le Forum pour
le renforcement de la société civile (FORSC) et l’Observatoire de lutte contre
la corruption et les malversations économiques (OLUCOME), ont été menacés ou
soumis à une surveillance après avoir critiqué le gouvernement.

Une chercheuse de Human Rights Watch, Neela Ghoshal, a été expulsée du Burundi
en mai dernier suite à la publication par Human Rights Watch d’un rapport sur la
violence préélectorale. Le gouvernement a estimé que le rapport avait pour
objectif de dénigrer l’image des forces de sécurité.

Pour consulter d’autres communiqués et rapports de Human Rights Watch sur le
Burundi, veuillez suivre le lien :
http://www.hrw.org/fr/africa/burundi

Pour en savoir davantage sur les travaux menés au Burundi par le Comité pour la
protection des journalistes, veuillez consulter :
http://cpj.org/africa/burundi/

Pour de plus amples informations, veuillez contacter :

À Nairobi, pour le Comité pour la protection des journalistes,
Tom Rhodes
(anglais) : +254-715-822-165

À Kampala, pour l’East and Horn of Africa Human Rights Defenders Project,
Laetitia Bader (anglais, français) : +256-(0)-775-141-756 (portable)

À Kampala, pour Human Rights Watch, Neela Ghoshal (anglais, français) :
+256-718-705-903 (portable)

À New York, pour Human Rights Watch, Rona Peligal (anglais) : +1-212-216-1232 ;
ou +1-917-363-3893 (portable)

À Washington, pour Human Rights Watch, Jonathan Elliott (anglais, français) :
+1-917-379-0713 (portable)