14/08/10 (B565) Nouvelles de Somalie – Vague de condamnations après l’interdiction imposée à trois ONG chrétiennes – L’Ethiopie envisage l’envoi de troupes en Somalie – Attentats de Kampala : tout le commando arrêté selon les services ougandais – Condamnation de l’interdiction imposée aux agences humanitaires – Impasse militaire en Somalie ? (5 articles)

_________________ 5 – Kipa-Apic

Somalie: Vague de condamnations après l’interdiction imposée à trois ONG chrétiennes

Deux d’entre elles rejettent les accusations de prosélytisme

Les Organisations non gouvernementales (ONG) chrétiennes, World Vision et ADRA, ont rejeté en bloc, les accusations de prosélytisme qui leur ont été faites par les shebab, mouvement islamiste rebelle de Somalie, pour leur interdire d’activités dans le pays.

Les autorités somaliennes, la société civile locale et les populations bénéficiaires, ont unanimement condamné cette mesure, a rapporté IRIN, le Réseau d’information régionale intégrée de l’ONU.

_________________ 4 – Afrique Avenir

L’Ethiopie envisage l’envoi de troupes en Somalie

Le Premier ministre éthiopien, Meles Zenawi, a annoncé mercredi l’envoi de troupes éthiopiennes en Somalie s’il s’avère que la Mission de l’Union Africaine en Somalie (AMISOM) est compromise dans son déploiement sur le terrain.

« Si la vie des forces de maintien de la paix de l’AMISOM est en danger, et que celle-ci nous demande des renforts, nous n’hésiterons pas à dépêcher des troupes en Somalie », a dit Zenawi à la presse à Addis Abeba. Il a toute fois précisé que l’envoi de soldats éthiopiens en Somalie n’est pour le moment qu’une simple hypothèse .

L’Ethiopie avait envoyé des troupes en Somalie en 2007 et avait chassé du pouvoir au bout de deux semaines, l’Union des Tribunaux Islamiques (UIC) , après que celle-ci eut déclaré la guerre sainte (Jihad) à l’Ethiopie. Le retrait du contingent éthiopien intervenu deux années plus tard, était consécutif au déploiement de l’AMISOM en Somalie.

Depuis lors, l’Ethiopie a toujours maintenu sa décision de ne pas envoyer ses troupes en Somalie dans le cadre de cette mission.

Par ailleurs, le Premier ministre éthiopien a estimé que son pays est déterminé à soutenir les forces de l’AMISOM si elles sont en danger et à la demande de l’Union Africaine.

Actuellement, les troupes en Somalie sont fortes d’environ 5.000 hommes en provenance de l’Ouganda et du Burundi. Elles ont pour mission d’aider le Gouvernement Fédéral de Transition somalien (TFG) à stabiliser ce pays, qui n’a pas connu un gouvernement central stable au cours des 19 années écoulées.

Evoquant la proposition de certains pays d’initier des pourparlers de paix avec les milices d’Al Shabab pour résoudre la crise somalienne, M. Zenawi a dit que « toute négociation avec les milices d’Al Shabab risquerait de porter préjudice à la stabilité dans la sous-région ».

Il a également laissé entendre que l’Ethiopie est toujours en état d’alerte afin de faire face à une éventuelle attaque des factions armées d’Al Shabab.

Le mois dernier, des miliciens d’Al Shabab s’en étaient pris à un restaurant éthiopien à Kampala, la capitale ougandaise où plus de 70 personnes avaient été tuées alors qu’elles suivaient la retransmission de la finale de la coupe du monde


_________________ 3 – AFP

Attentats de Kampala: tout le commando arrêté selon les services ougandais

De Ben SIMON

Les autorités ougandaises ont affirmé jeudi avoir arrêté tous les responsables des attentats meurtriers de Kampala, exhibant à la presse les quatre suspects, dont l’un a expliqué avoir agi par « haine » des Américains.

Le 11 juillet, deux attentats suicide avaient visé dans la capitale ougandaise un restaurant éthiopien et le bar d’un club de rugby qui retransmettaient la finale de la Coupe du monde de football, tuant 76 personnes.

« Nous avions promis au public de pourchasser les coupables (…), nous avons tenu notre promesse. Nous avons appréhendé tous les responsables qui ont planifié et exécuté ces lâches attaques », a affirmé le général James Mugira, chef des renseignements militaires ougandais.

Quatre hommes, tous de nationalité ougandaise, ont été présentés aux journalistes.

« J’ai rejoint les shebab en 2009 », a raconté Issa Ahmed Ruyima, 33 ans, présenté comme le « chef du groupe », qui affirme aujourd’hui regretter « la perte de vies innocentes ».

A la tête de cette « première et unique cellule shebab infiltrée » en Ouganda, il explique avoir agi « par haine des Américains, responsables de toutes les souffrances des musulmans dans le monde ».

« Ce sont eux qui ont installé le TFG (gouvernement de transition) en Somalie pour empêcher la formation d’un Etat islamique, comme ils ont mis (le président Hamid) Karzaï en Afghanistan (…) », a-t-il accusé.

« J’ai été manipulé dans cette affaire », a assuré un autre suspect, Idris Nsubuga, qui révélé que les deux kamikazes étaient de nationalité somalienne et kényane.

Un autre membre du groupe, Hassan Ruyima, 27 ans, est le jeune frère du chef Issa Ahmed Ruyima.

Le quatrième suspect se nomme Mohamed Mugisha, 24 ans, l’un des cinq Ougandais combattant habituellement dans les rangs des shebab en Somalie, selon les services secrets ougandais.

Les shebab somaliens, liés à Al-Qaïda, avaient revendiqué ces attaques et affirmé avoir agi en représailles à la participation de l’Ouganda à la force de l’Union africaine en Somalie (Amisom) déployée à Mogadiscio.

Les shebab veulent renverser le gouvernement du président Sharif Cheikh Ahmed, un islamiste modéré élu en janvier 2009. Ce gouvernement ne contrôle qu’une petite partie de Mogadiscio et ne doit sa survie qu’à l’appui des 6.000 soldats burundais et ougandais de l’Amisom.

« Il y a quelques jours, trois Kényans ont été inculpés » pour leur implication dans la planification et la logistique des attentats, a rappelé le patron des services de renseignements militaires.

Au lendemain des attentats, la police avait découvert dans une discothèque de Kampala une veste d’explosifs rangée dans la sacoche d’un ordinateur portable, avec un téléphone portable. Ce téléphone avait conduit à l’arrestation des trois suspects kényans.
Issa Ahmed Ruyima, chef présumé du commando, a raconté avoir combattu dans plusieurs régions de Somalie avec les Shebab, avant de se voir confier sa mission.

Arrivé à Kampala via Mombasa (Kenya), il s’installe dans une maison de la capitale, choisie par Mohammed Mugisha, alors patron de l’opération. L’endroit n’est cependant pas sûr, selon Issa, qui remplace Mugisha à la tête du complot.

« Son rôle s’est terminé là. Tout s’est ensuite passé sous ma responsabilité: recevoir le matériel, et plus tard accueillir les candidats au suicide ». « J’ai fait quelques courses à Nairobi », pour y collecter notamment de l’argent.

Plusieurs complices ayant refusé de passer à l’action, Issa affirme avoir dû recruter son frère Hassan et un ami, Idris. « Ils ne pouvaient pas refuser ce que je leur demandais, même si ils n’appartenaient pas à notre cellule shebab ».

Idris est chargé par Issa de conduire l’un des kamikazes au Rugby club. Issa dit également avoir choisi comme cible le restaurant éthiopien car « les Ethiopiens sont aussi nos ennemis ».

_________________ 2 – IRIN (Nations unies)

SOMALIE: Condamnation de l’interdiction imposée aux agences humanitaires

Les responsables du gouvernement, les bénéficiaires de l’aide et les travailleurs humanitaires du centre-sud de la Somalie ont condamné l’interdiction d’exercer imposée à trois organisations humanitaires par le groupe islamiste Al Shabab, qui contrôle la majeure partie de la région.

« Absolument rien n’excuse un tel acte », a dit à IRIN Abdi Haji Gobdon, conseiller médias du Premier ministre Omar Abdirashid Ali Sharmarke, le 10 août. « Ces organismes sont venus aider les milliers de personnes qui ont besoin de leur aide. C’est une preuve, s’il en fallait une, du mépris d’Al Shabab pour le bien et le bien-être du peuple somalien. Ils s’en moquent, tout simplement ».

Dans un communiqué publié à Mogadiscio le 9 août, Al Shabab accusait World Vision, l’Adventist Development and Relief Agency (ADRA) et Diakonia de prosélytisme.

« Ces trois organismes, qui, sous [le couvert de] l’aide humanitaire, jouent le rôle de missionnaires, répandent leurs idéologies corrompues dans le but d’entacher la croyance pure du peuple musulman de Somalie », a déclaré le groupe. « Nous avertissons les autres organismes locaux qu’ils ne doivent ni reprendre les opérations des organisations qui font l’objet de cette interdiction, ni s’associer secrètement à celles-ci sous peine de se voir infliger les mesures disciplinaires appropriées ».

« Il ne convient pas de chasser les organisations humanitaires venues jusqu’ici, en Somalie, pour aider les populations dans le besoin. Le peuple somalien a besoin d’urgence de recevoir davantage de secours ; j’appelle Al Shabab à ne pas faire obstacle à ceux qui souhaitent aider notre peuple », a dit à IRIN, en réaction à l’interdiction, Mohamed Ali, une personne déplacée vivant à Km 13, une banlieue de Mogadiscio.

Toutefois, pour Asha Abukar, une autre personne déplacée, qui vit à Baidoa, dans la région de Bay, l’interdiction ne changera rien.

« J’ai fui Mogadiscio avec ma famille il y a six semaines ; qu’Al Shabab interdise ou non la présence d’organisations humanitaires ne changera rien pour les populations somaliennes vulnérables, qui souffrent, comme moi, et ne reçoivent visiblement aucune aide », a-t-elle dit. « Déjà, de nombreuses [personnes déplacées] vivent dans des conditions déplorables, alors que la présence des organismes soit interdite ou non, cela n’a aucune conséquence pour nous ».

« Accusées à tort »

Dans un communiqué publié le 9 août, World Vision se dit « surpris et déçu » de la décision d’Al Shabab, fondée, selon l’organisme, sur des accusations fallacieuses.

« World Vision est un organisme chrétien, motivé par sa foi à aider les enfants, les familles et les communautés qui vivent dans la pauvreté, mais l’organisme s’est également doté de politiques interdisant spécifiquement le prosélytisme ; il est également signataire du Code de conduite de la Croix-Rouge, qui garantit une distribution impartiale de l’aide », a déclaré l’organisme. « La décision de mettre fin aux opérations de l’organisme en Somalie est malheureuse, en particulier à l’heure où plus de 3,6 millions de personnes ont besoin d’aide humanitaire d’urgence, en Somalie. Parmi les personnes dans le besoin, 700 000 sont des enfants ».

L’organisme, qui opère en Somalie depuis 18 ans, a dit avoir suspendu ses opérations dans les régions touchées en préparation des prochaines mesures.

Selon l’ADRA, qui a également nié les accusations de prosélytisme formulées à son endroit, l’interdiction aura des répercussions négatives sur au moins 180 000 personnes, dans les régions de Bakool, Bay et Hiiraan, où l’organisme construisait et réhabilitait des puits, assurait une aide aux moyens de subsistance et s’efforçait d’améliorer l’accès des populations à l’éducation.

Le 10 août, Diakonia, organisme international d’aide au développement fondé conjointement par cinq églises suédoises, n’avait quant à lui pas encore réagi à l’interdiction.

Les associations de la société civile ont également condamné l’interdiction et appelé les parties prenantes au conflit à permettre aux organisations humanitaires de se rendre auprès des populations dans le besoin. Al Shabab et Hisbul Islam continuent de combattre les soldats du gouvernement à Mogadiscio, provoquant le déplacement de centaines de milliers d’habitants.

L’interdiction ne fera qu’aggraver la situation des populations les plus vulnérables, selon une source de la société civile à Mogadiscio. « Ce sont les gens qui n’ont pas de travail, n’ont pas d’autre moyen de gagner leur vie et vivent dans la rue, pour la plupart. Que se passe-t-il quand on les prive du peu d’aide qu’ils recevaient ? Ils [les civils] sont livrés à eux-mêmes. C’est l’histoire de la Somalie », a-t-il déploré, appelant Al Shabab à autoriser la présence de tout organisme souhaitant aider les populations vulnérables.

« S’ils ont ne serait-ce qu’une once d’humanité, ils autoriseront la présence de quiconque souhaite aider leurs frères et leurs sœurs », a-t-il ajouté.

L’interdiction décrétée par Al Shabab est intervenue alors que les Nations Unies annonçaient le renforcement prévu de leur présence en Somalie.

__________________ 1 – Libération – Posts Afrique

Impasse militaire en Somalie ?

Par Sabine Cessou

Depuis l’échec de l’opération Restore Hope, lancée en décembre 1992 par les Etats-Unis en Somalie, les puissances occidentales ne veulent plus se risquer dans le non-Etat le plus violent d’Afrique. La situation a tellement pourri, depuis la fin de la guerre froide et la chute, en 1991, du dictateur somalien Siad Barré (d’abord soutenu par l’URSS, puis par les Etats-Unis), qu’on voit mal, aujourd’hui, comment endiguer la violence somalienne.

Une violence d’autant plus inquiétante qu’elle prend un caractère «global», avec la présence de combattants irakiens, afghans, pakistanais et iraniens en territoire somalien. Un double attentat qui a fait 76 morts, le 11 juillet en Ouganda, a été revendiqué par la milice extrêmiste des Shebabs, qui a prêté allégeance à Al-Qaeda. La guérilla, devenue un mode de vie dans les années 1990 en Somalie, a trouvé avec Al-Qaeda une justification idéologique.

Les Etats-Unis, aujourd’hui, plaident pour le renfort de troupes africaines de l’Afrisom en Somalie, qu’ils sont prêts à financer. Lors d’un sommet de l’Union africaine (UA) qui s’est tenu du 19 au 27 juillet à Kampala, les chefs d’Etat africains ont promis d’envoyer 4 000 hommes, pour renforcer les 6000 soldats ougandais et burundais déjà présents en Somalie. Leur mission : protéger un gouvernement de transition qui ne dispose d’aucune marge de manoeuvre, sur un territoire réduit à une partie de la capitale, Mogadiscio.

Certains experts redoutent déjà les effets contreproductifs d’un tel effort. «Les dirigeants africains rêvent les yeux ouverts», dénonce Zakaria Mohamed Haji Abdi, de l’Alliance pour la relibération de la Somalie (ARS), un groupe qui s’est opposé à l’intervention militaire de l’Ethiopie, entre 2006 et 2009. «La solution militaire a été tentée, et elle a échoué, poursuit-il. Le temps du dialogue est venu.»

Une position que partage Roland Marchal, du Centre d’études et de recherches internationales (Ceri), à Paris. «Dans le contexte actuel, les progrès sont mesurés en fonction du nombre de soldats et de miliciens tués». Roland Marchal préconise l’instauration d’un panel de vieux policiens musulmans et d’Occidentaux, pour tenter un processus de réconciliation comprenant toutes les forces en présence, les Shebabs compris. Mais peut-on discuter avec un groupe qui revendique son appartenance à Al-Qaeda ?

Selon Emmanuel Kisiangani, chercheur à l’Institute for Global Dialogue(IGD), basé en Afrique du Sud, la communauté internationale devrait se montrer prête à reconnaître tout gouvernement paraissant acceptable aux Somaliens, quel que soit le profil de ses dirigeants. «Il faut comprendre que les politiques actuelles et passées en Somalie ont renforcé l’extrêmisme religieux, de même que la méfiance à l’égard de l’Occident», rappelle-t-il. En Afrique du Sud, des voix s’élèvent contre toute implication militaire en Somalie, par crainte d’éventuels attentats.