24/09/10 (B570) Yémen Express – la menace d’Al-Qaïda s’amplifie, l’aide se fait attendre (1 article)

__________________ 1 – AFP

Yémen: la menace d’Al-Qaïda s’amplifie, l’aide se fait attendre

Wissam KEYROUZ

Huit mois après sa création dans le but de soutenir Sanaa face à Al-Qaïda, le forum des "Amis du Yémen" se réunit vendredi à New York alors que la menace du réseau d’Oussama ben Laden s’intensifie et que les aides promises se font attendre.

C’est la revendication par Al-Qaïda au Yémen de la tentative d’attentat de Noël dernier contre un avion de ligne américain entre Amsterdam et Detroit qui avait précipité la constitution de ce forum. Mais depuis, Al-Qaïda s’est montré de plus en plus agressif et ses militants affrontent désormais ouvertement l’armée yéménite dans le sud du pays.

"Depuis la dernière réunion des Amis du Yémen en janvier à Londres, les développements ont clairement pris une tournure négative", estime Nicole Stracke, analyste au Gulf Research Center basé à Dubaï.

"L’état de la sécurité se détériore, notamment dans le sud du Yémen, et la crise économique au Yémen s’aggrave", ajoute-t-elle.

"Al-Qaïda est devenue plus puissante depuis le début de l’année, et a changé de stratégie au cours des derniers mois, en menant notamment des attaques bien préparées contre les institutions militaires et sécuritaires", précise-t-elle.

L’armée yéménite est ainsi engagée depuis près d’une semaine dans des combats contre des militants présumés d’Al-Qaïda retranchés dans la ville de Houta (sud-est), après avoir conduit une bataille rangée pendant cinq jours contre des partisans du réseau dans une autre ville sudiste, Loder.

Al-Qaïda dans la péninsule arabique (Aqpa) a également revendiqué la semaine dernière, pour la première fois, l’enlèvement d’un haut responsable de la sécurité dans le nord du Yémen et avait revendiqué en avril un attentat manqué contre l’ambassadeur britannique au Yémen.

La réunion de New York doit "évaluer les progrès enregistrés depuis celle de janvier", selon un communiqué conjoint de ses co-présidents, le Yémen, l’Arabie saoudite et la Grande-Bretagne.

Jusqu’à présent, les pays donateurs n’ont versé que 15% d’une aide de 5,7 milliards de dollars promise en 2006 à Londres, selon le ministre yéménite des Affaires étrangères Abou Bakr al-Kourbi.

Les monarchies pétrolières du Golfe devaient à elles seules verser 2,5 milliards de dollars de cette somme.

"Les pays du Golfe ne veulent pas fournir une aide budgétaire au gouvernement yéménite, de crainte qu’elle ne soit utilisée à d’autres fins", estime Neil Partrick, consultant spécialisé dans le Golfe.

"Ils imposent des critères stricts qui exigent une capacité de planification de projets identifiables que Sanaa ne possède pas", ajoute-t-il.

Le principal dirigeant sudiste yéménite en exil, Ali Salem al-Baid, qui réclame l’indépendance du Sud, a pour sa part appelé les "Amis du Yémen" à "surveiller l’utilisation des fonds" afin que Sanaa ne les détourne pour acheter "des armes dirigées contre les habitants du Sud".

Il a accusé dans un communiqué publié jeudi le président Ali Abdallah Saleh d’exagérer sciemment la menace d’Al-Qaïda dans le pays "pour obtenir l’appui des pays occidentaux et des aides financières".

Un avis partagé par Mohammad Zahir, professeur de sciences politiques à l’Université de Sanaa, selon lequel "le gouvernement tente d’exagérer la menace d’Al-Qaïda et de créer des épouvantails pour obtenir des aides étrangères et conforter sa position".

"Le véritable problème au Yémen n’est pas Al-Qaïda mais la corruption et l’absence d’un Etat de droit", estime-t-il, appelant les "Amis du Yémen", "s’ils veulent vraiment nous aider, à faire pression sur le gouvernement pour qu’il lutte contre la corruption et instaure un Etat de droit".