04/02/11 (B589) Interview de Mahdi Ibrahim God, Vice-Président de l’ARD (membre de l’UAD), par Diboutii.net

Question 1:
Bonjour/bonsoir M.GOD, ici Djiboutii.net "une autre voix pour les sans-voix" djiboutiens. Comment ça va pour vous, votre famille, votre parti..?
Avant tout je remercie Djiboutii.net de m’avoir choisi pour ce premier interview en cette année 2011, année charnière tant pour l’avenir de notre pays que pour l’ensemble des pays sur lesquels règnent des dictatures qui jusqu’ici se croyaient indéboulonnable. Grâce à Allah tout va bien pour moi comme pour ma famille.

Concernant mon parti l’ARD, cette nouvelle année et la situation nationale présente lui a donné l’occasion de démontrer sa force et son expérience dans la lutte qu’il mène aux côtés de ses partenaires de l’opposition nationale, à savoir l’UDJ et le MRD, regroupée au sein de l’UAD. Vous n’êtes pas sans savoir que le pays a connu plusieurs manifestations et meetings ces derniers mois tant dans la Capitale que dans les régions de l’intérieur.

Ces actions bien que pacifiques ont porté un grand coup à la dictature arrogante et répressive qui, comme dans ses habitudes, a fait encore usage de la force pour enlever, torturer et emprisonner nos militants et responsables. Cependant, ces réactions négatives n’altèrent aucunement la détermination de l’UAD pour l’avènement des Droits du peuple face à l’arbitraire du régime du RPP.

Je suis convaincu que les semaines à venir confirmeront l’aboutissement des vœux de notre population qui a trop souffert des décennies de la mal gestion du pays par la peur et l’appauvrissement. Un peuple qui aspire plus que jamais à tourner la page cauchemardesque de notre Histoire et du Rpp pour un Avenir meilleur.

Incha-Allah, la victoire est à notre portée et 2011 couronnera les vœux de notre population. Amin.

Question 2: Quel parallèle faut-il faire, selon vous, entre les événements qui secouent le monde arabo-musulman (et peut être bientôt, le reste des pays du monde sous le joug de régimes tyraniques) et la situation à Djibouti?
Vous savez aussi bien que moi que l’Histoire de l’Afrique mais aussi du monde Arabo-musulman n’a pas été marquée par des grands changements depuis fort longtemps. Certes, la fin de la seconde guerre mondiale et les indépendances qui suivirent dans les années 1950 et début 1960 n’ont pas été l’effet de levier attendu par les peuples concernés.

Ces pays accusent davantage de maladies, de pauvreté et de dépendance économique que sous le colonialisme. Il est vrai qu’il y a une part de responsabilité du colonialisme et de sa nouvelle politique communément appelé le néo-colonialisme. Cependant, la guerre froide aidant la persistance du néo-colonialisme, les dirigeants issus de ces premières heures de liberté n’ont pas été à la hauteur de leur responsabilité et sont en grande partie coupables de l’état déplorable de leur population à tous les niveaux.

Ce délabrement est général et frappe tous les secteurs de la vie socialement, économiquement et surtout politiquement puisque le verrouillage de toute liberté démocratique a semblé autoriser ces régimes à fouler du pied tout respect des droits humains et naturellement réprimer toute idée contraire à celle de la Voix Unique.

Il me semble important de rappeler que Gouled avait été plébiscité lors du référendum pour l’indépendance en 1976, le peuple ayant été appelé à voter à la fois pour l’indépendance et pour la première assemblée. Une fois choisi par ses pairs pour diriger le pays, il passa outre le consensus national convenu et s’accaparant de tous les pouvoirs mit fin au pluralisme politique existant sous le colon.

Plutôt que d’éviter le piège de la politique ruineuse et sans avenir en vigueur à cette date dans plusieurs pays de notre continent, indépendants depuis fin 1958 et début 1960, il choisit ce couloir diabolique qu’il laisse en héritage pour en faire de son peuple non pas libre mais esclave de sa création : son œuvre désastreuse de parti-État, le RPP

Ce bref rappel historique nous permet de porter à une appréciation objective du pourquoi de ces bouleversements qui, me semble-t-il, ne sont pas instantanés mais le résultat d’une répulsion générale ayant évolué tous les jours et ce depuis fort longtemps. Vous savez que les dictatures se distinguent par l’absence de toute créativité et donc de l’incroyable permanence d’un état apathique.

C’est la principale raison qui explique que les dictateurs ne sont pas capables de voir la mutation idéologique qui s’opère à travers le monde depuis 1990 et la chute du mur de Berlin. C’est un changement d’une importance capitale et surtout incontournable, d’autant plus que son succès est garanti au niveau planétaire par les différents moyens de la technologie de communication et d’information en temps réel.

Comme Hassan Gouled, Ismail Omar a été incapable de s’adapter à la nouvelle donne politique en vigueur dans le monde, raison pour laquelle je ne suis pas étonner de constater sa dictature ne puisse pas mesurer les conditions de vie son peuple. Sa nature arrogante l’en empêche et la portée du mot LIBERTE ne fait pas partie dans son héritage politique. C’est sa nature même qui ne le prédispose pas. Enfin, pour vous dire me semble-t-il qu’une dictature est par essence aveugle et sourde sur les conditions de son peuple, jusqu’à se croire intouchable et éternelle. Seulement le peuple oublié met fin à son règne le jour qu’il décide et quelle que soit l’importance de sa force répressive.

Cette explication que je viens vous livrer est aussi valable pour toute dictature qu’elle soit du monde Arabo-musulman ou d’ailleurs, que Djibouti martyrisée par la force et l’appauvrissement d’un système abject.

Pour conclure ma réponse, j’ajoute que la similitude dans la trajectoire professionnelle comme dans l’accession au pouvoir entre Ben Ali et Ismail Omar est frappante. Je pense que la fin du régime djiboutien respectera cette analogie.

Question 3 : Si Guelleh quittait le pouvoir en catastrophe (à la Ben Ali) aujourd’hui même, selon vous, qu’est-ce qui se passerait au pays?
Pourquoi utilisez-vous le conditionnel ? Le "SI" n’a pas sa place naturellement dans l’état actuel des choses. Légalement Ismail Omar est tout naturellement exclu du jeu politique. Sa modification de la constitution comme ses parades devant ses obligés du parti relèvent du fantasme que nous lui connaissons depuis toujours. La vérité est qu’il doit partir puisque le temps qui lui était imparti par la constitution touche à sa fin.

Le conditionnel ne peut donc prévaloir pour un homme qui bafoue toute légalité et veut se maintenir au pouvoir par le mensonge et la falsification du texte de base de notre pays. Cependant, votre question relève telle quelle d’une possible situation de permanence d’un pouvoir illégal et certainement chassé par le peuple. Dans ce cas, il serait très regrettable d’en arriver là dans notre tout petit pays.

Car, dans quelques semaines les deux mandats d’Ismail Omar se terminant, il en va de sa responsabilité personnelle pour endosser ou éviter une situation de crise politique majeure dans un pays mis à mal par sa gestion désastreuse. Alors de deux choses une :

  1. Il respecte le délai et laisse le peuple djiboutien de choisir librement son remplaçant à la tête du pays, je dis bien librement avec la mise en place d’un cadre électoral garantissant une expression libre et transparente, Ismail Omar a dans ce cas tout à gagner,
  2. Il veut se maintenir et est prêt à faire face aux aspirations légitimes de son peuple, dans ce cas la confrontation étant inévitable, il doit assumer les conséquences incalculables actuellement d’une crise politique majeure dont il sera le premier grand perdant.

Donc, à votre question relevant de la seconde éventualité, je peux d’ores et déjà affirmer que contrairement à la diabolisation de l’opposition depuis longtemps, les hommes et les femmes qui sont à la tête des partis de l’UAD sont prêts à diriger le pays et lui donner les garanties de liberté indispensables à une nation moderne et toutes les chances de développement pour toutes les régions du territoire national basé sur un réel partage des richesses entre tous les citoyens Djiboutiens sans distinction aucune.

Je vais conclure ma réponse en énonçant que le peuple djiboutien est animé d’une maturité politique sans égale dans la région. Nos mères et nos pères avaient l’habitude des urnes depuis l’époque coloniale contrairement au régime RPP fébrile à toute expression populaire libre et transparente.

Question 4: Votre mot sur l’UMP, le RPP et le 3ème mandat de monsieur Ismaël Omar Guelleh… Et, un mot sur l’opposition djiboutienne.
La liberté d’expression idéologique se passe d’abord au sein de sa famille politique. Je veux dire par là au sein du parti à qui l’on appartient. C’est dans ce cadre restreint composé de personnes avec lesquelles ont partage une croyance politique que tout un chacun doit avoir son opinion tant sur le choix d’options politiques ponctuelles ou à moyen et long terme ou encore sur la personne que l’on considère apte à diriger.

Je ne veux pas rentrer dans les procédures et les moyens statutaires permettant cette liberté primaire mais désire démontrer que le RPP est encore un parti unique, en vigueur en Chine et bien d’autres pays de tous les continents. Il est à l’image de la dictature car Gouled l’avait façonné de cette manière depuis la mise en place du parti unique à Dikhil au mépris de la loi hérité du colon en vigueur à cette époque et autorisant le multipartisme.

A preuve, il avait abrogé cette loi et mis en prison en 1981 les fondateurs du premier parti de l’opposition djiboutienne, le Parti Populaire Djiboutien-PPD (en formation), seulement 3 ans après l’indépendance et dirigé par le père de la lutte anticoloniale avec son parti le PMP, le Président Moussa Ahmed Idriss et l’ensemble de son État-major, nominativement : les regrettés Ahmed Dini, Mohamed Ahmed Issa dit Cheiko, Mohamed Said Saleh ainsi que Omar O. Rabeh, , Abdallah Kamil et Hachi Abdillahi Orah…

C’était tout simplement pour ses intérêts personnels et il n’avait d’ailleurs jamais œuvré pour en faire un parti unique garantissant l’alternance et la démocratie en son sein. Ceci se justifie par l’éviction en 1996 des hauts responsables du parti RPP qui faisaient ombrage à son neveu dauphin Ismail Omar Guelleh.

Ceci dit, l’UMP hors RPP n’existe que sur le papier mais n’a aucune consistance physique (humaine et matérielle). Cette coalition à la différence de l’UAD vit sous la domination totale d’un parti-État qui n’a pas changé de nature depuis sa création et ce malgré le semblant de démocratie et du multipartisme intégral consécutif à la signature de l’Accord de paix définitif de 2001.

Ce parti dirige le pays sans contrepouvoir aucune depuis 1977. Il ne s’est jamais soucié des désirs profonds du peuple sauf à dresser les composantes nationales les unes contre les autres pour ainsi facilement réprimer par la force brutale de sa police et son armée clanisées.

Ce nouvel éclairage que je viens de vous faire complète ma démonstration précédente et ceci à l’adresse de la jeune génération que le régime usurpateur et falsificateur de l’Histoire veut tromper.

Aucune voie alternative n’étant possible au sein même de la pseudo-coalition au pouvoir, il me semble que l’opposition est la seule alternative crédible, nationale et soucieuse des intérêts suprêmes de la nation djiboutienne. Aussi, pour nous UAD, et je réitère ce que j’ai dit dans la réponse à la question trois de votre interview : le 3ème mandat de Ismail Omar n’existe pour nous.

Il est anticonstitutionnel et doit quitter le pouvoir pour éviter au pays une crise politique majeure aux conséquences imprévisibles dans l’état actuel des choses.

Enfin, concernant mon analyse sur l’opposition pacifique djiboutienne (le Frud étant armé), je dirais qu’actuellement elle est de trois types. Vous avez la coalition des partis réunis au sein de l’UAD et luttant depuis la fin de 2002, vient ensuite une nouvelle coordination née d’un récent mariage contre nature entre deux petits partis, le PDD et le PND, et enfin Monsieur Abdourahman Boreh, un opposant indépendant.

Même si tous se rejoignent sur le non au 3ème mandat d’Ismail Omar, à part l’UAD les deux partis PDD et PND comme Monsieur Boreh se sont déjà portés candidats à l’élection d’avril 2011. C’est leur droit le plus légitime mais je doute fort des convictions politiques du leader du PND que je connais bien pour être un acrobate hors pair. Il me semble toutefois que le peuple ne veut pas des candidats déclarés perdants avant l’heure et autorisant une fois encore la pérennité d’un régime abject.

Après plus de trois décennies d’un pouvoir sans partage du parti-État RPP, le peuple ne veut plus cautionner des mascarades électorales et veut arracher par la rue les réelles réformes démocratiques garantissant une transition pacifique, claire et sans tâches. Seule voie menant à l’instauration d’une République démocratique, unitaire et en paix et c’est la voie jusqu’à ce jour maintenue et défendue par l’Union pour l’Alternance Démocratique qui regroupent l’ARD, l’UDJ et le MRD.

Mon dernier mot pour cette question est la suivante : seule cette position claire et sans détour est la plus salutaire.

Elle a fait ses preuves non seulement en permettant de consolider de plus en plus les membres de l’UAD, mais aussi à démontrer tant à l’opinion nationale qu’internationale qu’à Djibouti est une Dictature dangereuse pour son peuple que ceux de l’ensemble de la région.

Question 5 : Votre message aux Djiboutiens du pays et de la diaspora… et enfin, votre message à la classe politique djiboutienne (l’opposition d’une part et le RPP/UMP et leur candidat, d’autre part…).
Mon message tout d’abord aux Djiboutiens et à l’opposition est très clair.

Pour moi, il faut que le peuple dans son ensemble sans distinction aucune se range derrière l’UAD qui dans l’état actuel des choses répond favorablement à leurs aspirations légitimes. Car notre coalition malgré l’interdiction illégale du parti MRD reste solide et plus que jamais unie dans sa lutte contre la dictature.

C’est pour cela que nous exhortons et invitons les autres formations qui se réclament de l’opposition comme l’ensemble de la société civile de renforcer cette dynamique salutaire pour mettre fin à cette abominable dictature vieille de 33 ans.

Je répète que l’UAD ne veut pas permettre l’organisation d’élections truquées mais ouvrir la voie à l’expression démocratique et libre pour chaque citoyenne et chaque citoyen en créant le cadre institutionnel adéquat pour un avenir meilleur, dans une République unitaire et pacifiée. Pour cela nous avons depuis des mois entamés des actions pacifiques tant dans la Capitale que dans les régions de l’intérieur.

J’appelle donc l’ensemble de mes compatriotes à se joindre à cette dynamique car c’est par ces démonstrations de force que nous allons obtenir unis notre droit le plus élémentaire : NOTRE LIBERTE.

Pour le reste de la classe politique timide face à la nouvelle donne, je lui dirais qu’il n’est jamais trop tard pour réaliser qu’aujourd’hui le régime est dans l’impasse et que la seule voie honorable est celle du peuple. Tout un chacun doit réaliser que l’année 2011 vient de commencer avec l’effondrement de régimes que l’on croyait indéboulonnables. Les jeunes comme les moins jeunes doivent aujourd’hui rester mobilisés face à l’arbitraire et affirmer avec force et vigueur, dans la rue aux côtés de leurs dirigeants de l’UAD, la mise à fin du régime répressif et affameur du RPP.

Ismail Omar n’a ni la carrure politique, ni les moyens militaires et diplomatiques d’un Hosni Moubarak ou d’un Ben Ali, par conséquent j’appelle les forces de police et les forces armées à ne pas se dresser face à l’Histoire et à se ranger aux côtés de leurs femmes, enfants, à la grande famille djiboutienne qui forme notre République.

A la diaspora, l’exil, vous ne l’avez pas choisi mais des conditions générées par la persistance de la dictature ont précipité votre départ de notre très chère patrie. Les raisons diffèrent mais la cause est la même pour tous. Nous ne devons pas croire aux sirènes de quelques personnes que je plains personnellement pour soutenir un régime qu’elles ont fui dans des pays démocratiques qui les ont non seulement accueillis mais dont elles sont aujourd’hui citoyennes à part entière, avec droits et devoirs.

Je m’interroge sur ces cas qui ne respectent pas en retour les valeurs historiques des luttes pour la Liberté de ces terres d’accueil. Pour beaucoup d’entre vous, nous nous sommes rencontrés dans différentes occasions tant dans des manifestations que dans des tables rondes. Je crois que nous sommes en quelque sorte les ambassadrices et ambassadeurs de notre peuple en dehors de notre territoire.

Notre devoir citoyen nous interpelle en cette période cruciale de notre histoire.

Nous devons accompagner et soutenir la lutte pacifique de notre population pour aboutir à en faire de notre pays un modèle de Liberté et Démocratie tel que vous le vivez dans vos terres d’exil.

Je termine ma dernière réponse avec ceci : L’heure a maintenant sonné. Les Djiboutiennes et les Djiboutiens doivent démontrer leur maturité et prendre en main leur destin et celui des générations futures.

–Djiboutii.net une voix pour les sans-voix