06/05/11 (B602) L’ARMÉE DJIBOUTIENNE EN GUERRE CONTRE LES AFAR D’ETHIOPIE : LA PREUVE PAR LA CARTE. (Par Cassim Ahmed Dini)

Un abondant courrier m’est parvenu, de toutes les communautés, me demandant si j’avais une quelconque preuve de mon accusation selon laquelle l’armée djiboutienne est impliquée dans les affrontements entre Issa et Afar en Ethiopie. Croyez bien que si tel n’était pas le cas, je ne me serais jamais hasardé sur ce terrain.

Je n’insisterai pas sur tout ce que j’ai entendu là-bas, pour avoir longtemps séjourné à Aouache, Matak, Gawani, Millé ou Loggia, tout ce qui a été observé au fil des ans comme transformations dans les techniques de combat et l’armement utilisés par les assaillants, tout ce qui a été récupéré comme preuves matérielles, dont des pièces d’identité djiboutienne sur les assaillants.

Je n’insisterai pas non plus sur l’énorme dossier de contentieux établi par les responsables de l’Etat régional Afar en charge de ce dossier. Pas plus que les propos du Docteur Abdoulmagid, somali d’Ogaden qui, lors d’une réunion de conciliation, a assuré la délégation Afar que l’Etat régional Somali n’avait aucune visée territorial et que la solution conflit entre Afar et Issa devait être recherchée à Addis-Ababa et à Djibouti ; propos qui ont certainement failli lui coûter la vie lors d’une tentative d’assassinat en 1997 à deux cents mètres du ministère éthiopien de la Défense, c’est-à-dire l’une des zones les mieux surveillées d’Addis-Ababa. Je vous relaterai ce que j’ai personnellement vu à Djibouti.

En application de l’accord de paix du 12 mai 2001, 300 combattants du FRUD devaient être intégrés : 150 dans l’AND, 75 dans la FNP et 75 autres dans la Gendarmerie. Connaissant les aptitudes de chacun, j’ai été chargé de dresser les listes et de procéder aux affectations. Ensuite, avec Kabir Hamza, responsable de la commission Paix civile, nous devons prendre l’attache avec chaque Etat-major concerné pour finaliser ces incorporations.

Après ceux de la Police et de la Gendarmerie, nous nous sommes rendus un jour de juillet 2001 au BQG (Bataillon Quartier Général) pour rencontrer l’officier en charge de ce dossier. Dans son bureau, une carte géante couvrant presque tout le mur attira notre attention.

Pourquoi ?

Parce que ce n’était pas exactement la carte de la République de Djibouti. En fait, elle couvrait une zone allant des rives du lac Abbé jusqu’à celles du fleuve Awash aux environs de la bourgade de Matahara non loin de la limite sur du pays afar, les Monts Fantallé (Namma-Lé Fan). Extrêmement bien détaillée, cette carte indiquait les points d’eau, les campements afar et les pistes d’infiltration.

Nous avions devant nos yeux la preuve que les affrontements entre Issa et Afar en Ethiopie étaient planifiées dans le bureau de ce colonel de l’AND. C’est ce que je lui d’ailleurs demandé : "Colonel, à voir cette carte, c’est donc bien d’ici que partent les attaques contre les campements afar en Ethiopie et comme on l’entendait, il ne s’agit pas de simples combats entre pasteurs ? ".

Sans me répondre, il me jeta un regard noir : je l’avais compris, il m’avait compris, nous nous étions compris.

Une dernière question se pose alors : Djibouti n’ayant aucune compétence en matière cartographique, quel Etat a bien pu lui établir une carte militaire aussi précise et aussi spéciale, qui déborde sur un autre Etat ?

La France avec l’IGN (Institut Géographique National) ?

L’Irak de Saddam Hussein qui avait conclu en 1990 un accord de coopération avec Djibouti pour, entre autres, "régler les problèmes de nationalité" et qui a formé les premiers éléments de l’AND impliqués dans des opérations militaires hors du pays ?

Ou enfin l’Ethiopie d’après Menguistu, ce qui n’est pas improbable considérant l’actuelle position des autorités fédérales éthiopiennes qui cautionnent cet Anschluss ?

J’allais oublier : cet officier de l’AND dans le bureau duquel nous avons vu cette carte, c ‘est le colonel Youssouf Kayad.

Cassim Ahmed Dini
Coprésident FRUD
de la Commission des Réformes Démocratiques
durant les négociations de 2000-2001