20/10/2011 (B626) Courrier des lecteurs : faut-il oublier l’attentat du “café de Paris”?

À nous (djiboutiens (ne)s) de demander :est-il possible qu’un responsable des services secrets djiboutiens puisse changer ses réflexes et devenir lui maître ès en leçons de démocratie, et, ce, – du jour au lendemain ? Nous ne le pensons point, à moins d’être peut-être, un naïf de tout bord.

Quoiqu’on en dise, le temps, une fois de plus y va de son couplet.C’est à se demander si on pourra jamais s’en passer.Et pourtant, il y en aurait des choses à dire! Mais pas envie.Cette manie qu’on a de toujours vouloir savoir ce qu’on redoute de connaître !

Par un mélange de fortes espérances et de profondes impuissances il fait de Djibouti un peuple traumatisé et aliéné. Attaché à ses oppresseurs par cet indéfectible lien de soumission et d’assujettissement qui fait de lui ce qu’il est et trace son irrémédiable destin d’opprimé condamné au banc de spectateur à perpétuité au point que sa vie n’est plus qu’un spectacle dont il ne fait pas partie.

Loin de véhiculer une réalité objective, l’exposé devient un espace d’exorcisme de fantasmes et d’obsessions intimes.

Malheureusement avec le temps, les choses n’ont pas évolué et depuis 34 ans les djiboutiens regardent IOG et son conglomérats d’aventuriers avec les yeux de Chimène (1).

Personne ne peut ignorer les provocations , les humiliations,les disparitions et les exécutions extra-judiciaires de ce régime , il faut aussi tenir compte du poids colossal de problèmes, ne pas oublier le grand nombre de victimes du régime génocidaire. Des choses tombent en ruines. Le pouvoir liberticide exerce une pression permanente sur la société djiboutienne afin de le faire plus obéissante et facile à gouverner. Qui est devenu la honte et l’épouvante de tout(e) djiboutien(ne) ! ô combien réelle .

Parce qu’il est devenu un antre de tortures, où sont enfermées des centaines de personnes, séquestrées un peu partout à Djibouti.Qui de nous, qui de vous, qui de nos compatriotes admettrait tout bonnement qu’un citoyen puisse être torturé ?

Qu’allons-nous encore apprendre sur ce qui s’est passé au “café de Paris” ( 27 Septembre 1990) ? Quels autres mensonges nous a-t-on racontés? Est-ce que le nettoyage ethnique a-t-il vraiment commencé?A qui profite ce crime ?

On ne dira jamais assez combien ces crimes, évocateurs de bien d’autres, ont contibué au consensus relatif dont a beneficié, IOG.

Ce dernier accuse de cet attentat une communauté djiboutienne, les Somalis Samarones.

Plusieurs membres de cette communauté furent torturés, déportés et liquidés.
Cette politique fachiste peut se résumer comme suit: intimidation, humiliation organisée et systématique de tous les Samarones, simplement parce qu’ils sont Samarones et donc tenus collectivement pour responsables de l’attentat qui a eu lieu à Djibouti le 27 Septembre 1990.

L’oubli, la négation, la réécriture de l’histoire constituent les élément-clés du fonctionnement d’une dictature. Ce qu’illustre bien le 1984 d’Orwell où le personnage central du roman est chargé de réécrire en permanence l’histoire. L’une de ses tâches principales est justement d’effacer les traces dans les journaux et documents officiels des personnes éliminées par le système (2).

Il est tout à fait scandaleux que l’Etat djiboutien refuse de s’excuser officiellement et de demander le pardon et d’exprimer sa repentance auprès des hommes et des femmes qui n’en demandent pas plus.

Seuls ceux qui ont été torturés peuvent pardonner à leurs tortionnaires !

La vague de répression – des Samarones qui furent traités comme des bandes de malfrats pourchassés par la police de la dictature et ses milices -, faisait apparaître en pleine lumière la réalité du système djiboutien.

Certains ont été arrêtés, torturés, et écroués à l’issue d’une procédure n’ayant pas respecté les standards des procès équitables.

Le djiboutien ne connaît pas ses droits, puisqu’on ne lui en parle jamais ; il voit l’injustice de ses propres yeux, et il n’a pas le droit de la dénoncer, sinon c’est un traître.

Qu’est-ce que l’on fait lorsque l’institution judiciaire refuse même les dépôts de plainte à l’égard des actes de tortures et des agressions en tout genre ? Quelle réaction adopter face à des magistrats qui deviennent l’outil légaliste d’une machine politico-judiciaire qui broie nos concitoyens ? Qu’est-ce que l’on fait lorsque des canaux d’expression tant sur support papier qu’électronique sont censurés de la manière la plus arbitraire, y compris ceux des partis politiques légaux ?N’est-il pas temps d’agir et de démasquer la propagande officielle et infirmer ses allégations mensongéres de toute crédibilité. Pourtant depuis 34 ans ce régime sévissait et sans se cacher enfermait, torturait, exécutait sans relâche.

Les Massacres d’Arhiba le 18/12/1991 et le 30/11/2005 ont renversé la légitimité morale du système.

Quiconque, membre du système ou non, qui a encore un peu de conscience et une capacité d’analyse élémentaire, a réalisé sa nature cruelle .

Notre big brother national vit dans la psychose de se voir malmener par des juges européens et notamment dans des pays comme l’Espagne, la Belgique ou encore la Suisse dont les tribunaux se sont déclarés compétants pour poursuivre en justice des responsables convaincus de pratique de la torture et d’exactions.

L’imagination est intarissable lorsqu’il s’agit de réduire au silence les défenseurs des droits humains. Elle induit des méthodes de plus en plus insidieuses. Toutes les formes de l’oppression: violences et arrestations gratuites, culte abrutissant de l’idéologie et de la personnalité.

Le peuple vit dans l’arbitraire et la crainte, le silence et la délation.

Pourquoi l’opposition n’arrive pas à se faire entendre ? Est-on condamné à vivre avec ces multiples compétitions décoratives ?

Ainsi, la pratique du régime djiboutien en place dont la communication est basée sur le prêche du faux, du mensonge, de la falsification des réalités sociales, de l’état des libertés individuelles et du camouflage de la pratique systématique de la torture, un comportement qui prouve une volonté, réfléchie et planifiée, d’affirmer deux objectifs. Projeter une belle image de la République De Djibouti auprès de l’opinion internationale, le contrôle de la situation policièrement et maintenir une politique basée sur la peur, la terreur du peuple. Face à cette politique, on aurait pu s’attendre à voir une opposition virulente, forte et surtout proche du peuple. Il n’en est rien et c’est là où se situe le paradoxe de la République De Djibouti.

Que faisons-nous lorsque les droits liés à la citoyenneté sont violés ?

Pour l’instant, la seule réponse que j’observe est celle-ci : Peu importe ces violations… nous continuons à collaborer avec la dictature en participant à des élections truquées et continuons à être terriblement impuissants face à l’injustice qui frappe nos concitoyens.

Et je dis nous, parce que d’une part j’éprouve une part de responsabilité, et d’autre part je ne suis pas en position de rupture vis-à-vis de l’opposition démocratique, mais en position d’un soutien non moins critique.

Je ne m’arrête pas à méditer sur ce vers d’un fameux poète arabe qui dit : « Si vous êtes condamné à vivre us un tyran soyez injuste et si vous vous trouvez avec des ignorants soyez aussi ignorant».

Jamais un dictateur qui a ruiné son pays, mis en esclavage son peuple, exporté la guerre, trafiqué de la drogue à si grande échelle, trompé les investisseurs, menti, torturé, exécuté, ostracisé et éliminé jusqu’à ses amis les plus proches n’aura été aussi encensé. Malgré la réalité si terrible cet homme est apparu pendant longtemps aux yeux des autorités françaises- promptes à dénoncer sélectivement les exactions de certains régimes mais gardant un silence total sur la situation djiboutienne -, comme un bienfaiteur. Leur silence permettant à la dictature de tirer sa révérence pour se prévaloir de sa légitimité de fait.

Faudra-t-il parler de complicité active ?

Qui blâmer alors ? Le peuple djiboutien? L’opposition djiboutienne? La France? La vie injuste ? La mort ? Le destin ? Je n’en sais rien ! Peut-être personne, c’est ainsi que va la vie ! Mais qu’importe !

La plupart des États européens font de même ; et si d’aventure l’un d’eux rompt l’assourdissant silence, c’est pour dire, comme pour s’excuser de tant d’audace, qu’il ne peut que condamner de si inhumaines pratiques.

Ils se montrent peu diserts pour dénoncer les dérives d’un pays qui fonde sa citoyenneté sur des critères tribaux, érigeant ainsi le tribalisme en système, légalise la torture et l’assassinat d’opposants politiques .

Beaucoup de personnes se demandent comment le régime tient. Toute l’explication repose sur deux mots, deux seuls mots : la peur et la terreur que ces vautours charognards suscitent autour de et dans l’ensemble de tous leurs « sujets ».

Et malgré les faits il y a toujours de nombreux idiots utiles qui sont prêts à encenser celui qui pourrait en quelques instants devenir leur bourreau. En disant cela je pense à Me Aref , Me Martinet – des morts vivants qui ne font que pleurnicher les faces cachées sur leur sort en réduisant tous leurs malheurs au système, au pouvoir ; à la politique et ses ténors, et hommes d’affaires somaliens qui après avoir encensé IOG ont été insultés, discrédités, ont vu leurs propriétés confisquées et se sont vu interdire de retourner à Djibouti.

Tout le système est corrompu dans tous ses interstices.

Assimilé au jeu, au simulacre, ou au mirage, il ferait donc office de pendant " négatif " non seulement du " réel " mais aussi de la " vérité ".

Mais, il suffit de voir comment est traitée la question de « la décentralisation » pour mesurer le décalage entre le discours médiatique et la réalité du phénomène. On est dans la démesure en permanence.

Pire encore : l’autisme est érigé en système de pensée.

L’idéologie (au sens moderne) – ou le dogmatisme (selon l’expression des écrivains anarchistes) -, n’est pas un simple système d’idées, ni une déformation du réel par la pensée, c’est l’idée qui se substitue au réel et lui impose sa logique, son système incontestable. En ce sens, tout idéologie porte en germe le totalitarisme. Comme le dit Hannah Arendt :« Il existe trois éléments spécifiquement totalitaires qui sont propres à toute idéologie : la prétention à tout expliquer, l’émancipation de la réalité, la cohérence qui n’existe nulle part dans le domaine de la réalité » (3).

Afficher des dogmes n’est pas condamnable mais asservir la réalité à leur service est une faute historique dont il faut assumer les conséquences.

Comment réparer cette « faillite » politique, où tant de jeunes sont poussés à vivre irrémédiablement à la marge de la société ? Comment resocialiser des Djiboutiens ayant vécu dans la ségrégation permanente ?

Tant de questions brûlantes ne trouvent toujours pas une traduction concrète sur le terrain.

L’observateur sera encore une fois déçu, déçu par cette médiocrité et par cette incapacité de mener un vrai débat sur le fond des problèmes de la société djiboutienne.Pis, cette dictature sera incapable de proposer une alternative politique et citoyenne pour le pays.

Le décalage avec les attentes de la population est de plus en plus sensible, particulièrement dans le Nord, j’imagine…

Le gouvernement dirigé par Dileita Mohamed a fait preuve de beaucoup d’immobilisme dans la gestion de l’Etat, il a été caractérisé par les dérives politiciennes fondées sur l’absence d’une classe politique (la rupture ou la continuité d’une classe politique bricolée, la rupture avec les aspirations du peuple). La République De Djibouti a besoin d’une classe politique qui assume les aspirations du peuple et dont la conviction et l’ascèse pourraient tenir un projet de société.

MAQ

1 L’amante de Rodrigue est un jeune noble castillan, fils de Don Diègue et héros principal de la pièce de Corneille: le Cid.

2 Décidément Big Brother a encore de beaux jours devant lui : " Le plus effrayant dans le totalitarisme n’est pas qu’il commette des " atrocités " mais qu’il détruise la notion même de réalité objective ; il prétend contrôler le passé aussi bien que l’avenir. " (Orwell, " Tribune ", 4 février 1944).

3 Hannah Arendt, Le Système totalitaire, 1972, III, p. 219.