23/12/2011 (B635) Blog de Libération / Le dictateur de Djibouti vient pactiser avec Paris

Par MARIA MALAGARDIS

Alors que vient de se clore l’ère Kadhafi, doit-on encore dérouler le tapis rouge pour un dictateur ?

Hier, Ismaël Omar Guelleh, président de Djibouti depuis 1999, était en visite officielle à Paris. Son régime est accusé de réprimer violemment les voix discordantes dans cette enclave d’Afrique orientale. Une dérive d’autant plus inquiétante qu’elle est ignorée.

«On réprime dans le silence», déplore Florent Geel, responsable Afrique de la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH). Le durcissement du régime sera-t-il abordé lors de l’entrevue avec Nicolas Sarkozy ? Pas certain. En revanche, une autre affaire criminelle pourrait être évoquée : celle de l’assassinat, en 1995, du juge français Bernard Borrel, qui vient de connaître de nouveaux développements.

Pourquoi Ismaël Omar Guelleh est-il à Paris ?

Pour demander de l’argent. Djibouti accueille la plus importante base militaire française à l’étranger avec 3 000 hommes, ce qui se monnaye. La présence de bases américaines pourrait faire monter les enchères.

Que reproche-t-on au président de Djibouti ?

De museler toute critique, en arrêtant journalistes, opposants et militants des droits de l’homme. Deux journalistes arrêtés en novembre ont été libérés récemment. Après avoir été torturés. Le juge qui s’était opposé à leur arrestation a aussi été interpellé et il est toujours emprisonné. Le président de la Ligue locale des droits de l’homme subit quant à lui un harcèlement judiciaire permanent.

Mais c’est surtout la misère qui menace la pérennité d’un Président qui a modifié la Constitution pour se faire réélire en mars cette année. En février, 40 000 personnes étaient descendues dans la rue pour protester contre les difficultés du quotidien. Face à l’ampleur inédite de la contestation, Guelleh a aussitôt interdit toute manifestation, multipliant les rafles dans les quartiers populaires. «De plus en plus contesté, le régime se recroqueville sur un clan et se radicalise», constate Florent Geel, de la FIDH.

L’affaire Borrel va-t-elle rebondir ?

Hier, un témoin a révélé que, peu après la mort du juge, l’armée française avait intercepté des appels de la police djiboutienne, accréditant la thèse du meurtre : «Il a été tué et des militaires français étaient au courant», aurait dit ce témoin.

C’est aussi la thèse de la veuve du juge Borrel qui n’a jamais cru au suicide. Hier, cette dernière a à nouveau demandé que tous les documents classés secret-défense soient déclassifiés.