26/01/2012 (B640) Point de vue (Lecteur). Un lecteur écrit au Président de l’UAD, à la suite du communiqué paru hier soir.

Cher Monsieur le président de l’UAD,

Depuis quand la capitale de la République de Djibouti, Djibout-ville, regrouperait-elle, à elle seule 80% de la population djiboutienne ? Sur la base de quels éléments probants ce chiffre (fictif) est-il fondé ? Y a-t-il eu un recensement digne de ce nom dans toute la République de Djibouti depuis l’indépendance ?

Dans notre pays, il n’y a aucun outil des statistiques qui puisse corroborer l’exactitude du chiffre de 80% de la population djiboutienne que vous avancez pour la seule capitale de la République de Djibouti.

Selon votre calcul, déduction faite de la population de la capitale, soient 80%, les régions de l’intérieur totalisent 20% de la population djiboutienne. Sur ces 20%, il faut soustraire du calcul la population d’Arta, d’Ali-sabieh et une partie de la population de Dikhil d’origine Issa.

Au final, la population djiboutienne habitant le reste du pays, disons-le clairement Afar, représenterait au plus 10% de la population totale, au moins 5%. Évidemment, c’est une estimation hasardeuse et un tel calcul est erroné et absurde ! A quoi donc rime tout cela ?

Les Djiboutiens ont eu un passé douloureux et tout le monde le sait. Je ne vais pas ici abonder dans le sens de la politique de division entreprise par vous-même et par le président Hassan Gouled à l’indépendance.

La teneur de ce chiffre inventé divise plus qu’il ne rassemble les Djiboutiens.

Je ne voudrais surtout pas voir à la tête de mon pays, un responsable politique qui tiendrait un tel discours et pour qui l’ethnie Afar, même si ce chiffre inclut les habitants de la capitale, constitue une « minorité » dans un pays où, faut-il le rappeler, elle occupe plus des 3/4 du pays.

Ayant été vous-même le bras séculier du régime pendant des longues années, vous ne pouviez ignorer que tous les chiffres avancés par ce régime sont faux.

Le comptage démographique étant manipulé, le but inavoué de cette manœuvre consiste à minorer le poids démographique de la population « afare » dans le reste du territoire djiboutien.

Vous-même, Monsieur, avez été l’artisan de cette politique de marginalisation de la population Afar sous l’ère du président Hassan Gouled. Ce chiffre reflète, le moins que l’on puisse dire, la volonté de continuer cette même politique, si un jour vous arriviez au pouvoir. Toute personne a droit à la rédemption, mais laissez-moi douter de la sincérité de votre combat politique pour l’instauration de la démocratie en République de Djibouti.

Ce chiffre inventé est révélateur de l’état d’esprit de certains hommes politiques djiboutiens, qu’ils soient au pouvoir ou dans l’opposition. Au vu de ce communiqué, la dénonciation de la fraude électorale par le régime dictatorial mise à part, vous êtes resté au fond celui que vous avez toujours été depuis le début de votre carrière politique. Vous n’avez jamais été pour l’égalité entre les citoyens ni pour la répartition équitable de richesse entre toutes les composantes de la nation djiboutienne.

Monsieur le président de l’UAD, vous et Monsieur Aden Robleh Awaleh, devriez arrêter de mentir aux Djiboutiens ! Depuis quand un député qui siège à l’Assemblée nationale est-il opposant en quoi que ce soit à la politique tribale de celui-là même qui le rémunère ?

ARA n’est pas un « député » au sens conventionnel de la fonction, mais un « salarié » subordonné à son employeur qui n’est autre que Monsieur Ismail Omar Guelleh. Personnellement, je ne crois pas une seule seconde à votre soudain intérêt pour les vertus démocratiques. Cette « virginité » démocratique, vous ne l’avez pas parce que vous n’y croyez pas !

18 février 2011 a montré des accointances, un double jeu, une relation douteuse que vous entretenez avec le régime. Ce dernier vous a d’ailleurs rendu la monnaie de la plus belle des manières : vous êtes l’opposant, de loin, le plus « raisonnable » de tous aux yeux de Monsieur Ismail Omar Guelleh. Courtiser, c’est déjà tromper !

Ce chiffre noté dans un communiqué officiel signé de la main du président d’une soi-disant coalition des partis politiques d’opposition appelée UAD, en somme une coquille vide, révèle le peu de considération et d’intérêt que vous, comme la plupart de vos semblables, manifestez pour le reste du territoire djiboutien, y compris le district d’Ali-sabieh, hormis la capitale.

Une telle logique délibérée de minoration implicite du poids démographique de l’ethnie afare dans la République de Djibouti, n’ayant aucun mobile électoraliste mais purement idéologique est préjudiciable pour la cohabitation des différentes composantes de la « nation djiboutienne », voire même pour l’avenir du pays.

Il est de notoriété publique qu’une telle manœuvre de comptage de la population djiboutienne fondé sur aucun recensement fiable soit une machination ourdie par le régime, mais qu’elle provienne de l’opposition elle-même, censée substituer le mensonge par la vérité, la corruption par la justice, la discrimination par le droit; et de surcroit de la part d’un responsable politique qui connait tous les arcanes de la dictature est manifestement tendancieuse et scandaleuse.

Le président de l’Union pour l’Alternance Démocratique, appellation complètement anachronique quand on sait qu’il n’y aura jamais d’alternance démocratique par les urnes à Djibouti tant que ce régime dictatorial perdurera (remarque mentionnée à juste titre par l’Ard) se discrédite tout seul sur la scène politique, quand, comme je l’ai dit plus haut, ce n’est pas le président Ismail Omar Guelleh lui-même qui le discrédite en le qualifiant d’être, de loin, le « plus raisonnable » de tous les opposants.

Je laisse les Djiboutiens juger par eux-mêmes la latitude du degré de raison pour plaire à ce régime. Le « raisonnable » est devenu un label ou une marque de respectabilité délivrés par les autorités djiboutiennes au « bon opposant ». A contrario, le « mauvais opposant » est persona non grata sur le territoire djiboutien ou croupit en prison, voire torturé. Pour le président de la République, IGH est de loin le « bon opposant » de tous les opposants au régime dictatorial. Allez savoir pourquoi !

In fine, Messieurs les caciques infiltrés du régime, arrêtez de nous mentir !

Tant que vous serez, vous et vos semblables, à la tête de vos boites familiales et tribales, la démocratie ne viendra pas de sitôt en République de Djibouti. La nouvelle génération est majeure et vaccinée contre le tribalisme et la corruption. Du moins, je l’espère et le souhaite de tout cœur ! Vous avez eu votre temps ! Laissez maintenant les Djiboutiens choisir d’eux-mêmes leurs dirigeants et prendre leur destin en main !


Mohamed OBAKAR