02/07/2012 (Brèves 007) Alerte à Tadjourah. MANIFESTATION A TADJOURAH CONTRE LA DISCRIMINATION A L’EMBAUCHE : L’OPPOSITION AU DEFI DE PROPOSER UN VERITABLE PROJET DE SOCIETE

Dans une note en date du 11 mars 2012 et intitulé « Le sous-développement imposé », l’ARD (Alliance Républicaine pour le Développement) dénonçait la volonté politique du régime qui, pour mieux les asservir, privait les populations du Nord et du Sud-ouest de toute possibilité, même sous financement extérieur, d’amélioration de leurs conditions de vie : chômage généralisé, effondrement des services sociaux, détournements à des fins partisanes de l’aide alimentaire internationale, etc.

Dernière provocation en date,
celle de trop aux conséquences incalculables, les conditions de recrutement de la main-d’œuvre du nouveau Port de Tadjourah, à vocation régionale. Pratiquement aucun natif de la région de Tadjourah ne figure parmi les 200 embauchés. D’où une légitime colère de la Jeunesse tadjourienne dimanche 2 juillet 2012. Pour dénoncer cette discrimination et exiger de bénéficier un tant soit peu des projets de développement se déroulant dans leur région, ils étaient plusieurs centaines à participer à une manifestation pacifique dans la Ville-Blanche. Une centaine est détenue au poste de Police de la ville pour avoir oser demander de pouvoir travailler.

Est-il si difficile que cela de comprendre la frustration de cette génération condamnée à la misère, à la dépendance familiale et au désœuvrement ? Quelle serait la réaction de la population d’Ali-Sabieh, pour ne prendre que cet exemple, si elle voyait débarquer des natifs d’Obock, embauchés exclusifs dans le cadre d’un projet financé pat l’Etat ou l’étranger et se déroulant dans le pays Assajog ? Quel être humain digne de ce nom, peut accepter de se voir condamné à la passivité du spectateur impuissant regardant passer, comme une vache dan son pré, le train de la prospérité et de la décence ?

Cette inadmissible discrimination et la légitime résistance qu’elle rencontre interpellent toute opposition sérieuse et à prétention nationale. Peu de nos compatriotes savent qu’en 1963, l’administration coloniale, construisant une jetée à Obock, avait refusé de recruter un seul habitant de cette ville, préférant exploiter les prisonniers incarcérés au bagne local. Ce qui se solda par une violente émeute au terme de laquelle les hommes valides d’Obock furent embauchés.

Cette même logique coloniale d’exclusion est malheureusement à l’œuvre aujourd’hui, rendant illusoire toute construction d’une Nation djiboutienne réconciliée avec elle-même. Le défi posé à l’opposition djiboutienne est d’oser énoncer les vrais problèmes et de proposer des solutions justes et durables.

Il s’agit tout d’abord de s’entendre sur le fondement idéologique du régime qu’elle prétend combattre, unie de préférence : depuis 1999, cette dictature fonde sa légitimité sur une philosophie guerrière de la razzia. En clair, il s’agit d’une guerre contre une composante de la communauté nationale (supposée de plus en plus vaincue, comme en témoigne la violation de chaque accord de paix) tandis que le chef des vainqueurs procède, au bénéfice exclusif des siens, à la redistribution du butin confisqué par ses valeureux combattants (administrateurs, ministres, députés, juges, indics, etc.).

Donc, loin d’inculquer une culture de la paix dans un pays qui n’a pas connu beaucoup d’heures de quiétude depuis 1977, ce régime continue, ici comme dans la région, de susciter la haine entre les différentes composantes de la communauté nationale.

Il s’agit ensuite pour l’opposition de mettre en œuvre un travail méthodique de désintoxication, en expliquant qu’il est absolument impossible d’assurer la pérennité d’une coexistence pacifique sur une logique de dépossession, de spoliation, bref de négation de l’Autre. Très explicitement, la République de Djibouti est condamnée à disparaître si toutes les communautés qui la composent ne trouvent pas un intérêt suffisamment fort à justifier sa raison d’être.

Seule l’Egalité dans le respect de notre diversité constitue le meilleur contrat social devant fonder notre Unité. Bien que faiblement doté en ressources naturelles, notre pays est capable de subvenir aux besoins de ses enfants, à condition que la préservation de l’intérêt général devienne enfin le moteur de toute politique publique de développement. Tant que chaque composante de l’opposition djiboutienne ne sera perçue que comme l’expression d’une frustration insulaire, au détriment d’un épanouissement collectif, elle ne vaudra pas mieux que l’ignominie qu’elle prétend combattre.

Par définition, l’avenir appartient aux jeunes : il est donc de leur devoir de se montrer partout solidaires de ce qui se passe à Tadjourah.

Le combat aujourd’hui mené par la Jeunesse de Tadjourah, tout en dénonçant les fondements ségrégationnistes du système RPP, met l’opposition au défi de proposer une alternance crédible en osant poser les vraies questions et définir un projet de société dans lequel nul ne sera oublié. Mais si c’est pour singer…

Cassim Ahmed Dini
ARD