23/11/2013 (Brève 300) Houssein Ibrahim Houmed, professeur de philosphie, qui a été contraint de quitter Djibouti pour trouver refuge en France, afin d’échapper aux harcèlements policiers dont il était victime, lance une plainte devant le Procureur de la Cour pénale internationale.

_________________ Note de l’ARDHD
L’équipe de l’ARDHD soutient sans réserve la démarche. Depuis des années, l’ARDHD appelait les Djiboutiens à porter des plaintes contre le régime, qui assassine des hommes et des femmes, qui musèle toute forme d’opposition et qui administre la justice uniquement en sa faveur et en faveur de ses courtisans.

Nous espérons que le Procureur de la Cour pénale internationale lancera une enquête pour vérifier les assertions et qu’il pourra avoir connaissance de tous les crimes commis par Ismaël Omar Guelleh et ses obligés.
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(Télécharger la plainte en format original avec ses annexes (PdF)

Houssein IBRAHIM HOUMED
Professeur de Philosophie

Diplômé de l’Université de Paris-IV-Sorbonne
Militant socialiste-Fédération d’Ille et Vilaine
Mail : housseinphilo@gmail.com

Rennes, le 22/11/2013

A
Monsieur le Procureur de la Cour Pénale Internationale
Cabinet du Procureur
Unité des informations et des éléments de preuve
Boîte postale 19519
2500 CM La Haye-Pays-Bas/Fax: +31 70 5158555
mail: otp.informationdesk@icc-cpi.int

Objet : Plainte pour crimes de guerre, génocide et crimes contre l’humanité à l’encontre du Président de la République de Djibouti, M. Ismaël Omar Guelleh Commis entre juillet 1977 et novembre 2013

Monsieur le Procureur,

Par la présente, c’est contraint et forcé par l’impunité qui y règne et par
l’aggravation de la situation à Djibouti, que j’ai l’insigne honneur de déposer
plainte auprès de la Cour Pénale Internationale de Justice à l’encontre de
Monsieur Ismaël Omar Guelleh, actuel Président de la République de Djibouti,
aux motifs suivants :

– génocide, crimes de guerres et crimes contre l’humanité perpétrés contre des civils Afars d’Arhiba, de Gourabous, de Hanlé, d’Obock, de Day et de Randa et de Dorra.

Ces crimes portent principalement sur des actes de tortures, de viols, de massacres de civils – femmes, hommes, personnes âgées et enfants – et pour faits d’assassinats d’opposants politiques.

Les faits dont Monsieur Ismaël Omar Guelleh, objet de la présente plainte,
est l’orchestre central, sont les suivants :

Ethnocide :
C’est la communauté afar qui a été la plus éprouvée par les actes de tortures (décembre 1977, 1982 et janvier 1991) et les massacres à répétition du fait de son origine.
Au cours et après la guerre civile de 1991-1994, une véritable « chasse à l’Afar » – femmes, hommes, personnes âgées et enfants – s’est abattue sur cette population, dont le point culminant a été la tuerie de la cité d’Arhiba, planifiée
le 18 décembre 1991 au plus niveau de l’Etat. Les victimes, composées essentiellement de civils, ont été prises entre les tirs croisés de l’armée, de la police et de la gendarmerie, dans lesquelles officiaient des soldats d’origine somali ou issa.

L’actuel Président Djiboutien, dauphin du président Hassan Gouled et Directeur des Services Djiboutiens de Sécurité et de Documentation à l’époque de ces faits, Monsieur Ismaël Omar Guelleh a également été le donneur d’ordres lors des massacres de Gourabous, de Hanlé et de Gagadé dans le Sud du Pays mais aussi au Nord, dans la forêt du Day, de Randa et de Dorra entre 1991 et 1994, ceci afin de terroriser les populations afar de Djibouti et les forcer à abandonner leurs terres. Dans plusieurs localités, outre les exécutions sommaires des responsables locaux, des viols de femmes afar par les forces de répression auraient été signalées et perpétrées sur ordre des autorités djiboutiennes.

Viols :
Le cas le plus connu, tant sur le plan national qu’international, est l’affaire de Madame HASNA MOHAMED ALI, de la Famille SOULEIKI, du nom de cette femme afar, très âgée et aliénée mentale, mère de 9 enfants, qui fut brûlée vive après avoir subis plusieurs viols par les milices gouvernementales, devant des témoins, dans une ville d’Obock quasiment désertée par sa population et sous le fallacieux prétexte qu’elle aurait été à cette époque une « espionne de l’opposition Afar ».

Selon divers témoignages, le médiateur de l’Etat français, envoyé spécial du Palais de l’Elysée et présent sur place au moment des faits, aurait aussitôt quitté les lieux en signe de protestation compte tenu du caractère ignoble de tels actes, qui relèvent de la sauvagerie la plus atroce, pour rejoindre immédiatement Paris.

Assassinats politiques :
Les autres communautés n’ont pas été épargnées puisque bien des opposants somalis ont payé de leur vie le fait d’avoir osé réclamer une ouverture à la démocratie à Djibouti ainsi que le respect des droits de l’homme. En réponse à cette démarche, susceptible de rétablir le calme et la sérénité dans le pays, de nombreux officiers supérieurs de l’Armée et de la Police ont perdu la vie dans des circonstances non élucidées encore à ce jour car non assujettis à enquête du Parquet.

C’est ainsi que des zones d’ombres entourent, entre autres, la mort du Colonel Abdi Bogoreh, chef d’État-major de la Gendarmerie, d’un commissaire du Service de Documentation et de la Sécurité, d’un pharmacien ou encore du général de division Yacin Yabeh Galab, chef d’état-major de la Police nationale,
souvent maquillé en suicide ou en mort naturelle.

Lors d’une vague de répressions inexpliquées en 1991, la communauté Gadaboursi (Somalis) a également payé un lourd tribut à la violence arbitraire de l’Etat djiboutien. Dans la brigade de recherche de la gendarmerie de la capitale, on a retrouvé les corps de fonctionnaires et de commerçants asphyxiés.

Ces événements ont eu des conséquences sur le plan diplomatique.

A la suite d’une macabre découverte de corps découpés dans des sacs-poubelle, les autorités françaises auraient, à cette époque, cessé toute collaboration avec la Gendarmerie djiboutienne, jusqu’au départ du colonel Hoche, commandant de corps. Il est également important de citer le cas de crimes isolés : dont celui Monsieur Mohamed Hassan dit « Diable » de la tribu Gadaboursi, Directeur des douanes dont la dépouille a été retrouvé décapitée par la police politique à Galafi .
L’acte d’exécution étant survenu sur ordre direct d’Ismaël Omar Guelleh. Ce cas n’est pas isolé et le recensement quant aux crimes commis est en cours d’évaluation alors que les actes de ce type continuent d’être perpétrés, encore de nos jours, en toute impunité.

Le but de ces crimes sur le moyen terme est double : D’une part, il s’agit de procéder à une lente épuration ethnique concernant les Afars, assimilable à un génocide masqué car discrètement chassés de leurs terres ancestrales, et d’autre part de procéder à des assassinats politiques concernant les somalis.

Pour toutes ces raisons et face à cette situation intolérable, voire insoutenable pour les populations Afars chassées de leurs terres avec une aggravation de la situation depuis 1999 jusqu’à ce jour.

Ma conscience humaine me dicte de réagir, par rapport aux crimes commis à l’encontre des populations Afars qui réclament Justice et Respect de leurs Droits, en déposant plainte auprès de la Cour Pénale Internationale de Justice à l’encontre Monsieur Ismaël Omar Guelleh, Président de la République de Djibouti, pour les raisons suivantes :

– génocide masqué, crimes de guerres et crimes contre l’humanité perpétrés à l’encontre des civils Afars d’Arhiba, de Gourabous, de Hanlé, d’Obock, de Day et de Randa et de Dorra.

Il est en effet inadmissible que ces crimes restent impunis.

La République de Djibouti étant signataire du traité de Rome et faisant partie des pays ayant ratifié la cour Pénale Internationale depuis novembre 2002, toute légitimité pour juger ces crimes revient à votre seule compétence universelle.

Vous trouverez, ci-jointes, les listes des victimes publiées par l’Alliance Républicaine pour le Développement (l’ARD) avec les détails complets (noms, lieu d’exécution, âge et situation familiale des victimes) et qui vous permettront d’apprécier la situation.

J’ajoute à ceci que je me tiens à l’entière disposition de la Cour Pénale Internationale pour lui transmettre tout renseignement complémentaire susceptible de l’intéresser ou pour témoigner devant elle si elle estimait en avoir le besoin.

J’ose espérer, Monsieur le Procureur, que vous partagerez l’esprit de ces lignes et que ce dossier, qui est parfaitement conforme au droit applicable en matière de crimes contre l’humanité, puisse recueillir votre avis favorable afin que le Président de la République, Monsieur Ismaël Omar Guelleh, qui se croit au dessus de toute Justice, puisse enfin être poursuivi et jugé devant la Cour Pénale Internationale.

Je vous remercie de l’intérêt que vous voudrez bien accorder à ma demande et dans cette attente je vous prie d’agréer, Monsieur le Procureur, l’assurance de mes très hautes, respectueuses et distinguées salutations.

Houssein IBRAHIM HOUMED
Professeur de Philosophie

Pièces jointes : (Télécharger l’ensemble de la plainte et des annexes)

  • Listes des victimes civiles.
  • Listes non exhaustives, susceptibles d’être complétées en fonction des enquêtes que nous menons auprès de la population ; souvent maintenue dans le silence par la terreur imposée.