27/03/2014 (Brève 378) Libération : Affaire Borrel: offensive contre le secret défense

A son tour, un gouvernement de gauche est mis à contribution pour éclaircir l’affaire Borrel, du nom de ce magistrat français détaché à Djibouti décédé en octobre 1995. Ses prédécesseurs de droite n’ayant jusqu’à présent communiqué que des informations «insuffisantes et trop partielles».

Thèse.
Cela ressort d’un courrier de la juge d’instruction Brigitte Marchais, adressé début mars au ministère de la Défense, incarné par Jean-Yves Le Drian.

Succédant à Sophie Clément, promue, elle est l’une des trois juges d’instruction désormais en charge du dossier, signe que la justice française n’entend pas lâcher prise. De fait, l’entame de son courrier est sans ambages, évoquant «l’assassinat» de Bernard Borrel, alors que les autorités françaises ont longtemps défendu la thèse d’un suicide –il se serait immolé par le feu avant de se précipiter dans un ravin…

La missive revient sur trois précédentes demandes de levée du secret défense, en 2003, 2004 et 2007 : avec parcimonie, les différents ministres avaient accepté la transmission –après déclassification totale ou partielle– de treize notes de la DGSE (Direction générale de la sécurité extérieure) et de dix fiches de la DPSD(Direction de la protection et de la sécurité de la défense).«Insuffisant et partiel», donc, à en croire les magistrats.

Pour preuve de la mauvaise volonté des pouvoirs publics à éclairer la justice, aucune note de la DGSE concernant la période 1995-1997 (soit les deux premières années suivant «l’assassinat» de Bernard Borrel) n’a été transmise.

Cette «carence des services de renseignement sur un événement aussi important est inenvisageable», ironise la magistrate dans son courrier à Le Drian. Car de deux choses l’une : soit la DGSE est alors dépassée par les événements, soit elle cache aujourd’hui quelque chose. Brigitte Marchais paraît pencher pour la seconde hypothèse: «Certains des témoins entendus ultérieurement, et dont certains appartiennent à la DGSE, soulignent, qu’à l’époque déjà, les circonstances entourant le décès de ce magistrat étaient considérées comme troublantes et n’excluaient ni l’hypothèse d’un assassinat ni l’hypothèse d’un mobile politique.»

«Fouineur». Bernard Borrel, éliminé par le régime djiboutien sous l’impavidité bovine des autorités françaises, sous prétexte qu’il s’agissait d’un juge «fouineur»? L’affaire n’a pas fini d’empoisonner la Françafrique ou la Françocéanie. Tout récemment, un témoin à charge de l’affaire Borrel, Mohamed Saleh Alhoumekani, ancien membre de la garde présidentielle et dénonciateur de l’actuel leader djiboutien, Ismaïl Omar Guelleh, a été arrêté au Yemen puis finalement libéré en dépit d’une demande d’extradition de cet Etat croupion. Pour cette fois, le pire a été évité.

RENAUD LECADRE