29/10/2015 (Brève 494) MediaPart / Tandis que la prochaine élection présidentielle à Djibouti doit avoir lieu en 2016, les partis d’opposition peinent à faire entendre leur voix.

Plusieurs mois après avoir évoqué leur sort sur ce blog, force est de constater qu’ils continuent d’être étouffés par le pouvoir sans partage de l’actuel chef de l’Etat, Ismaël Omar Guelleh. 

A Djibouti, il se pourrait bien que le scrutin présidentiel de 2016 tourne à la mascarade. Tous les éléments sont réunis : un chef de l’Etat, Ismaël Omar Guelleh (IOG), qui rechigne à céder son trône présidentiel – et ce malgré plusieurs annonces en ce sens – au prix de retouches constitutionnelles à répétition ; une opposition qui, en dépit d’un accord-cadre signé en décembre 2014 avec la majorité présidentielle, ne parvient toujours pas à exister démocratiquement ; une crise politique désormais bien établie, la situation interne de cet Etat de la Corne de l’Afrique risquant à présent de le faire exploser, selon le président de la Ligue djiboutienne des droits de l’homme (LDDH), Omar Ali Ewado.

« Pas d’élection présidentielle sans commission paritaire »
Dernier événement en date : le bombardement, au mois d’août dernier, par l’armée djiboutienne – fidèle au gouvernement d’IOG –, de certaines positions du Front pour la restauration de l’unité et de la démocratie (FRUD) dans le nord du pays. Créé en 1991, lorsqu’éclate la guerre civile à Djibouti, le FRUD – qui signifie également Front pour la restauration de l’unité à Djibouti – rassemble des militants issus du Front de libération de Djibouti (FDLD), lui-même issu d’un regroupement entre deux petits mouvements en 1979 : l’Union nationale pour l’indépendance (UNI) et le Mouvement populaire de libération (MPL).

Opposé dès le départ au népotisme du président de la République d’alors, Hassan Gouled Aptidon – chef de l’Etat depuis l’indépendance acquise en 1977 –, le FRUD poursuit les actes de contestation, surtout dans le nord du pays, après l’élection d’IOG en 1999. Ce dernier, depuis, n’hésite pas à solliciter les forces armées djiboutiennes afin d’étouffer toute tentative de rébellion ou de dissidence politique.

En décembre 2014, un accord entre la majorité et l’opposition avait pourtant été trouvé. Le pays était alors secoué par une grave crise post-électorale à l’issue du scrutin législatif de février 2013, remporté par l’Union pour le salut national (USN) – regroupement des partis d’opposition – mais bafoué par le parti du président Guelleh. D’après le président de l’USN, Ahmed Youssouf : « Cette victoire traduisait le ras-le-bol de la population djiboutienne envers un régime qui n’a pas su répondre à ses attentes.

Malgré les moyens disproportionnés déployés, les intimidations, l’achat de conscience, le regroupement de l’opposition a largement devancé le pouvoir. » Après plus de vingt mois de tension et une USN obligée de revoir à la baisse ses victoires électorales, les parties signent l’accord tant espéré, qui n’aboutit cependant à rien. La commission paritaire en vue de l’élection présidentielle de l’année prochaine n’a toujours pas vu le jour, l’USN dénonçant la mauvaise volonté d’IOG dans l’affaire. Pour Ahmed Youssouf, la position est claire : « pas d’élection présidentielle en 2016 sans commission électorale paritaire indépendante ». 

« On essaie de sensibiliser la communauté internationale »
Pourtant, les revendications de l’opposition sont connues : « Les points essentiels sont largement énumérés. Il y a les questions immédiates, il y a les questions un peu longues : le changement dans les institutions, la décentralisation, les statuts des partis politiques… et la liberté de s’exprimer dans les médias nationaux…, chose dont nous sommes tous privés », alerte le président de l’USN. Djibouti est, en effet, non loin derrière l’Iran et la Chine, l’un des pays au monde où la liberté de la presse est la plus bafouée.

Quiconque souhaite s’élever contre le régime par le canal médiatique se voit automatiquement empêché – lorsqu’il n’est pas arrêté.

Le cas de Maydaneh Abdallah Okieh est de ce point de vue révélateur : journaliste et responsable technique du site d’informations La Voix de Djibouti – créé en 2010 par la diaspora –, ce dernier a été, au cours des deux années passées, régulièrement séquestré par les forces de police du pays. Son tort ?

Avoir voulu couvrir une réunion de l’USN en mai 2014 et été témoin de la violente répression, par la gendarmerie, des sympathisants présents au meeting. Selon Virginie Dangles, adjointe à la direction des programmes de Reporters sans frontières (RSF) : « Maydaneh Abdallah Okieh diffusait une information libre et indépendante qui dérange la dictature djiboutienne depuis longtemps. »

Plus récemment, ce n’est ni plus ni moins qu’un membre dirigeant de l’USN, Fayçal Mohamed Hadi, qui s’est vu arrêter pour ses opinions ; ancien secrétaire général de la Chambre de commerce de Djibouti, ce dernier a été révoqué illégalement avant d’être placé en détention par la SDS, sorte de police politique dévolue au président Guelleh.

Si l’élection présidentielle devait avoir lieu, comme prévu, en 2016, sans que rien ne bouge, les soupçons de corruption et de fraude électorales seraient, à coup sûr, immenses. La communauté internationale réagirait-elle pour autant ? Rien n’est moins sûr. C’est pourtant vers elle que se tourne l’opposition djiboutienne : «

On essaye de sensibiliser la communauté internationale sur l’impasse politique que connait notre pays », affirme ainsi Ahmed Youssouf. L’absence de réponse valable de sa part est pour l’instant le seul constat à tirer.