13/12/2015 (Brève 541) AGORA VOX / Lune de miel entre la Chine et Djibouti : une bonne nouvelle ? (Par IH)

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Entre le géant asiatique et le petit pays de la Corne africaine, les relations n’ont jamais été aussi bonnes. Contrats mirifiques, confiance renouvelée et prochainement la construction d’une base militaire chinoise sur le sol djiboutien. La lune de miel se passe sans accroc et fait craindre aux partenaires historiques que sont la France et les Etats-Unis une mise sur la touche sans possible retour. Une éventualité qui ne fait pas peur au grand timonier djiboutien, Ismaïl Omar Guelleh qui a prouvé par le passé que les moyens importent peu du moment que l’objectif est atteint.

L’information est confirmée officiellement depuis peu. La Chine va bientôt commencer les travaux de construction d’une base navale à Djibouti qui lui permettra de prendre véritablement pied dans la région de la Corne de l’Afrique. Engagé dans des opérations anti-piraterie depuis 2008, la Chine est obligée de se reposer sur le bon vouloir des puissances déjà implantées dans le secteur pour appareiller. Une dépendance dont la deuxième puissance mondiale ne peut se contenter. Et étant donné que les relations avec Djibouti sont au beau fixe, l’idée d’y construire sa propre base parait logique et devrait se faire à des conditions plus qu’amicales.

Contrairement à la France et aux Etats-Unis qui doivent payer une concession pour avoir le droit de bénéficier d’une présence sur le sol djiboutien, la Chine pourrait construire une base qui accueillera 10 000 hommes sans débourser le moindre yuan. Une exception qui s’explique par des relations très chaleureuses entre les deux pays et la promesse chinoise de verser une aide économique supérieure à 20 millions d’euros.

Le jeu en vaut la chandelle car en plus d’une présence militaire très visible dans la région, la Chine s’affirme comme le nouveau partenaire privilégié de Djibouti. Les chantiers se multiplient et sont raflés par des entreprises chinoises. Une zone franche de plusieurs hectares sortira de terre et devrait créer à terme 340 000 emplois selon les autorités. Un tour de force au regard d’une population active djiboutienne grande de 350 000 personnes…

Tributaire du commerce mondial pour son rayonnement économique, Djibouti possède un port extrêmement important, un poumon indispensable en somme. Et l’arrivée fin 2012 de la China Merchants Holdings International au capital du Port de Djibouti en acquérant 23,5 % des parts pour 185 millions de dollars était le signe d’un évident rapprochement entre les deux pays.

Si la lune de miel est aussi belle, c’est que les relations avec les pays occidentaux se sont refroidies ces dernières années. La France semble hors-jeu depuis quelque temps, malgré les liens historiques qui unissent Paris à Djibouti et les Etats-Unis sont peu à peu remplacés même si une entreprise américaine, Black Rhino, est en première ligne pour le projet d’environ 1,5 milliard de dollars d’un oléoduc long de 550 kilomètres entre Damerjog et la ville éthiopienne d’Awash. La raison de ce désamour parait logique : alors que les droits de l’homme ne semblent pas être la priorité du président djiboutien Ismaïl Omar Guelleh, des partenaires occidentaux comme la France ou les Etats-Unis, qui demandent le respect de certains critères démocratiques à leurs partenaires ne semblent plus vraiment idéaux pour le pays d’Afrique.

Au milieu des années 2000, c’est Dubaï qui tenait la corde avant que les investissements du micro-Etat ne se tarissent en raison de la crise et des différends commerciaux venus envenimer la relation entre les deux pays. Le président Ismaïl Omar Guelleh qui tient d’une main de fer Djibouti a alors déroulé le tapis rouge à une Chine avide de s’engouffrer dans la brèche. Et si tous les engagements sont respectés, il sera difficile pour les autres pays d’exister au milieu d’un quasi-mariage qui ne dit pas son nom.