20/01/2016 (Brève 646) par Drapeau Rouge Djibouti : Guelleh « accepte de briguer un quatrième mandat », la communauté internationale détourne le regard.

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Au pouvoir depuis 16 ans, Ismaïl Omar Guelleh a confirmé début décembre 2015 son souhait de briguer un quatrième mandat présidentiel. Si l’annonce n’a surpris personne, elle ne présage rien de bon pour l’avenir de Djibouti, où les droits de l’Homme sont encore régulièrement bafoués sans réaction de la communauté internationale.

Les mois, les années et les mandats présidentiels défilent à Djibouti sans que la liberté d’expression ne progresse. Malgré le « multipartisme partiel » prévu par la Constitution de 1992, le gouvernement continue de museler toute forme d’opposition politique, qu’elle émane du peuple ou de la presse.

Le 20 novembre 2015, l’arrestation de plusieurs journalistes et militants lors d’un meeting organisé par l’Union pour le salut national (USN), coalition de partis d’opposition, a ravivé les souvenirs tragiques de deux dernières manifestations réprimées par la force. Le 18 février 2011, deux personnes avaient trouvé la mort lors d’un rassemblement pacifique quelques semaines avant l’élection présidentielle. Deux ans plus tard, une manifestation de protestation contre les résultats des élections législatives faisait huit victimes et entraînait plus de 900 arrestations par les forces de l’ordre.

Intimidations pour contrôler la presse

Participant au scrutin pour la première fois depuis 10 ans, les partis d’opposition avaient alors dénoncé une « mascarade électorale » au profit de l’Union pour la majorité présidentielle (UMP), créditée de 80 % des sièges au Parlement. Dans son rapport annuel sur les droits de l’Homme, le Département d’État des États-Unis avait lui aussi condamné ce « recours à la force excessive », accusant le pouvoir djiboutien « de restreindre le droit des citoyens de changer de gouvernement […] en harcelant, en maltraitant et en mettant en détention des détracteurs, en refusant à la population l’accès à des sources d’information indépendantes et en limitant la liberté d’expression et de réunion ».

Malgré ces alertes à la démocratie, la presse est aujourd’hui toujours autant contrôlée à Djibouti, qui pointe en 170e position sur les 180 pays du classement 2015 de la liberté de la presse établi par Reporters sans frontières. Les intimidations envers les journalistes sont encore d’actualité, poussant les médias à abonder dans le sens du pouvoir. Le meeting d’opposition du 20 novembre 2015 n’a ainsi presque pas été relayé dans les journaux, tandis que celui organisé par l’UMP trois semaines plus tôt a été largement couvert par la presse écrite et audiovisuelle. Pire : la communauté internationale continue elle aussi de fermer les yeux sur la répression des libertés d’expression.

Complaisance des pays possédant des intérêts sur place

La France, les États-Unis, le Japon et bientôt la Chine possèdent des bases militaires à Djibouti, dont la situation stratégique, en face du Moyen-Orient, incite à la complaisance. La peur de l’inconnu motive peut-être aussi l’inaction des pays possédant des intérêts sur place, en particulier au regard des récents troubles politiques qui ont suivi la destitution de dictatures en Tunisie, en Égypte, en Libye et surtout en Syrie.

À quatre mois de l’élection présidentielle, l’opposition au pouvoir s’inquiète de l’équité du scrutin. L’accord-cadre qui prévoyait l’instauration d’une commission électorale indépendante avant la fin de l’année n’a pas encore été publié par le gouvernement. Ismaïl Omar Guelleh, lui, avance confiant vers son quatrième mandat, rendu possible par une modification de la constitution nationale, qui limitait la présidence à deux mandatures.

Réélu avec 100 % des voix en 2005 faute de concurrent et 81% en 2011 face à un candidat jugé factice par ses opposants, IOG avait pourtant juré qu’il ne se représenterait pas en 2016. Mais comme en 2011, le chef d’État de 68 ans a finalement accepté de « se plier à [la] volonté [des Djiboutiens] en acceptant de briguer un nouveau mandat ». Pas sûr que ce noble sacrifice soit un véritable cadeau pour les 79,4 % d’habitants qui vivent sous le seuil de pauvreté à Djibouti…;