17/07/2016 (Brève 817) A lire sur AgoraVox : Ismaïl Omar Guelleh s’échine à renforcer l’axe Djibouti-Pékin au détriment de l’intérêt de ses citoyens (Signé AMeillon)

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Si la victoire à la présidentielle djiboutienne d’Ismaïl Omar Guelleh, en avril dernier, est toujours contestée, il s’agit bel et bien d’un acquis. Alors que le chef de l’Etat devrait désormais s’atteler à l’amélioration du quotidien de ses citoyens, il semble plus intéressé par l’approfondissement de son partenariat avec la Chine que par les enjeux de son pays.

« Les Djiboutiens m’ont interdit de partir. » Voilà la justification laconique du président sortant, Ismaïl Omar Guelleh (IOG), candidat à sa propre succession en avril dernier, qui avait pourtant promis que son troisième mandat serait le dernier. C’est sans grande surprise qu’il a remporté une élection qualifiée par nombre d’observateurs de mascarade, le chef de l’Etat enregistrant une victoire écrasante (86,68 % des voix au premier tour) et des scores aux allures de « cimes » soviétiques dans certains bureaux de vote – en particulier dans la région de Dikhil, dans le Sud-Ouest, fief historique du parti présidentiel.

« De la poudre aux yeux »
Une chose, à la lecture de ce plébiscite, est certaine : IOG n’a pas été réélu pour les conditions de vie qu’il offre aux Djiboutiens. Le chômage touche aujourd’hui plus de 60 % de la population et la dette explose ; le Fonds monétaire international (FMI) estime que la dette atteindra l’an prochain 80 % du PIB. En outre, tous les indicateurs de développement sont au rouge : que ce soit l’indice de développement humaine (IDH), la situation de la liberté de la presse et, plus globalement, des droits de l‘homme, ou l’indice de facilité de faire des affaires (« doing business »), et ce
malgré une croissance de 6 %.

A force de déceptions – et contrairement au score officiel de la dernière présidentielle –, la politique du gouvernement est de plus en plus contestée. Le dernier mandat a laissé dans la bouche de nombreux Djiboutiens un goût d’inachevé. Pour autant, il y a peu de chances que les choses évoluent de sitôt : après dix-sept à la tête de ce micro-État, IOG n’est pas prêt de changer de recette, malgré ses promesses.

Daher Ahmed Farah, le leader du Mouvement pour le renouveau démocratique et le développement (MRD), « ne croit pas (du tout) dans la lutte contre le chômage » annoncée par le nouveau gouvernement dans l’élan de la présidentielle. « Il faut de profondes réformes démocratiques et l’instauration d’une bonne gouvernance. Pour nous, il n’y a pas de changement, c’est seulement de la poudre aux yeux », développe-t-il. Pourtant, « c’est la responsabilité du gouvernement de faire en sorte que cette croissance soit inclusive et qu’elle irrigue de ses bienfaits toutes les couches sociales sur l’ensemble de notre territoire national », affirmait le président de la République le 27 juin dernier, lors d’une cérémonie en l’honneur des 39 ans de l’indépendance nationale.

Essoufflement de la Chine
De plus en plus se demandent si M. Guelleh est capable, voire s’il veut redresser le cap. Alors que le gouvernement ferait bien de moderniser l’administration et de renforcer l’éducation pour assurer un avenir professionnel à une population très jeune, les deniers publics sont dilapidés dans une politique de grands travaux proche de la folie des grandeurs (oléoduc avec l’Ethiopie, aéroports, un parc éolien et une centrale géothermique). Ainsi, la construction de la voie ferrée reliant la frontière éthiopienne au port de Doraleh (Djibouti) a fait l’objet d’un prêt de 505 millions de dollars, avec un remboursement prévu en dix ans, sans période de grâce, et à un taux d’intérêt supérieur à 5 %. La Banque mondiale proposait, elle, un taux d’intérêt de 2 %, avec étalement des remboursements sur trente ans – une politique qui permettait de rentabiliser les infrastructures, et mettait le pays à l’abri de la réappropriation par le maître d’œuvre.

Non seulement les travaux risquent de coûter cher aux finances de l’Etat, mais ils ont été de plus confiés à des entreprises chinoises, ce qui atténue les retombées économiques au bénéfice de la population. Si la Coface publiait en 2015 une étude économique alarmiste sur le risque de surendettement de Djibouti, Pékin n’hésite pas à investir massivement dans ce pays de la Corne de l’Afrique, dont la situation géographique, à quelques encablures de la péninsule arabique, présente de multiples intérêts.

Fierté d’IOG, ce rapprochement avec la Chine s’est fait dans des termes qui lui sont très défavorables, celle-ci faisant passer ses intérêts commerciaux avant tout principe moral ou éthique. L’Empire du Milieu cherche depuis plusieurs années à conforter son implantation en Afrique, et le pays a tout pour devenir une porte d’entrée sécurisée militairement la liant à l’ensemble du continent. Sauf que, revers de la médaille, les partenariats déjà noués avec certains pays africains ne se révèlent pas aussi intéressants que prévu pour ces derniers, et l’essoufflement – tout relatif – de la Chine risque d’impacter des économies encore très fragiles.