12/02/2019 (Brève 1284) L’Humanité : BORREL, DEUX ÉTATS CONTRE UNE FAMILLE (Par Stéphane Aubouard)

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Il aura fallu vingt-deux ans de combat acharné de la famille du juge Borrel, assassiné en 1995 à Djibouti, pour que le parquet de Paris admette qu’il s’agissait d’une affaire criminelle.

Le 19 octobre 1995, le corps en partie calciné du juge Bernard Borrel est retrouvé à 80 kilomètres de la ville de Djibouti. Quelques heures plus tard, l’ambassadeur de France annonce que le magistrat « a mis fin à ses jours », alors même que l’autopsie n’est pas encore faite. Pour la famille du défunt, c’est le début d’un éprouvant marathon judiciaire. ­Élisabeth Borrel et ses deux enfants résistent. Après vingt-deux ans de lutte, ils obtiennent une première victoire : le 13 juillet 2017, le procureur de la République de Paris admet, « au regard des dernières expertises médico-légales réalisées », que l’affaire Borrel est « une affaire criminelle ». Entre ces deux dates, les avocats Laurent de Caunes et Olivier Morice, ainsi que des membres du Syndicat de la magistrature, se heurtent au mur du secret défense. Surtout, ils doivent faire face aux moyens illimités de deux États. Menaces, intimidations et tentatives de corruption se multiplient.

Le président de la République français, Jacques Chirac, et son homologue djiboutien, Ismaïl Omar Guelleh, n’hésitent pas à faire pression sur des juges, à alimenter les calomnies visant la victime et l’ensemble de ses proches. « L’enjeu est que le citoyen comprenne que ce secret ne concerne pas seulement l’armée mais toute la société. Il faudrait plutôt parler de secret d’État élargi à tous les domaines sociétaux comme la recherche, les affaires, l’écologie », insistait la veuve du juge Borrel dans nos colonnes, le 14 décembre 2017.

Dans ce dossier criminel hors norme, où se croisent les réseaux de la Françafrique, du terrorisme international et de la mafia, le plus difficile reste encore à faire pour la justice : trouver le mobile de ce crime, en arrêter les auteurs et leurs commanditaires. S. A.