06/10/1999 – La République de Djibouti ou la tyrannie acceptée.

L’ancien Territoire Français des Afars et des Issas, devenu indépendant en 1977, connaît un régime de non droit où les libertés les plus élémentaires ont été anéanties.

Le président Hassan Gouled Aptidon et depuis les dernières élections de mai 1999, son neveu et successeur, Ismaël Omar Guelleh, ont pillé la population de ce petit État de 500.000 habitants, accroché à la Corne de l’Afrique, face au détroit de Bab El Mandeb, face à la péninsule arabique.

Ce pillage organisé et cette oligarchie ancrée par la force, la torture, les massacres et la peur dans le paysage politique de cette terre ancestrale, chantée par Rimbaud et Henri de Monfred, ont ravagé Djibouti et sa population.

Les forces de résistance à l’oppression se sont peu à peu organisées pour tenter d’infléchir cette politique d’avilissement. La résistance intérieure et extérieure occasionne de réels dommages aux forces gouvernementales qui reçoivent l’aide la France et de l’Éthiopie.

La base militaire française de Djibouti, la plus importante en Afrique, installée à demeure sans bourse déliée, sans paiement de loyer, ni d’indemnités d’aucune sorte, constitue une garde prétorienne rapprochée du tortionnaire Guelleh. Les aides publiques françaises, européennes ou provenant du Fonds Monétaire International sont systématiquement détournées au profit du clan du pouvoir : château à Divonnes les Bains, Palais sur la Mer Rouge, comptes en banque en Suisse etc…

Les journaux d’opposition sont interdits; les journalistes sont incarcérés sans jugement; les avocats de la liberté sont condamnés et emprisonnés dans des conditions inhumaines, les juges sont à la botte du pouvoir bien qu’ils aient été pour la plupart formés à l’École Nationale de la Magistrature de Bordeaux.

La France met à la disposition du gouvernement de Djibouti des fonctionnaires, militaires et magistrats français dans le cadre d’accords bilatéraux.

Ces mêmes fonctionnaires, militaires et magistrats français sensés apporter la contribution de la France à l’évolution du pays vers la démocratie connaissent les crimes, les actes de torture, les violations des droits de l’homme quotidienne sans les dénoncer.

Les justiciables n’ont pas droit au libre choix d’avocats indépendants interdits de visa et les engagements donnés par les autorités djiboutiennes au gouvernement français sont retirés sans réaction ni protestation aucune.

Tout se passe comme si le peuple de Djibouti vivait dans un pays parfaitement harmonieux. Voyage d’Etat pour le Président Guelleh à Paris accueilli avec tous les honneurs à l’Élysée et à Matignon ; demande d’aides importantes au F.M.I. et à l’Union Européenne, etc…

Le peuple est maintenu en servitude par des monopoles économiques : -Société Djibnet, société dont les principaux associés appartiennent au cercle rapproché du président Guelleh, pour la diffusion des programmes télévisés comme Canal + Horizons au préjudice d’entreprises locales évincées scandaleusement, ce qui entraîne des litiges actuellement en cours devant le Tribunal de Commerce de Paris. -Société SOGIK, entreprise composée des mêmes associés, ayant le monopole du Khat, drogue à base d’herbes, importées d’Éthiopie. -Hôtel Sheraton, bien d’Etat privatisé par la loi, tombant dans le patrimoine d’un proche du président Guelleh, revendu récemment à un riche homme d’affaire éthiopien à un prix très élevé….

L’économie est exsangue, le peuple n’a plus le moindre espoir et les énergies disparaissent sans le moindre sursaut des pays du Nord.

La presse elle-même reste silencieuse, sauf la récente réaction de Reporters sans Frontières à la suite de l’arrestation illégale des journalistes d’opposition.

Devons-nous attendre des massacres plus importants encore, des tortures plus odieuses encore, des violations des droits de l’homme plus ignobles encore pour que les médias des pays libres commencent à attirer l’attention des politiques, français notamment, sur cette situation inadmissible que nous avons sous les yeux. La loi du silence règne.

TOUT EST TRANQUILLE.

Roger-Vincent Calatayud,
ancien bâtonnier,
Président de l’A.F.A.D.D