31/01/2000:  » LE FIGARO  » Affaire BORREL : Un deuxième témoin confirmerait les déclarations du militaire djiboutien réfugié à Bruxelles.

Les juges d’instruction parisiens Roger Le Loire et Marie Paule Moracchini doivent se rendre, aujourd’hui, à Bruxelles pour entendre l’ancien officier djiboutien, Mohamed Saleh Alhoumekani, dans le cadre de l’enquête sur la mort suspecte de Bernard Borrel , survenue en octobre 1995, à Djibouti. Adjoint à la sécurité dans la garde présidentielle à l’époque des faits, Mohamed Alhoumekani affirme que le magistrat français a été victime d’un assassinat commandité par l’actuel président Djiboutien, Ismaïl Omar Guelleh lorsqu’il était chef de cabinet du Président Aptidon (nos éditions du 11 janvier).

Le militaire prétend avoir assisté à une discussion compromettante, en octobre 1995, dans les jardins du palais présidentiel, entre Ismaïl Omar Guelleh, et cinq autres personnes, dont un terroriste djiboutien impliqué dans l’attentat du  » café de Paris « .
Awalleh Guelleh Assoweh, sorti de prison pour l’occasion. Ce dernier aurait indiqué au chef de cabinet  » la mission est accomplie « ,  » le juge fouineur a été tué sans aucune trace « .

Plus de quatre ans après les faits, ce témoignage, fermement contesté par les autorités djiboutiennes, remet en question la thèse officielle du suicide de Bernard Borrel, à laquelle s’était ralliée la justice française. Malgré plusieurs éléments troublants. Informés dès le 22 novembre de l’existence de ce témoin, via interpol, les magistrats parisiens n’avaient pas jugé nécessaire de se déplacer.

La publication organisée par la partie civile les a contraints à lancer une commission rogatoire internationale en Belgique. Reste à savoir si Mohamed Saleh Alhoumekani acceptera de leur divulguer l’identité du  » Français « , présent lors de la discussion sur la mort de Bernard Borrel.

L’enquête ne s’arrête pas là. Depuis les révélations de l’officier djiboutien, d’autres témoins se sont manifestés dans cette affaire, accréditant à leur tour la thèse d’un assassinat maquillé en suicide. Toujours à la demande des avocats de la famille Borrel, Mr Laurent de Caunes et Olivier Morice, Roger Le Loire a entendu en début de semaine dernière un ancien juge d’instruction djiboutien en poste sur place, à l’époque des faits. Réfugié en France depuis 1998, ce magistrat a indiqué sur procès-verbal que le procureur général de Djibouti Mr Afkada avait reçu  » ordre de sa hiérarchie  » de ne pas ouvrir d’information judiciaire pour  » recherche des causes de la mort « , après la découverte du cadavre carbonisé de Bernard Borrel.

Ce jour-là, le procureur général s’était rendu sur les lieux du  » suicide « , en hélicoptère, en compagnie du procureur de Djibouti et du Directeur des services judiciaires. A son retour au palis de justice, Mr Afkada avait affirmé à certains collègues :  » Ca ne peut pas être un suicide : cela ressemble à une mise en scène « . Il envisageait alors d’ouvrir une enquête, lorsqu’un contre ordre l’en a dissuadé.

Ce retournement serait intervenu après une visite de Jean-Jacques Mouline, chef de la mission de la coopération à Djibouti, au ministre de la justice, Moumin Badon Farah. Peu après, un communiqué officiel annonçait le regrettable suicide de Bernard Borrel.

Alexandrine Bouilhet.

EXTRAIT LE FIGARO DU 31 JANVIER 2000