20/02/2000 – Interview de M Ahmed DINI, président du Frud-armé, ancien Premier ministre de Djibouti (Extrait des Nouvelles d’ADDIS, www.lesnouvelles.org)

PROPOS RECUEILLIS PAR
ALAIN LETERRIER (Les Nouvelles d’ADDIS)
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(Extraits de l’entretien à paraître dans les Nouvelles d’Addis n°16, mars-avril 2000)

Le Gouvernement de la République de Djibouti et le Front pour la restauration de l’unité et de la démocratie (Frud-armé) ont signé un accord-cadre « de réforme et de concorde civile » le 7 février à Paris. Selon cet accord, « les prisonniers des deux parties détenus de part et d’autre seront immédiatement libérés pour marquer le début du processus mettant fin à l’état de belligérance. » Les combats ont cessé ; les premières libérations de prisonniers ont eu lieu dans les tout premiers jours suivants l’accord de paix. M. Dini, en exil en France, rentrera prochainement à Djibouti ; on parle de son entrée au gouvernement. Une nouvelle conception de la politique pourrait-elle voir le jour dans la Corne de l’Afrique ?
Alain LETERRIER a rencontré Ahmed Dini et abordé trois thèmes avec lui : lutte armée, perspectives politiques, paix-sécurité-développement régional. Voici les idées fortes de cet entretien. — AL

« Djibouti est une escale française, un port éthiopien,
une ville somalie, le tout enclavé dans un pays afar marginalisé. »
[Robert Lambotte, l’Humanité, 1967]

[Paris, 14 février 2000]

AD. La lutte armée c’est une forme d’expression lorsque […] le dialogue devient impossible ou inopérant. […] À ce moment-là, la lutte armée devient inévitable. […] Voilà le but d’une lutte armée : donner la parole à la parole.

[…]

La lutte armée a été déclenchée en 1991, lorsqu’une partie de la communauté nationale a considéré qu’elle était l’objet d’une politique systématique d’exclusion et de marginalisation. […] Le pouvoir a répondu par la force. Étant donné que la force était privilégiée par le pouvoir, elle a également été choisie par la partie qui se sentait lésée, comme réponse à la force.

LNA. L’accord-cadre met-il fin à la lutte armé ?

AD. […] Si je ne le croyais pas, je n’aurais pas signé cet accord. Je crois que cet accord mettra fin à la lutte armée parce qu’il permet d’examiner les causes de la lutte armée et prévoit les réparations des conséquences de la lutte armée.

[…]

LNA. Avez-vous une idée des conséquences humaines, du gâchis humain de la lutte armée ?

AD. […] La lutte armée a provoqué un énorme gâchis. D’abord, elle n’était pas inévitable, à condition que les deux parties fassent l’effort nécessaire pour l’éviter ; ensuite il n’était pas dit qu’elle devait se poursuivre aussi longtemps, si les deux parties s’en étaient rendu compte suffisamment tôt pour estimer le gâchis qu’elle provoquait.

[…]

Afin d’affaiblir les tentatives des combattants maquisards, le gouvernement a appliqué un blocus alimentaire et un blocus médical. Il y a eu plusieurs épidémies qui ont aggravé les effets des combats. Des régions entières ont été dévastées, les cultures totalement détruites, les gens qui vivaient d’élevage ont vu leurs troupeaux décimés, par des actions voulues de l’armée gouvernementale. Il y a eu des tortures, des viols, il y a des filles et des femmes qui sont traumatisées pour la vie.

[…]

Nous n’avons pas mené une guerre totale. En neuf ans de conflit, nous n’avons pas perpétré un seul attentat individuel, pas d’assassinat, pas un seul sabotage de bien public, pas d’actes de guérilla urbaine. Les seules bavures possibles peuvent avoir eu lieu lors du minage des voies de circulation empruntées par les véhicules militaires.

[…]

Nous n’avons pas posé une seule mine antipersonnel […], c’est un type d’arme que nous n’avons jamais voulu posséder, que nous n’avons jamais utilisé.

[…]

Nous avons mené une guerre chevaleresque pour laisser une porte ouverte à la réconciliation et à la coexistence.

[…]

Nous avons déjà commencé à déminer, parce que nous connaissons le nombre de mines, les emplacements puisqu’il n’y a pas de minage systématique. […] Pour nous, quelques dizaines. Seulement sur des tronçons de routes qui relient un poste militaire à un autre.

[…]

LNA. Revenons aux aspects politiques de la lutte armée ; quels en étaient les fondements et les visées idéologiques ?

AD. Notre lutte armée n’avait pas pour objet de créer un État distinct de celui que nous combattions. Elle n’avait pas non plus pour objectif d’imposer une idéologie différente – gauche, droite, communiste, capitaliste, islamiste… Elle n’avait pas cet objectif d’imposer quelque chose de différent de ce qui était en cours dans le pays. Notre lutte avait pour objectif principal, je dirais même unique, de considérer et de traiter l’ensemble de la communauté nationale sur un même pied d’égalité. Mêmes droits mêmes devoirs. Ce qui devait couvrir la démocratie, permettre le pluralisme, la liberté d’opinion, d’expression, d’association, de manifestation.

Rien que de classique et de conventionnel. Mais le pouvoir considérait une partie de la population, les Afars, comme des intrus introduits dans le pays par le colonialisme français. Alors qu’ils étaient là lorsque le colonialisme français est arrivé, ils étaient même, je peux dire, les seuls à se trouver là. Partant de là, il les considérait comme un résidu de colonialisme qui devait donc être éliminé par l’indépendance.

[…]

Maintenant le Frud-armé est un mouvement national.

LNA. Estimez-vous que l’élection de M. Ismaël Oumar Guelleh à la présidence a créé une ère politique nouvelle ?

AD. […] L’offre de dialogue n’est pas nouvelle, elle n’est pas la première, c’est une proposition que nous faisons périodiquement. L’offre de dialogue avait eu lieu avant le déclenchement de la lutte armée, en 1991, et c’est faute d’avoir été prise en considération que la guerre s’est déclenchée. Et après le déclenchement de la lutte armée, nous l’avons renouvelée et la lutte armée a continué parce que cette nouvelle offre n’a pas été écoutée.

Mais la différence entre l’offre actuelle et les multiples offres précédentes, c’est que les précédentes avaient été formulées par l’intermédiaire d’une tierce partie. […] C’est une ère nouvelle parce que c’est un nouveau président. Son prédécesseur avait refusé toutes les démarches.

LNA. Est-ce seulement parce que c’est un nouveau président ou est-ce parce qu’il n’est pas pareil ?

AD. Il y a des deux. Il est nouveau dans la fonction présidentielle – quoiqu’il n’était pas très loin de la présidence puisqu’il était chef de cabinet – et il est différent parce qu’il est jeune et qu’il peut avoir l’ambition de rester longtemps au pouvoir. Par ailleurs, il a une formation intellectuelle différente de celle de son prédécesseur ; c’est un homme que l’on peut dire cultivé et qui peut donc avoir une ouverture d’esprit plus large. C’est pour cette raison que nous nous sommes adressés directement à lui et je considère, jusqu’à présent, que nous ne nous sommes pas trompés dans notre appréciation. Pour la suite, nous verrons…

[…]

Je crois qu’il comprendra, ou même qu’il a déjà compris, que la formule actuelle d’exercice du pouvoir est une formule sans avenir. Parce que l’environnement international, l’environnement régional et l’environnement local ne sont pas comme avant. […] Les dictatures ont été éliminées de plusieurs continents […] ; elles sont actuellement, je ne dirais pas harcelés mais encerclés. On fait attention aux violations des droits de l’homme, au développement humain. Donc les pouvoirs autoritaires, autocratiques, qui empêchent le développement humain et le développement économique de leurs pays ne sont pas très appréciés à travers le monde.

[…]

Il a été élu, il y a moins d’un an, il lui reste encore cinq ans avant les prochaines élections pour redresser la situation. Si les cinq ans sont utilisés pour faire taire les oppositions, les syndicalistes, les critiques… ce seront cinq ans de perdus et pour un résultat aléatoire ; si ces cinq ans sont utilisés pour libéraliser, pour réaliser une vertu et un début de développement humain et une remise sur la voie des progrès économiques, je pense que le résultat sera meilleur.

[…]

LNA. L’accord-cadre dit « il n’y a pas de république viable sans démocratie, ni démocratie sans équilibre des pouvoirs, pluralité de l’opinion, liberté d’en faire état et de droits d’agir pour les faire valoir… », quelles garanties vous sont offertes concernant ces aspects ?

AD. Il n’y a pas de garantie. Nous n’avons pas demandé de garanties parce qu’il n’y en a pas. Il y a des principes et les exigences de ces principes. Ces principes ont été formulés par écrit. La seule garantie qui vaille c’est que ceux qui doivent bénéficier de ces principes luttent sans relâche, voilà la seule garantie ; la garantie écrite ou orale, ça n’existe pas. Combien de textes écrits sont violés, bafoués, du moment que le rapport de force le permet ? Combien de promesses verbales sont parties en l’air ? La seule garantie c’est la continuité, l’équilibre politique, le rapport de force et la lutte sans relâche. Nous sommes décidés à exercer ces garanties.

LNA. En somme, vous venez de poser le fusil mais il restera dans un coin de la maison…

AD. Je ne sous-entends pas la reprise des combats armés, mais la lutte politique. Mais comme les mêmes causes produisent les mêmes effets…

LNA. Tout le monde dit que vous allez entrer au gouvernement.

AD. Moi je ne l’ai jamais dit. Et ce n’est écrit nulle part. Je ne suis pas amoureux du pouvoir ni des fauteuils ministériels. Et puis j’ai largement dépassé l’âge où on recherche le pouvoir pour le plaisir. Tous les candidats au pouvoir disent qu’ils ne sont pas candidats. Mais ce n’est pas mon cas. Et si je suis appelé à participer d’une manière ou d’une autre au pouvoir, ça sera pour faire quelque chose d’utile et non pas pour profiter des avantages liés au pouvoir.

LNA. À quel niveau accepteriez-vous de « faire quelque chose d’utile » ?

AD. Partons d’un principe. J’ai des idées précises sur le diagnostic du mal djiboutien. Et également, étant donné que je prétends poser un diagnostic juste, j’ai des idées précises sur les traitements, sur la thérapeutique. Poser un diagnostic et poser une thérapeutique n’est pas l’affaire d’un garçon de salle ou d’un infirmier. Cela se situe à un autre niveau. Je ne peux pas être plus clair.

LNA. Il existe plusieurs mouvements d’opposition à Djibouti. Le fait que vous seul, leader du Frud-armé, ayez signé un accord d’égal à égal avec le président djiboutien ne modifie-t-il pas l’équilibre des pouvoirs ?

AD. En ce qui me concerne, je crois que le fait que le Président ait dépêché son chef de cabinet montre bien qu’il attache une importance au fait de signer cet accord avec moi. Mais, dans mon esprit, cela ne marginalise pas le reste de l’opposition qui se trouve à l’intérieur. L’opposition armée présente une particularité, celle d’être armée et de mener une lutte armée. Il a été tenu compte de cette particularité d’abord pour donner à la paix civile sa chance. Les partis ou les oppositions légales ou civiles c’est dans le cadre d’une paix retrouvée et assurée qu’ils pourront exercer leur activité. Ils viendront donc chronologiquement au deuxième stade du déroulement des processus : d’abord on fait la paix, ensuite, dans un pays en paix, l’opposition et le pouvoir discutent pour régler les caractéristiques civiles de la chose politique. Mais la revendication de la démocratisation, présentée dans l’accord, correspond bien aux revendications de toute l’opposition djiboutienne unifiée et non pas seulement à la revendication du Frud.

Je n’aurais pas servi la démocratie si je participais à la marginalisation de l’opposition ou d’une partie de l’opposition. La démocratie a besoin d’opposition.

[…]

LNA. Vous avez qualifié de « gesticulations » l’initiative djiboutienne visant à régler la crise somalienne [cf. déclaration à l’AFP, publiée le 18/11/99]. Que pensez-vous de la politique étrangère de Djibouti dans la région ?

AD. Je pense toujours la même chose. J’ai bien employé ce mot, mais dans une phrase précise. Pour moi ce mot signifie faire des gestes dans tous les sens. Mais cette « gesticulation » en l’occurrence n’est pas dénuée d’intérêt. Parce qu’elle permet que l’on parle de la Somalie qui commençait à quitter les préoccupations internationales. Maintenant, à l’occasion de cette gesticulation, on en parle. J’ai dit gesticulation parce que je suis convaincu qu’une solution au problème somalien ne viendra pas de l’extérieur – quelle que soit la perfection du plan qui sera présenté – mais qu’elle viendra des Somaliens eux-mêmes.

[…]

LNA. Vous avez déclaré que « le groupe afar est le plus concerné et le plus intéressé par l’arrêt des combats entre l’Éthiopie et l’Érythrée ». Avez-vous une position personnelle dans les revendications des deux parties en présence dans ce conflit ?

AD. Pour parler des revendications territoriales, je connais pas les cartes de la région et des frontières de cette région, je suis donc absolument incapable de dire qui a raison et qui a tort sur le plan des revendications territoriales. Mais je continue à considérer, comme je le disais en novembre dernier, une question purement frontalière ne mérite pas une guerre entre ces deux pays. Pour régler un contentieux territorial, il y a des instances régionales, internationales, judiciaires. Il y a le tribunal international de La Haye ; il y a des accords, des conventions… La frontière éthio-érythréenne ne se trouve pas sur Mars, c’est un endroit connu qui figure sur les cartes ; si ces cartes sont véridiques, truquées, il y a des instances qui sont capables de déchiffrer ces cartes et de dire la vérité. Actuellement, on peut savoir la frontière d’après les cartes internationales existantes ; on peut même savoir la frontière par satellite, à un mètre près. Cela ne mérite pas la mort de centaines ou de milliers de gens.

[…]

Les Afars se trouvent en Érythrée comme Érythréens, en Éthiopie comme Éthiopiens et bien sûr à Djibouti aussi. En Éthiopie ou en Érythrée, ils sont conscrits dans l’armée de gré ou de force. Ils ont la particularité d’appartenir aux mêmes tribus, aux mêmes familles. Donc des frères, des cousins se tirent dessus en estimant qu’ils ont tort des deux côtés. Dans chaque famille c’est un drame. Et c’est un drame politique également parce que les Afars d’Érythrée font l’objet de soupçons de sympathies avec l’Éthiopie et on se méfie d’eux en Érythrée. Et l’inverse, en Éthiopie. Donc pour les Afars, il n’y a pas de paix et il ne jouit de la confiance de personne dans la guerre. Il tue à tort, il meurt à tort. Une partie des Tigréens se trouve dans la même situation puisqu’ils se trouve des Tigréens des deux côtés. Ce sont les deux peuples qui se trouvent dans cette situation. Les trois frontières passent au milieu des familles afars. Nous sommes donc le groupe le plus concerné par la paix. S’il n’y a pas la paix, nous ne pouvons pas choisir, puisque nous avons de la famille de l’autre côté. Nous ne pouvons pas considérer l’Érythrée comme ennemi, nous ne pouvons pas considérer l’Éthiopie comme ennemi puisque les rapports entre les familles dépend des rapports entre les états. Nous sommes les seuls à nous trouver dans cette situation.

[…]

Ils [les Afars, ndlr] ne peuvent pas avoir un avenir indépendant de l’avenir de la région. Les Afars érythréens se considèrent comme Érythréens, les Afars djiboutiens se considèrent comme Djiboutiens, les Afars éthiopiens se considèrent comme Éthiopiens. Et leur avenir dépend des relations entre ces trois États.

[…]

Les aspirations des Afars sont que les relations entre les trois pays soient les meilleures possibles pour ne pas être écartelés. La politique de chacun de ces trois pays est la politique afar. Pour éviter l’écartèlement, il faut qu’ils vivent en harmonie. Et l’avenir afar se trouve dans cette harmonie. Pour le moment, dans les trois pays ils craignent d’abord d’être marginalisés parce que chacun les soupçonne d’être en faveur de l’autre.

LNA. Mais à Djibouti, quel est l’avenir des Afars djiboutiens ?

AD. La décentralisation. Un pouvoir décentralisé où ils pourront administrer la région qu’ils habitent. Pour que leur bien-être, leur développement et même leur survie ne dépendent pas d’un pouvoir centralisé qui pourrait leur être hostile. Le passé nous démontre que c’est possible. Le pouvoir à Djibouti, de 1977 à 1991, était absolument hostile à la nationalité afar. Sur tous les plans. Pour se prémunir contre l’hostilité d’un pouvoir centralisé, il n’y a que la décentralisation. Ce n’est pas irrédemptisme, sécessionnisme ou séparatisme, c’est une exigence de survie.

LNA. Certains de vos frères du Frud ont été arrêtés par les autorités éthiopiennes et livrés à Djibouti. En concevez-vous de la rancoeur ?

AD. De la rancoeur non. Parce que les dirigeants des États prétendent, ou sont convaincus que leurs actions sont dictées par l’intérêt des pays qu’ils dirigent. Ils ont considéré à un certain moment que capturer et livrer sommairement les dirigeants du Frud à Djibouti servait l’intérêt de leur pays. Je pense qu’ils sont revenus de cette conviction. Pour deux raisons. Premièrement parce que l’intérêt de l’Éthiopie à Djibouti ne dépend pas d’une des parties en présence, mais de tout le monde. Donc, en se dressant contre les Afars, ils ne servent pas l’intérêt de leur pays. Deuxièmement, l’activité politique afar, quelle que soit la forme utilisée pour cette activité, n’est pas fondamentalement contre les intérêts de l’Éthiopie. Comme elle n’est pas contre les intérêts d’aucun des pays de la région.

[…]

LNA. Quel est votre point de vue sur l’évolution des relations djibouto-éthiopiennes ?

AD. Djibouti c’est essentiellement le port. Il y a une admirable définition donnée par un journaliste français, du journal communiste l’Humanité, Robert Lambotte, qui a dit (il faisait partie de la délégation de journalistes qui accompagnait de Gaulle, en 1967 à Djibouti) : « Djibouti est une escale française, un port éthiopien, une ville somalie, le tout enclavé dans un pays afar marginalisé ». C’est absolument véridique. Et ça n’a pas changé. Le port de Djibouti a été principalement édifié comme débouché de l’Éthiopie, import et export. Il y a donc ce lien organique entre l’Éthiopie et Djibouti. Si le port de Djibouti n’est pas utilisé par l’Éthiopie, il n’a pas d’autre client ou très peu. C’est un port de redistribution mais personne ne l’utilise pour la redistribution. Il est utilisé à 80 ou 90% par l’Éthiopie.

Djibouti sans port, ce n’est pas Djibouti. Donc il y a ce lien. Mais à partir de ce lien, Djibouti et l’Éthiopie doivent éviter plusieurs écueils dont le principal et le plus dangereux, du côté éthiopien, serait de vouloir mettre la main sur Djibouti pour qu’il soit sous la souveraineté éthiopienne. C’est un risque dangereux pour l’Éthiopie. Si l’Éthiopie mettait la main sur Djibouti, elle perdrait ce port. Djibouti deviendrait ipso facto partie intégrante, prolongement de l’Ogaden, donc un territoire à libérer. Il y aurait donc une lutte de libération. Les autorités djiboutiennes doivent éviter de se conduire en vassaux de l’Éthiopie. Il doit y avoir complémentarité, pas dépendance. Djibouti doit garder sa marge de manoeuvre, sa liberté.

LNA. Quand rentrez-vous à Djibouti ?

AD. Oui je vais rentrer, mais en évitant la précipitation et la lenteur. Si je suis trop long à rentrer, la dynamique que nous avons créée par la signature se casserait ; il ne me faut pas trop tarder, trop traîner, faire preuve de trop de lenteur. Mais si je rentrais dès maintenant, je créerais une précipitation, un tourbillon, des activités qui nuiraient à la sérénité de l’action. Je rentrerai d’ici deux ou trois semaines [la première semaine de mars donc, ndlr]. La précipitation n’est pas souhaitable et trop de lenteur non plus.

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LA PAIX À DJIBOUTI ? —

« Convaincus qu’à la suite d’une confrontation armée, ayant opposé des membres de la Communauté nationale djiboutienne, il est indispensable d’apporter des solutions globales et définitives permettant l’instauration de la paix civile par le dialogue, la tolérance et le respect de l’autre », le gouvernement de la République de Djibouti et le Front pour la restauration de l’unité et de la démocratie (Frud-armé) ont signé un accord-cadre « de réforme et de concorde civile » le 7 février à Paris.
Les combats ont cessé ; les premières libérations de prisonniers ont eu lieu. Fait nouveau, le texte de l’accord fut tout de suite disponible en ligne : sur un site d’opposition en France d’abord, sur un site proche du gouvernement djiboutien ensuite. Le premier offre en plus le communiqué de presse commun gouvernement-Frud.
L’accord sur le site « Liberté-Aref »
L’accord sur le site « République-Djibouti »

PAIX-SÉCURITÉ-DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL. —
Et si le traité de paix entre le gouvernement djiboutien et son opposition armée changeait profondément les choses dans la région ? Nous avons rencontré Ahmed Dini Ahmed, président du Frud-armé, ancien Premier ministre de Djibouti. L’entretien intégral paraîtra dans les Nouvelles d’Addis n°16, mars-avril 2000. Des extraits significatifs sont mis en ligne.
M. Dini, en exil en France, rentrera prochainement à Djibouti ; on parle de son entrée au gouvernement – et pourquoi pas comme Premier ministre ? Une nouvelle conception de la politique verrait-elle le jour dans la Corne de l’Afrique ?

Trois thèmes sont abordés dans l’entretien avec M. Dini : lutte armée, perspectives politiques, paix-sécurité-développement régional.

LE FRUD OPÉRAIT-IL DEPUIS L’ÉRYTHRÉE ? —
Paris, vendredi 18 février 2000, Ahmed Dini Ahmed, président du Front pour la restauration de l’unité et de la démocratie (Frud-armé), dément la rumeur faisant état d’opérations conduites par des maquisards de son mouvement à partir du territoire érythréen.