24/05/2000 – Arrêt de la Cour Suprême de Djibouti, qui casse un jugement en vertus de nullités d’ordre public ? Pourquoi les enfants mineurs ne bénéficient-ils pas eux aussi de cette jurisprudence qui leur serait pourtant applicable ?

Cet arrêt concerne un adulte : pourquoi la jurisprudence n’est-elle pas applicable aux enfants dans une situation similaire ?

Arrêt transmis par Me Mohamed OMAR que nous félicitons
à cette occasion

RÉPUBLIQUE DE DJIBOUTI
UNITÉ – ÉGALITÉ – PAIX

COUR SUPRÊME

ASSEMBLÉE GÉNÉRALE

DOSSIER N° 96/99

ARRÊT N° 17/P/AG
DU 16 avril 2000
l’an deux mille et le seize avril,

La Cour suprême de Djibouti, statuant contradictoirement, en matière pénale et en audience publique où siégeaient, en formation restreinte prévue par l’ordonnance n° 81/069/PR/J du 21 mai 1981 portant dispositions transitoires et exceptionnelles prévues pour la composition de la Cour ;
Président : Madame K. ABEBA, Présidente de la Cour, .Rapporteur
Conseillers : Messieurs ABDOURAHMAN CHEICK et RACHID ABDI
Assisté de Monsieur SAID MAHAMOUD , greffier en chef de la Cour suprême
En présence de Monsieur ALI MOHAMED ABDOU, procureur général près la Cour Suprême ;

ENTRE
ABDOUL-GALIL CHAMSAN TABET, commerçant au quartier 1, demeurant à Djibouti
Demandeur,

ET

1) ALI TABET ALI, commerçant, .demeurant au Quartier 4,
2) Le Ministère Public
Défendeurs
OBJET DU LITIGE faux usage de faux, complicité, faux témoignage , dénonciation
calomnieuse,
DÉCISION ATTAQUÉE arrêt 62/99 du 30 juin 1999 rendu par la chambre des appels correctionnels

Ouï La présidente en son rapport ,
Vu le mémoire ampliatif déposé par le demandeur au pourvoi
VU le mémoire en réplique déposé par le défendeur.
ouï les réquisition du représentant du ministère public

Après en avoir délibéré conformément à la loi.
la cour suprême de Djibouti, en son Assemblée générale.

Considérant que la section d’examen préalable de la cour suprême, réunie en son audience du 26 décembre 1999, a déclaré recevable en la forme le pourvoi formulé par ABDOUL-GALIL CHAMSAN TABET, le 1er juillet 1999 contre l’arrêt n° 62/99 du 30 juin 1999 rendu par la chambre des appels correctionnels qui – infirmant le jugement de première instance attaqué n’a retenu la culpabilité pour faux et usage de faux, complicité, faux témoignage et dénonciation calomnieuse que contre
lui et DIRIE DARAR FARAH, et les a condamnés, sur l’action publique, à la peine de six mois d’emprisonnement ferme chacun et. sur les intérêts civils, à payer à la
partie civile ALI TABET ALI la somme de 500 000 FD à titre de dommages et intérêts ;
Considérant que, dans son mémoire ampliatif. le demandeur au pourvoi soutient – dans un premier moyen tiré de la dénaturation des éléments de la cause, mauvaise application de la loi – l’inexistence des infractions qui lui sont reprochées. puisqu’il a été mis hors de cause par l’ensemble des personnes entendues dans le cadre de l’enquête préliminaire ;

QUE, dans un second moyen tiré d’un défaut de motifs et de base légale, il fait grief à l’arrêt attaqué de ne pas avoir précisé Ies faits matériels qui auraient justifié son inculpation et l’application de la loi pénale à son encontre, ledit arrêt se contentant de renvoyer aux textes d’accusation sans aucune précision, ce qui caractériserait l’absence de motifs ;

QUE, dans un troisième moyen tiré de l’ absence totale de fondement de sa condamnation -il reproche à I’arrêt de la Cour d’appel de l’avoir condamné sans que les éléments constitutifs des infractions qui Iui sont reprochées ne soient rapportés ;

QUE, dans un quatrième moyen de cassation, il soulève la nullité de la procédure engagée contre lui pour violation des articles 64 et suivants, 347 du code de procédure pénale, pour aucun avis des dispositions des articles 65-2 et 65-4 du code de
procédure pénale n’avoir été donné à sa personne lors de sa garde à vue;
Considérant que. pour sa part. le défendeur au pourvoi sollicite l’irrecevabilité, et en tout cas le non fondement des pourvois formés par ABDOULCHAMSAN et DIRIE DARAR FARAH et leur rejet, et reconventionnellement, la condamnation de ces .derniers à lui payer la somme de 500 000 FD à titre de dommages et intérêts pour pourvois abusifs et frais irrépétibles et enfin subsidiairement au cas ou il sera procédé à la cassation de l’arrêt attaqué, de les condamner solidairement et conjointement à lui payer la somme de 28 500 000 FD à titre de dommages et intérêts pour toutes causes de procédures confondues, ;

Sur ce,

Considérant qu’il convient tout d’abord de préciser que seul ABDOUL-GALIL CHAMSAN TABET a formé le pourvoi dont la cour est saisie ;

Considérant que – avant d’analyser les trois premiers moyens soutenus par le demandeur au pourvoi, touchant le fond de la cause -il y a lieu d’examiner le quatrième moyen qui porte sur la régularité de la procédure objet du présent litige ;

Considérant qu’il ressort du jugement de première instance n° 512/98 du 17 mai 1998 -sanctionné par l’arrêt dont pourvoi -que le conseil du demandeur ABDOUL-GALIL CHAMSAN TABET soulève, dès la première instance, la nullité de la procédure engagée contre fui pour inobservations des dispositions légales sur la garde à vue ;

Qu’en omettant de statuer sur ce point, le premier juge, et par suite les juges d’appel, ont manqué à l’obligation qui leur est faite de répondre à toutes les demandes à eux présentées, tant par le requérant que par la défense ;

Que, partant l’arrêt attaqué encourt la cassation pour non réponse à conclusions ;

Qu’il échet, en application de l’ar1icle 3 de l’ordonnance portant création de la cour
Suprême, d’évoquer la cause au fond;

Considérant que l’article 66-1 alinéa 2 du code de procédure pénale sanctionne par la nullité du procès-verbal l’audition de la personne gardée à vue, Ie dépassement des délais fixés paf les articles 64 et 64-1 du même code ainsi que l’inobservation des dispositions de l’articte 65-5 de ce code qui fait obligation à tout officier de police judiciaire de mentionner -dûment consignés et émargés -les avis donnés à la personne gardée à vue en vertu de l’article 65 du code quant aux jour et heure auxquels a débuté sa garde à vue, de l’article 65-2 sur la possibilité de se faire examiner par un médecin, et de l’article 65-4 concernant la possibilité pour elle d’être assistée par un avocat, de son choix ou désigné d’office sur sa demande ;

Considérant qu’en l’espèce, la pièce de la procédure de l’enquête préliminaire diligentée par la brigade des quartiers n° 3 -4 -5 de la gendarmerie nationale -intitulée  » mesures de garde à vue de Mr. ABDOUL-GALIL CHAMSAN TABET  » et paraphée par ce dernier et par l’officier de police judiciaire – porte les mentions se rapportant à la date de l’arrestation, les heures d’audition, celles de repos et enfin celles de son transfèrement ;

Qu’aucune indication se rapportant aux possibilités qui lui sont offertes par les articles 65-2 et 65-4 du code de procédure pénale n’est consignée sur cette pièce, comme il se devait en vertu de l’article 65-5 de ce code ;

Que, dès lors, et compte tenu de l’inobservation ainsi relevée. les procès-verbaux d’audition de ABDOUL-GAliL CHAMSAN ,TABET seront déclarés nuls en application de l’article 66-1 du même code, entraînant la nullité de toute la procédure uItérieurement instruite à son égard, à savoir son inculpation pour faux et usage de faux. et dénonciation calomnieuse telle qu’elle ressort du procès-verbal d’interrogatoire de flagrant délit en date du 5 mai 1998, établi par le substitut du procureur de la République ainsi que sa condamnation pour ces chefs d’inculpation ;
Considérant -sur les dépens -qui ils seront supportés par le Trésor public ;

PAR CES MOTIFS

.Casse et annule l’arrét n° 62/99 du 30 juin 1999 de la chambre des appels correctionnels. pour défaut de réponse à conclusions ;

Evoquant

.Annule les procès-verbaux d’audition de ABDOUL-GALIL CHAMSAN TABET établis par les gendarmes. pour non respect des articles 65-2. 65-4 rt 65-5 du code de procédure pénale. en application de l’article 66-1 du même code ;

.Dit que les poursuites engagées à son encontre sont nulles et de nul effet;

.Met les dépens à la charge du Trésor public.